𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒𝟏 | 𝐋𝐀𝐄̈𝐒𝐀 & 𝐓𝐇𝐄𝐎𝐃𝐎𝐑𝐄

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Sullivan, Missouri,
11 am

I'd rather lose somebody than use somebody

The Neighbourhood - Reflections

*

"Autant appeler un chat, un chat" ? Mais pour qui se prend-il ? J'affirme que je suis une victime, parce que j'en suis une. J'étais dans la voiture lorsqu'Antoine a foncé dans le gros panneau vert à plus de 140 kilomètres/heures. C'est moi qui l'ai vu en dernier, moi qui ait causé sa mort. Moi à qui on a annoncé qu'il ne s'en était pas sorti. je suis une victime, j'ai perdu mon frère et j'ai à présent une tête remplie de souvenirs que j'aurais préféré oublier dans une commotion cérébrale. Thomas, de son côté, était soit en train de fumer dans le parc en bas de l'immeuble de Papa ou bien en gardav', totalement ignorant du drame qui se déroulait au même moment sur l'A9.

Je le déteste. Je ne devrais même pas penser ça à l'égard de mon frère, pourtant c'est le cas.

Un soupir de choc quitte mes lèvres, me laissant bouche bée devant lui, la bouche ouverte en O, enracinée dans le sol comme une de ces statues modelées de toutes pièces par les sculpteurs pour souligner la beauté ou la folie humaine.

– Pardon ? balbutié-je, un nouveau souffle quittant mes lèvres.

Mon frère se lève et se rapproche davantage de moi.

– Jouir sur la queue de mon prétendu meilleur ami ne fait-il pas de toi une pute, Laë' ? me demande-t-il en se servant nonchalamment un verre d'eau. Tu croyais que je le savais pas ? Putain mais tout ce que tu fais je finis par l'apprendre d'une manière ou d'une autre, tu ne t'en rends donc jamais compte ?

Le sang afflue au niveau de mes joues, gênée. Je me souviens avec précision ses mains sur mon corps, sa bouche sur mes seins, le regard dont il me couvrait, la manière presque protectrice avec laquelle il me cajolait le soir d'Halloween. Comment mon frère sait-il tout ça ? Qui lui a dit ?

– Co ... comment t'as su ça ?

Il balaye mon interrogation d'un geste vif de la main. Dehors, le timide soleil qui perçait les nuages de St-Louis a disparu pour être remplacé par d'opaques nuages et un vent qui secoue les bambous du mouchoir de poche extérieur.

– Réponds-moi, Laësa, est-ce que d'ouvrir tes cuisses comme une bonne petite salope à celui qui nous a tous précipités dans cette situation l'a rendu encore plus désirable à tes yeux ou bien tu étais payée ?

Je déglutis avec difficulté et tente de retenir les larmes qui perlent au coin de mes yeux. Il ne mérite pas que je verse une larme pour lui, pourtant je me connais, je vais le faire. Mes deux frères avaient raison lorsqu'ils m'accusaient d'être trop sensible. Thomas est mon frère, il est censé me soutenir dans mes décisions, m'aider et me conseiller, mais à la place il me met des bâtons dans les roues, me rabaisse dès qu'il en a l'occasion et se dresse sans arrêt contre moi.

Ce n'est pas le rôle d'un frère pourtant il l'endosse au détriment de notre partage de sang.

– Mais qu'est-ce qu'il y a, enfin, articulé-je la voix tremblante. Qu'est-ce que tu as ? Pourquoi tu me traites comme ça depuis qu'on est arrivés ici ?

Ma voix flanche à la fin de ma question. Je scrute son visage, espérant y trouver un indice témoignant que ce n'est pas une cause perdue et qu'il y a encore de l'espoir, que notre relation – qu'il s'obstine à terrasser à chaque fois – puisse se reconstruire un jour. Pourtant, il rigole simplement face à mes paroles, de la même manière que si je venais de sortir une bêtise monumentale et que lui seul possédait l'entièreté des réponses à mes questions. Son attitude actuelle me répugne. Toutes celles qu'il a eues envers moi me donnent la nausée. Il pose sèchement son verre d'eau sur la table derrière moi avant de tourner la tête vers moi et de m'incendier du regard.

RENEWALOù les histoires vivent. Découvrez maintenant