La faim me tiraille le ventre. Je me force à ne manger que la moitié d'un bout de pain pour me la garder pour plus tard. Voilà maintenant 1 mois que je fais un trait sur le mur pour marquer une journée. La vie dans cette prison est infernale. Nous n'avons qu'un repas par jour et le strict minimum pour nous maintenir en vie. Une troupe a attaqué la prison hier. Des soldats rapides et puissants ont tué trois gardes et ont enlevé des détenus, déclarant en anglais pour que tout le monde comprenne qu'on ne méritait pas de vivre dans des conditions pareilles et qu'ils amèneraient autant de détenus que leurs forces le leur permettraient. Ils ont pris Justine, qui était la plus jeune du groupe de fugitifs. Ils n'ont pris qu'une dizaine de filles et une dizaine de garçons. Nous sommes désormais 15 dans la cage et même si nous avons plus de place, les gardes ont adapté les portions de nourriture et les ont même diminués, pour nous faire payer leur colère. La quantité d'eau a aussi baissé. L'effort quotidien m'a musclé et amaigri si bien que je n'étais pas habitué à voir mon corps dans des conditions physiques pareilles.Malheureusement, la nourriture est en manque donc je ne peux pas faire un effort longtemps. Tao et Lucas sont toujours là et je pense que les rudes conditions forgent les amitiés plus rapidement. Nous avons une sorte de planque où nous cachons continuellement de la nourriture. Lorsque l'un d'entre nous n'est pas bien, nous nous en servons et ça nous sauve la mise.
Un garde m'a frappé hier. Comme ça. Sans raison. Il m'a ensuite poussé tout en bas de la fosse, si bien que mes genoux me font mal. Il m'a ensuite balancé ma pioche depuis en haut et la chance a fait qu'elle s'est plantée à dix centimètres de mon pied, m'empêchant un handicap à cause duquel les gardes m'auraient sûrement réservé le même sort qu'aux détenus blessés : coup de pieds, de bâton, et de poing.
Le climat de ce pays est chaud et humide, la chaleur dans la cage est donc insoutenable mais, heureusement, une fuite d'eau me permet de me rafraîchir. L'eau n'est pas potable donc il n'y a aucune perte. Je suis contre le mur, ce matin, c'est pause. Nous reprendrons notre travail cet après-midi. Lucas est de garde pour la planque, allongé par terre il fait semblant de ne rien voir mais je remarque ses rapides coups d'œil en direction du bout de manche de Tao. Ce dernier s'approche de moi :
-Cette nuit, j'ai vu Le Chef depuis ma place. Il était dans la prison. Il te fixait avec une intensité terrifiante, je ne sais pas pourquoi. Juste prends garde, on ne sait jamais.
Une vague de stress me submerge. Je le remercie d'une petite voix et le suit jusqu'aux toilettes. Nous ne pouvons pas respirer dans cette petite pièce qui n'est jamais nettoyée et ouverte. Le sol en gravier nous oblige à creuser un trou pour y faire nos besoins, comme des chats ou d'autres animaux.
J'entends une porte qui s'ouvre, je ressors donc et vois trois jeunes qui doivent avoir à peu près mon âge. Ils sont en pleine forme et paraissent reposer. Je ne les avais pas vu dans la cage avant : ces trois jeunes sont les nouvelles victimes de ce pays. Ils sont balancés dans la cage et ne bougent plus. On les observe, attendant qu'ils se relèvent. L'un d'entre eux se redresse et se précipite vers l'abreuvoir en courant. Grave erreur... Tao se jette sur lui et lui explique calmement en anglais :
-Je t'en supplie, nous n'avons plus que ça pour 3 jours. Vous venez d'arriver, tu as peut-être soif mais fais un effort, tu ne peux pas imaginer comment la nôtre est forte.
Le nouveau hoche la tête et s'éloigne, penaud. Il doit petit à petit comprendre ce qu'il va lui arriver ici, un peu comme nous le mois dernier. Je m'avance vers eux doucement.
-Vous êtes français ?
