Chapitre 52

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J'avais perdu la notion du temps depuis que j'étais arrivée dans ce château de malheur. Cela faisait très clairement plusieurs jours, voire plus d'une semaine peut-être. Quotidiennement, Ange essayait de me convaincre de le rejoindre. Tous les jours, je refusais et tous les jours, il me torturait en trouvant de nouvelles méthodes ingénieuses.

A travers mon lien d'âme sœur, je sentais la souffrance de Lohan. J'étais impuissante. J'endurais. Je subissais en priant tous les Dieux qu'ils existent ou non de mettre fin à ce calvaire.

Ma mère était morte. Je l'avais perdue comme j'avais perdu mon père et, chaque jour, mon cœur saignait. Au fond, la torture n'était pas le pire. Ce que je ressentais psychologiquement était bien plus atroce. Une agonie silencieuse, avec laquelle Ange prenait un grand plaisir à jouer.

Rewan était parti rejoindre les étoiles lui aussi. Le dreamling me l'avait montré et je savais au fond de moi que c'était la réalité. Ange l'avait tué. Parce que Rewan avait voulu m'aider, parce qu'il avait fait l'erreur de me faire confiance et de croire en l'humanité. Sauf que plus personne ne pouvait sauver Ange, ni même Elia.

Elle aussi, je l'avais perdue. Celle que je voyais tous les jours n'avait rien à voir avec celle qui avait vérifié que mes corsets n'étaient pas trop serrés, qui avait séché mes larmes alors que ma mère m'avait frappé jusqu'à ce que je m'évanouisse parce que je m'étais opposée à elle, celle qui m'avait accompagné discrètement les vendredis soir pour aller danser dans des bars incognito. Elle avait disparu totalement, laissant un vide en moi.

Tout était bien trop dur. Tout était bien trop violent. Je n'en voyais pas le bout. Je ne voyais pas la fin.

Aujourd'hui, Elia m'entraîna dans un dédale de couloirs et d'escaliers. Mes jambes étaient faibles et elle me poussait sans aucun ménagement. Je manquai de tomber un nombre incalculable de fois.

Nous débouchâmes sur une pièce avec une vitre sombre dans le fond. Elia m'emmena jusqu'à un siège et m'attacha les poignets et les jambes en serrant bien assez pour que ça me fasse mal.

La porte s'ouvrit et Ange apparut dans mon champ de vision pendant qu'Elia ressortait. Il se rapprocha de moi. Sa main se posa sur mon cou qu'il enserra et il y déposa un baiser. Je lui crachai dessus. J'avais encore assez de dignité pour au moins faire ça.

— Visiblement, tu ne souffres pas assez si tu as gardé autant d'audace. Peut-être que je devrais arrêter d'être gentil avec toi, Aliona chérie.

— Pour ça, il aurait fallu déjà avoir un cœur.

Ses yeux étincelèrent littéralement. Ange me gifla avec le dos de sa main et ma nuque craqua sous la violence du choc. Ma joue me brûlait affreusement. Pourtant, je ne montrais rien, mordant l'intérieur de ma joue pour m'empêcher de grogner jusqu'à ce que le goût familier du sang emplisse ma bouche.

— Comment vas-tu depuis l'annonce de la mort de Rewan ? Je ne t'ai pas posé la question, désolé.

Comme si quelqu'un tel que lui pouvait être désolé...

Ange me tuait à petit feu et il le savait. Toutes ces questions qu'il me posait constamment avaient pour unique but de faire remonter la tristesse et la douleur. Cette torture, à la fois physique et psychique était d'une violence inouïe. Elle me rendait folle. Chacune de ses paroles laissait une marque indélébile en moi malgré toute l'énergie que je mettais à essayer de ne pas l'écouter. C'était peine perdue de toute manière. Ange savait manier les mots aussi bien que je savais utiliser une épée. Tranchants et dévastateurs, ils atteignaient toujours leur cible.

La seule chose qui me permettait de tenir était Lohan. Je ne pouvais pas le laisser ici, seul. Malgré toute la colère que j'avais pu avoir envers lui, ce combat n'était pas que le sien, c'était le nôtre. Je devais me battre pour lui, pour qu'il puisse au moins ressortir vivant de cet endroit. Brisé, mais au moins il serait vivant. Je lui en avais voulu, mais savoir que je ne le reverrai peut-être jamais avait éteint la flamme de la trahison qui avait brûlé en moi. Je ne pouvais pas le perdre. Il était bien trop important. Rien qu'à cette idée, mon maigre repas remontait vers ma gorge.

Les malheurs d'Endora ~ TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant