Les malheurs d'Endora ~ Terminée

Chapitre 35

Verena et Branack se regardèrent sans comprendre.

— Lohan est claustrophobe. Aucune chambre n'a de fenêtres. J'aimerais lui peindre un ciel étoilé sur le plafond de la chambre si vous m'y autorisez. Peut-être que ça l'aidera à se sentir mieux.

Je ne mentionnai pas les cauchemars de Lohan, ils n'avaient pas besoin de le savoir. Cela n'allait probablement rien changer à l'état de Lohan, mais je voulais tout de même tenter le coup. Peut-être que s'il parvenait à oublier qu'il était dans un espace fermé, cela allait l'aider. J'étais prête à tout essayer pour ne plus jamais revoir cette douleur sur son visage d'habitude rieur et moqueur.

Verena adressa un clin d'œil très peu discret à son mari et elle me sourit en m'indiquant de la suivre.

Nous traversâmes le pont pour retourner dans les entrailles du navire.

— Je vais vous présenter quelqu'un.

Arrivée devant une petite porte, elle toqua et attendit. Une voix de femme lui répondit et nous entrâmes.

— Glorya, je te présente Aliona. Aliona, voici Glorya.

Je saluai la femme qui était assise devant un chevalet, une palette de peinture à la main.

— Glorya est notre peintre officielle, m'expliqua Verena. Glorya, Aliona aurait besoin de ton aide pour peindre quelque chose dans sa chambre.

— OK.

— Je vous laisse, termina Verena en refermant la porte derrière elle.

Un silence pesant s'étira dans la pièce pendant que Glorya ramassa son matériel.

— Toi aussi, tu ne peux pas peindre toute seule ?

Je ne sus pas quoi répondre. J'avais déjà pris des cours de dessin et je n'étais pas si mauvaise. De là à peindre un plafond entier ? J'en doutais.

— Prends la mallette s'il te plaît.

Je m'exécutai et Glorya me fit signe de la suivre pour attraper deux escabeaux dans son entrepôt. Je la guidai ensuite vers la chambre sans trop savoir quoi dire.

Glorya était une femme d'une cinquantaine d'année avec des cheveux gris coupés en carré et des yeux bleus translucides. Elle était belle malgré son âge et il émanait d'elle une aura dangereuse. J'étais à peu près sûre qu'il valait mieux ne pas la contrarier.

Une fois arrivées dans la chambre, elle me demanda ce que nous devions faire. Je lui expliquai le projet et je vis le coin de ses lèvres se relever dans ce qui semblait être un sourire.

— Bien, petite. Mettons-nous au travail.

Elle m'expliqua comment nous allions procéder et me présenta son matériel. C'était elle-même qui avait mis en place cette peinture. Visiblement, elle séchait en quelques minutes seulement, n'avait aucune odeur et elle était facile à rattraper si on faisait une erreur

Nous parlâmes brièvement de mes bases en dessin et elle me montra quelques motifs pour que nous puissions y aller. Enfin, elle me tendit un tablier et releva ses cheveux qu'elle coinça dans son bandana. Pour ma part, j'attachai les miens brièvement en un chignon très peu structuré.

— Au travail.

Je pris un des escabeaux et commençai à peindre de mon côté pendant que Glorya me supervisait du coin de l'œil en me reprenant de temps en temps lorsque je faisais une erreur.

— Rajoutez un peu de blanc pour que cela soit plus réaliste.

Je m'exécutai en me fiant les yeux fermés à son flair d'artiste. Glorya avançait bien plus vite que moi.

Lorsque je levai les yeux pour voir mon œuvre, je n'étais pas peu fière. Ce que j'avais fait était beau. Les couleurs étaient divines. Les étoiles semblaient briller comme celles que j'avais observées des centaines de fois.

La tête nichée dans le plafond, la concentration au maximum, le temps s'écoulait à la fois lentement et rapidement. Cette sensation de bien être et de plénitude que je ressentais était étrange. J'étais au calme et je ne pensais à rien d'autre qu'à m'appliquer pour ne pas tout faire rater. J'avais toujours aimé peindre, mais j'avais perdu l'habitude de le faire au fil des ans.

Plus que je regardais Glorya et plus je la trouvais impressionnante. Ses doigts se mouvaient avec délicatesse et agilité. Tout ce qu'elle peignait était si réaliste et si beau que je n'avais pas de mots pour lui rendre justice. Elle avait d'abord commencé par faire le fond d'un bleu plus ou moins nuancé en se calant sur ce que j'avais moi-même fait. Elle avait ensuite ajouté une lune qui semblait si semblable à la vraie que j'avais l'impression de vraiment la voir comme en plein air. Chaque petite touche subtile de gris lui donnait du relief et encore plus de réalisme. Par-ci par-là, elle avait fait des étoiles absolument magnifiques.

Mon côté n'était pas si mal, mais ce n'était rien comparé à elle. Tout semblait plus terne et moins vivant. J'en étais fière, cependant. A ce moment-là, je remerciai tous les cours que m'avait fait prendre ma mère pendant près de dix ans.

Les minutes s'égrenèrent, les heures passèrent et je commençai à trouver ça interminable. La chambre n'était pas très grande. Les détails nous prenaient juste un temps considérable.

Lorsque j'eus fini, Glorya repassa sur mon côté pour corriger ou rajouter deux trois petites choses. En levant les yeux, je ne pus retenir un cri d'exclamation. C'était tout simplement... céleste.

— Merci beaucoup, remerciai-je Glorya, les larmes aux yeux.

— Au revoir.

Je savais que je ne devais pas en attendre plus de sa part. Elle ramassa ses affaires, puis partit pendant que je restais là à admirer ce dur travail qui nous avait pris toute la journée.

Tout était là. Les nuages, la lune resplendissante et les étoiles porteuses d'espoir. Mon cœur se serra de fierté.

« Écoute toujours les étoiles ».

Le tatouage sur mon poignet me brûla agréablement. Qu'aurait pensé mon père de tout cela ?

Je pouvais entendre sa voix me féliciter et s'émerveiller du travail remarquable de Glorya. Elle n'était pas juste douée ou talentueuse, c'était l'incarnation de la déesse de l'art, Aena.

Faisant couler mon bain pour me préparer pour le dîner, je laissai tomber mes affaires sur le sol en bois sans pouvoir détacher mes yeux de ce chef-d'œuvre incontestable.

L'eau était brûlante sur ma peau et je dus frotter de longues minutes pour faire partir la peinture de mes cheveux, mes bras et mon visage. Je sortis en revêtant mon peignoir et ouvrit l'armoire de l'ancien pirate Linn.

Je trouvai le fameux bandana de l'équipage d'une couleur rouge bordeaux et je le nouais autour de ma tête comme le faisait Verena après avoir démêlé mes cheveux bouclés avec mes doigts. Je passai un pantalon de cuir noir ainsi qu'une ample chemise blanche. Une tenue basique et confortable.

Ensuite, je sortis de la chambre sans cacher le sourire qui me montait aux oreilles.

Il était temps d'aller chercher Lohan et de voir sa réaction.