Chapitre 36 : Lohan

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Affairé sur le pont supérieur, Nerezza m'apprenait à faire des nœuds marins. Il y en avait tellement et ils étaient tous si différents les un des autres que mon cerveau s'embrouillait.

Mes pensées s'évadèrent vers Aliona. je préférais largement penser à elle plutôt qu'à comment faire passer tourner la corde pour que ça forme un huit complexe. Aujourd'hui, elle m'avait parue différente.

Lorsque j'étais entré dans la salle d'entraînement, l'air était resté bloqué dans mes poumons. Aliona était en train de danser. Mais ce n'était pas que ça. Elle vibrait littéralement avec la musique, lui donnant tout d'elle. Alors que je l'observais se mouvoir avec une grâce à couper le souffle, je voyais toutes ses armures tomber. Une part une, elle les abandonnait. Sa souffrance se lisait sur ses traits tirés. Pourtant, elle semblait en paix avec elle-même. Lorsqu'elle s'était tournée vers moi, j'avais aperçu l'éclat d'une larme dévaler sa joue.

La transpiration luisait sur ses tempes. Ses muscles étaient tendus et son tee-shirt était trempé. Depuis combien de temps avait-elle passé dans cette salle avant que je n'arrive ?

Puis nous nous étions battus parce que je le lui avais demandé. Et je l'avais frappée si violemment après... Elle ne m'en avait pas voulu. Je n'avais pas attendu qu'elle m'en veuille pour me blâmer de ce geste idiot.

Le coup était parti tout seul. Ce n'était pas le beau visage de la fille unique d'Aurore qui s'était tenu devant moi, c'était celui maléfique de ma génitrice. Son sourire diabolique m'avait donné envie de vomir.

Intérieurement, je m'étais recroquevillé sur moi-même tel la petite chose fragile que j'avais toujours été en sa présence. Sauf que j'avais pris conscience que je n'étais plus ce petit garçon apeuré et sans défense. J'avais des pouvoirs pour me défendre. J'avais la force nécessaire pour m'opposer à elle.

Comme en réponse, j'avais levé ma main et je l'avais violemment assénée sur sa joue qui puait le mal. Un petit cri avait retenti et c'était là que j'avais réalisé qu'Aliona était celle qui se tenait au-dessus de moi.

Grands dieux !

Depuis que nous étions sur ce maudit bateau, je ne cessai de faire cauchemars sur cauchemars. Toutes les nuits, je me réveillais en apercevant le visage inquiet d'Aliona et toutes les nuits je la fuyais pas peur de ce qu'elle pourrait bien penser de moi. Notre relation et notre complicité en avaient été terriblement affectées.

— Lohan ! Sérieusement, ça fait déjà trois fois que tu me fais le coup !

Je me tournai vers Nerezza en lui adressant un petit sourire d'excuse qu'elle balaya vivement de sa main.

— J'en ai marre, j'abandonne, continua-t-elle.

Je ne pus que la comprendre.

Aujourd'hui, tout était calme et paisible. L'air était doux. J'aimais être sur le pont à observer le Canal des Murmures qui s'étendait devant moi, à voir les poissons nager juste sous notre gros bateau sans se soucier de sa présence et j'aimais entendre le bruit de la coque brisant l'eau. C'était comme si cette dernière nous laissait passer.

Où était Aliona ? Que faisait-elle au juste ? Était-elle en train de fabriquer une poupée vaudoue avec ma tête dessus pour se venger de la gifle que je lui avais balancée à la figure ? Je savais que je l'agaçais. Venant d'elle, ça ne m'étonnerait pas qu'elle trouve un moyen de m'embêter un peu. Mais pour se venger ? Jamais elle ne ferait ça.

Un pincement apparut dans ma poitrine. C'était désagréable. Ça faisait presque mal. Et si elle m'avait menti et qu'elle m'en voulait à mort ? Et si elle refusait de me parler après ça ? Malgré notre rapprochement dans l'infirmerie, malgré tout ce qu'elle m'avait dit, je me mis à douter.

Les malheurs d'Endora ~ TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant