𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟕 | 𝐋𝐀𝐄̈𝐒𝐀

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Laësa.

Sullivan, Missouri,
5 pm

She's mentally ill with brown hair,
Messy room, clothes everywhere

She Don't Like Boys, Ariya

*

Je frappe chez Theo, le goût amer de la bile et de l'anticipation s'infusant dans tout mon corps. Le vent frisquet de ce début septembre me fait frissonner et presque regretter d'avoir tressé mes cheveux teintés en blond sur mon crâne. L'automne dans le Missouri se fait tranquille, un peu comme un oiseau tissant calmement son nid. Je toque chez le meilleur ami de mon frère – et ma relation compliquée, actuellement, aux dires d'Angelika – parce que Maman m'a demandé de déposer un gâteau chez le père du blond et deux, c'est que je dois lui parler.

Cela ne se fait pas de rester sur les non-dits entre nous. S'il faut être mature et faire le premier pas afin de briser la glace, je le ferai, parce qu'il le mérite. Enfin, j'espère, je suis tombée sur tellement d'abrutis dans ma vie que je me demande parfois si je suis encore capable de faire la distinction entre une bonne personne et un connard.

Ce matin dans mon casier, j'ai trouvé des roses rouges à la place des tulipes, un bouquet de sept roses rubis, voulant littéralement dire "Je suis fou de toi mon amour" selon Google.Parce que oui, j'ai cherché la signification, ne pouvant pas me baser uniquement sur les dires de Castille. Et je pense savoir qui a transformé ma chambre en boutique de fleuriste en déposant tous les matins un bouquet de tulipes dans mon casier.

C'est le fils qui m'ouvre. Il a posé la mini valise qu'il a traîné toute la journée en l'honneur du second jour de la spirit week : tous sauf un cartable pour déposer son avant-bras contre le chambranle, un sourcil blond arqué dans ma direction.

– Amore mio, s'étonne-t-il, qu'est-ce que tu fais ici ?

Je lui tends le gâteau que j'ai entre les mains tel une offrande, faute de mots. J'ignore pourquoi je suis à la fois mal à l'aise en sa compagnie et heureuse d'être près de lui. Il s'en saisit et j'affiche un sourire.

– Rentre, m'invite-t-il.

Il me dégage le passage et je pénètre chez lui. L'odeur de crème chatouille mon nez tandis que j'examine les lieux. Ça sent lui, c'est apaisant. Tout est propre, des cadres retraçant l'évolution des garçons sont accrochés aux murs avec des portraits de famille, certains tous les deux, d'autres leur mère ou tous les quatre. Sur beaucoup, je reconnais Roxana, il y en a d'autres sur lesquels j'apparais, souvent portée par mon père. Mon cœur se serre dans ma poitrine alors que je tente de renifler le plus discrètement possible en admirant le cliché de mariage de Roxana et d'Aaron, avec mes deux parents s'embrassant, mon père me tenant dans ses bras tandis que maman porte Thomas – quelle ironie du sort quand y repense, chacun dans les bras du parent que l'un de voit pas presque plus –, chacune de ses photos retrace ce qui n'est plus. C'est dommage. C'est triste. Cela me fait mal au cœur. La photo transpire le bonheur. Tout le monde paraît si insouciant, ancré dans le moment présent, inconscient de ce qui les attendra dans quelques années. Les escaliers en bois foncé mènent à l'étage des chambres en face, une table haut sur pied est rattachée au mur, entourée par des sièges tournants et trois lampes qui pendent du plafond diffusent une atmosphère chaleureuse. Le plan de travail est brillant. Partout, on peut constater du côté carré et soigné propre aux chirurgiens – le job d'Aaron.

– T'en veux, amore mio ?

Je me tourne vers lui, interrompant mon inspection du lieu, lui adressant un regard interrogateur par-dessus mon épaule. Il me tend une petite assiette avec une part de brownie aux noix, de la chantilly vaporisée à côté en petit tas. J'accepte avec plaisir d'un hochement de tête et me juche sur un des tabourets en hauteur pour déguster. Il me rejoint à côté et nos genoux se frôlent sous la table. Son effleurement m'électrise et je me sens rougir seul un tressaillement me trahissant.

RENEWALOù les histoires vivent. Découvrez maintenant