Les malheurs d'Endora ~ Terminée

Chapitre 23

Malgré la chaleur que le bain dégageait, mon corps nu tressaillit au contact de l'eau. C'était comme si elle me brûlait sans que je ne sache pourquoi. J'étais là, allongée les yeux fermés. Seule. Et depuis si longtemps déjà. Pas seulement dans ce bain, mais dans la vie de tous les jours. Je crois que la solitude était ce qui décrivait le mieux ma vie.

Mes pensées tournaient devant mes yeux. Si je tendais les bras, je pouvais les attraper. Mais je ne pouvais pas les chasser et leur dire de partir. Une larme unique roula sur ma joue. Seule, comme moi. Depuis combien de temps étais-je là ?

Le tonnerre résonnait dans mes oreilles. Il battait au rythme de mon cœur. J'étais étonnée de constater que j'arrivais toujours à respirer malgré la boule énorme qui m'obstruait la trachée.

Épuisée, je plongeai totalement dans le bain. J'immergeai même ma tête dans le liquide transparent. Mes cheveux noirs me chatouillèrent lorsqu'ils se mirent à flotter autour de mon visage. Dans l'eau de la tête aux pieds, mon cerveau était vide. Je ne pensais à rien. Juste à mon corps léger comme une plume.

Combien de temps pouvais-je tenir ainsi au juste ?

Je ne respirais pas, mais j'étais apaisée, comme si je venais de trouver ma place. J'avais envie de rester là pour l'éternité. Si je faisais le choix de ne pas ressortir ma tête de l'eau, allais-je revoir mon père ? Et Galmain ? Se disputaient-ils là-haut ? Étaient-ils dans les étoiles ou ailleurs ? Avais-je vraiment envie de le savoir ? D'affronter la déception dans leurs yeux et la colère devant ce que j'étais devenue ?

La scène se rejouait dans ma tête. Sanglante. Horrible. Le coup partait encore et encore alors que j'essayais de comprendre comment ça avait pu déraper à ce point.

Depuis combien de temps m'empêchais-je de respirer au juste ? Je ne savais pas. Je m'en fichais. Si je remontais à la surface, le cri du tonnerre allait résonner dans mes oreilles bien plus fort que sous l'eau. Les derniers mots de Galmain aussi. Je n'étais pas prête à l'affronter.

On me tira brusquement hors l'eau. Automatiquement, je me mis à tousser frénétiquement, crachant l'eau au-dessus de la baignoire. Ma respiration était courte, j'avais du mal à reprendre mon souffle. Un battement strident résonna dans ma tête.

— Bordel, Aliona ! jura Lohan en tapant dans mon dos pour faire sortir toute l'eau de mes poumons.

Il me fit sortir de la baignoire pour me déposer sur le lit. Les draps étaient rugueux sous ma peau nue. De ça aussi, je m'en fichais. Lohan attrapa une couverture rêche et il m'emmitoufla avec.

Peu à peu, je reprenais le contrôle de ma respiration malgré mes tremblements incontrôlables. Dehors, le soleil commençait décliner pour laisser place à une nuit sombre et pleine de nuages. Lohan me tenait la main, refusant de me lâcher.

— Vous m'avez fait peur ! Vous...

Il ne termina pas sa phrase. L'inquiétude faisait littéralement briller ses yeux. Il se passait une main dans ses cheveux, symbole de son stress.

— Je...Je suis désolée.

C'était tout ce qu'il y avait à dire. Je ne m'étais pas rendu compte, j'avais... perdu la notion du temps. Je ne m'étais pas rendu compte.

— Aliona, ne refaites plus jamais ça. Plus jamais, c'est clair ? Parlez-moi. De tout ce que vous voulez, mais parlez-moi ! Je vous en supplie !

Je levai une main fébrile vers lui pour effacer les traits d'angoisse qui barraient son front. Il posa sa joue contre ma main, fermant les yeux à ce contact. Lohan s'était rasé chez Galmain, mais je sentais que sa barbe commençait à repousser lentement. Ses boucles brunes étaient humides, preuve qu'il avait déployé de nombreux efforts pour enterrer Galmain.

— Merci, Lohan.

Ses bras entourèrent mon dos. Ses épaules se détendirent imperceptiblement. Je sentais ce qu'il ne disait pas : il avait besoin de voir que j'allais bien, que j'étais vivante et bien là, avec lui.

— Je suis là. Je suis désolée de vous avoir fait peur. Ce n'était pas mon intention, je ne m'étais pas rendu compte.

Lohan esquissa un faible sourire. Dans un silence réconfortant, nous mangeâmes le repas qu'il avait commandé et je partis me coucher dans le lit pendant que Lohan prenait le sac de Rewan.

— Dormez bien, Aliona.

— Vous aussi, Lohan.