Chapitre 1

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Lorsque j'ouvre les yeux, mon réveil annonce 6h30 du matin. Je sais que je n'arriverai pas à me rendormir, même s'il me reste bien une demi-heure de sommeil. J'allume le plus discrètement possible ma lampe de chevet, enfile une paire de chaussettes et descend dans le salon.

Même à 6h et demi, j'entends la ville, 5 étages en-dessous. Paris est constamment animée, et savoir cette activité permanente proche de moi me rassure. Je ne m'imagine pas dormir dans un silence total, être obligé de faire des heures de bus pour aller au lycée ou encore ne pas pouvoir rejoindre mes amis à pied. Là, dix minutes de marches suffisent à me mener au lycée et tous mes potes habitent dans ma rue, c'est bien plus pratique. Mais ce qui me manquerait le plus, ce n'est pas l'animation de Paris, mais ses toits. J'adore m'y poster, tantôt assis à écouter et regarder la vie autour de moi, tantôt à marcher ou courir, ce qui me donne une énorme impression de liberté.

Je me pose à la fenêtre de la cuisine, un bruit de pneu qui crisse sur le béton attire mon attention. Une grosse voiture noire déboule et une petite vieille dame assise à côté de la route lui hurle dessus à s'en faire saturer ses appareils auditifs. Madame Rantieu. Elle est déjà là elle... Cette dame n'a plus toutes ses dents, et plus toute sa tête non plus. Ainsi, il m'arrivait de la voir, au premier étage, sur le seuil de son appartement, en train de fixer une chose qu'elle seule voyait. Dès que je passais devant cette « chose » invisible, elle me criait dessus, en me disant que je lui gâchais le spectacle. Avant ça me faisait pleurer, avant de me faire rire, puis de ne plus rien me faire du tout. Surtout, je peux quelque fois l'ouvrir face à des inconnus mais, ayant déjà tenté l'expérience de tenir tête à Madame Rantieu une fois, la vie m'a montré que je ne devrais plus essayer.

Je me lave rapidement les mains, juste histoire de dire « c'est fait ! » puis j'installe le petit déjeuner et mange quelques tartines sous ordre de mon estomac. Un bruit derrière moi attire mon attention. Je me retourne et voit ma grande sœur, Emma, en train de descendre l'escalier, pianotant sur son téléphone. Je la regarde passer sans rien dire. Elle a 2 ans de plus que moi et a le bac cette année, ce qui ne semble pas trop la perturber. Emma a les mêmes cheveux bruns raides que moi, qui les ai courts, contrairement à elle qui les a jusqu'à la moitié du dos, même si on pourrait les croire plus courts puisqu'ils sont constamment regroupés en une belle coiffure. Emma me sourit et s'en va dans la salle de bain.

-Bonjour non ? dis-je

-Attends j'ai chaud, lâche ma sœur,

-Tu peux dire bonjour même si tu as chaud ! Ça m'étonnerait que tu sues de la langue...

-Tu m'énerves Sohan ! Je viens de me réveiller sérieux ! Commence pas à faire le petit frère soûlant !

Ah la la, toujours très agréable cette fille ! Je décide de ne pas finir sur une déception comme celle-là.

-T'as révisé les maths ?

-Oh ta gueule pas dès le matin.

Me voilà satisfait. Je souris et file m'habiller dans ma chambre. Quand je redescends, Emma est sortie et a allumé la télé, un bol de céréales dans les mains. Je m'installe à côté d'elle.

-Tu regardes quoi ?

-Mickey, ça ne se voit pas ?

Je serre les dents et rentre dans le jeu de ma sœur.

-Ah oui excuse-moi, c'est qui ce personnage, je le connais pas.

-Chut, c'est important ce qu'il se passe.

-Il se passe quoi ?

-So' t'es relou.

Je ris et regarde la série de ma sœur. Cette dernière m'explique que Bryan a quitté Constance mais tu vois c'est super grave parce que Nathalie c'est la sœur de Constance mais elle drague Bryan et t'as Juliette qui va tout raconter à Constance et...PUB.

-OH NON ! crie Emma

-Chut les parents ils dorment et papa est malade donc évite de faire du bruit.

-Non mais ils me soulent avec leurs pubs. Tout ça pour le fric.

Je m'empare de la télécommande et fait défiler les chaines tout en étant obligé toutes les dix secondes de revenir sur la chaine de ma sœur pour voir si la série a repris. A un moment, je tombe sur un reportage avec à l'image une grosse araignée poilue. Emma s'en va rapidement (avant de recracher ses céréales) en poussant un petit couinement. Sur la chaine d'après, c'est les infos, je passe, je m'en fiche des infos.

Puisqu'aucun programme ne me plaît, je retourne sur la chaine de ma sœur et rejoins les toits. Une petite plateforme située en haut de l'immeuble fait office de terrasse et je m'y installe, enchanté de pouvoir contempler la ville. La colonne de juillet, située au centre de la Bastille, apparait derrière les nombreux immeubles.

En bas, sur la route, les gens partent travailler. Certains sont à vélo, d'autres à pied et une minorité y va en voiture. Un peu plus loin, je distingue les deux statues de la Place de la Nation. A ce moment, tout est parfait. Personne ne me dit ce que je dois faire et aucun problème semble capable de m'atteindre. J'aimerai rester dans cet état toute ma vie, sur ce toit, à regarder le ballet incessant de la population.

Après un rapide coup d'œil à ma montre, je prends une dernière inspiration et balaie la rue du regard afin d'imprimer une image parfaite de celle-ci dans ma mémoire. Je pars ensuite à mon lycée, à 7h30, car j'ai rendez-vous avec des amis au city stade devant le lycée, non sans envier ma sœur qui, elle, commence plus tard que moi. Je quitte donc la maison avec une petite déception à l'idée de quitter cet endroit que j'aime tant, prêt à affronter une énième journée de cours... si seulement je savais ce qui m'attendais.

Le lenseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant