Les malheurs d'Endora ~ Terminée

Chapitre 33

Les cinq premiers jours sur le navire se passèrent tranquillement sans que l'on ne rencontre le moindre obstacle. D'après ce que m'avait dit Verena, nous devrions faire notre première escale d'ici deux jours.

Je ne m'étais toujours pas habituée à cette peur qui me saisissait les tripes lorsque je réalisais que j'étais sur l'eau. Mais je restais assez occupée pour éviter d'y penser. Depuis que nous étions arrivés, je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour maintenir mon esprit en action.

Lohan et moi étions distants. Je surprenais quelques fois son regard insistant. Une lueur qui ressemblait à de l'inquiétude y brillait, mais je n'étais plus sûre de rien en ce qui le concernait. Je ne le voyais que rarement étant donné que je passais mon temps à aider tout le monde pour me vider la tête.

Le soir, nous nous endormions rapidement sans prendre le temps de parler. De temps en temps, il me surprenait en me demandant comment j'allais et il se contentait de mes réponses évasives et sans grand intérêt.

J'avais compris le sentiment que j'avais ressenti en le voyant avec la jeune femme blonde qui s'appelait Nerezza. C'était la peur. Lorsque je l'avais vu proche d'elle, un sentiment de solitude intense m'avait envahi et j'avais fini par le décrypter. Avec le temps, j'avais fini par avoir l'habitude d'être avec Lohan. J'avais même fini par apprécier sa présence.

Pourtant, en le voyant avec elle, j'avais compris que cela ne durerait pas. Qu'une fois qu'il serait arrivé dans la fameuse Crique où se cachait celui qui pouvait le sauver de Nakas, il s'en irait pour toujours et chacun reprendrait sa vie.

Je m'étais sentie seule lorsque je l'avais vu rire avec Nerezza et j'avais été en colère car cela m'avait rappelé que, dans tous les cas, notre « relation » n'était qu'éphémère et le serait toujours.

La solitude. Je la redoutais probablement plus que tout le reste. Parce que lorsqu'elle me submergeait, mes pensées prenaient le dessus. Les larmes menaçaient de couler et ma gorge était obstruée. Mon pouvoir grondait. Seule, j'avais peur de ce qui pouvait m'arriver. Peur de ne pas réussir à me relever et à dépasser toutes ces épreuves. Je redoutais de devoir faire face à la mort de Galmain, à tous ce qui pesait sur mes bras. Toute cette impuissance et cette douleur.

Et j'en voulais à Lohan de ne pas le comprendre. C'était purement égoïste et j'en avais conscience. Mais une part de moi était énervée contre lui, énervée qu'il me repousse un peu plus à chaque jour pour se rapprocher d'elle.

Toutes les nuits, lorsqu'il se réveillait en sursaut, qu'il hurlait et se débattait contre ses démons qui prenaient le dessus, je me précipitai toujours vers lui. Toutes les nuits, j'espérais secrètement qu'il allait laisser tomber ses barrières comme je l'avais fait avec lui. Qu'il allait me laisser approcher. Il ne le faisait jamais.

À certains moments, je regrettais notre complicité d'avant. À d'autres, je me disais que c'était bien mieux ainsi. Pourtant, lorsque je le voyais m'observer du coin de l'œil, que je l'apercevais me glisser un léger sourire par-ci par-là, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que je n'avais pas imaginé l'affection qui nous avions commencé à ressentir l'un pour l'autre.

Pour ma part, je n'avais toujours pas revu Ange et je devais reconnaître que c'était toujours une angoisse lorsque je me couchais dans le lit dur comme de la pierre du défunt Linn. Je savais au fond de moi que le fait qu'il ne me rende pas visite était probablement pire que s'il le faisait. Un mauvais pressentiment enflait au fur et à mesure que les jours défilaient.

Affairée sur le pont à nettoyer le parquet, j'entendis des pas dans mon dos. C'était une démarche gracieuse et délicate, bien loin de celle bourrue et sans discrétion de Lohan. Je me retournai pour faire face à Verena.