Le visage de l'un d'entre eux s'illumine. Il me sourit.
-Oui ! Je n'en peux plus, qu'est-ce qu'il se passe ???
-Vous allez travailler dur pour je ne sais quelle cause. La vie est difficile ici, je suis là depuis un mois, dis-je
Son sourire s'efface aussitôt. Les larmes inondent ses yeux. Il repart avec les deux autres et leur traduis notre dialogue. Ils se mettent à pleurer ensemble. Deux gardent rentrent soudain dans la cage et nous amènent vers la fosse. Le trou s'est un peu agrandi mais je ne sais toujours pas pourquoi nous creusons. Une fois arrivés, on prend une pioche et on descend au fond grâce à des prises que nous avons créées. Une fois en bas, je me dirige vers l'endroit où je suis tout le temps. Le français de tout à l'heure s'approche de moi.
-Au fait, commence-t-il, je m'appelle Allan, je ne vais pas te mentir que je suis tellement choqué que je ne suis pas dans mon état normal....
Je le coupe :
-Creuse où tu vas te faire fouetter fort. Je m'appelle Sohan, je suis là si tu as besoin mais je doute de pouvoir faire grand-chose...
Allan me remercie avec ses mains. Il a des cheveux blonds courts et une peau claire. Au milieu de nous tous, il pourrait être mannequin mais malheureusement, dans deux semaines, il aura la même apparence que les autres. Je lui souris pour lui signifier que c'est normal de s'aider dans ces conditions surréalistes.
-Tu viens d'où ? me demande Allan
-De Paris et toi ?
-Lyon.
Je ne peux plus parler, je suis à bout de force. Pourquoi m'avoir kidnappé moi ? Je ne tiens presque plus sur mes jambes donc je décide de creuser en étant assis. Ça ne plaît pas à un des surveillants qui arrive vers moi, me prend par le bras, me relève, me donne un coup dans le ventre, une gifle et repart. Allan me fixe, choqué. Je lui fais un pouce pour lui dire que ça va. Je continu de creuser sans broncher. Tao n'a rien loupé de la scène et fait un doigt d'honneur à mon agresseur, Lucas aussi est surpris de cette violence soudaine et gratuite et décide d'imiter Tao. Les gardes ne savent pas ce que signifie ce geste et le laissent donc passer.
Je pense à Justine, qu'est-elle devenue ? Je ne le sais pas et ne le saurai sûrement jamais... La hache d'Allan se casse. Je lui indique le haut de la bute et lui explique qu'il faut monter, en prendre une autre et redescendre. Il souffle mais il est en forme donc ça ne lui prend pas longtemps. La suite de la journée se déroule sans encombre.
Lorsque le soleil ne se voit plus, on rentre tous dans la cage et on commence à manger les provisions accumulées. J'ai remarqué que chaque prisonnier en fait, je n'imagine pas le nombre de cachettes sous cette gigantesque couche de gravier. Et d'ailleurs, qu'y a-t-il en dessous ? Lorsque je pose la question à Tao, il me répond qu'il y a une couche de roches tranchantes. Allan et les deux autres nouveaux reçoivent de la part des gardes le même fruit bleu que j'ai tous les jours. Leur visage exprime leur dégoût.
C'est alors que, après une bouchée de ce même fruit, je sens ma tête qui commence à tourner. Mon bras droit se met à trembler de manière incontrôlable et je m'allonge donc par terre pour aider mes jambes qui ne parviennent plus à tenir mon corps. Cette douleur ainsi que cette position me rappellent immédiatement l'accident au lycée et j'ai peur rien qu'en y repensant. Je pousse un cri pour appeler à l'aide mais seul un son rauque sort de ma bouche. Tao me remarque et s'approche, il me met dans une bonne position et au vu de ses gestes doux et experts, j'en déduis que ce n'est pas la première fois. Il m'adresse un grand sourire et me lance :
-Le cercle commence à se creuser autour de toi, saches que tu es quelqu'un de très courageux et généreux et que j'ai été ravi de te connaître. Ils vont venir te chercher, ne te tracasse pas, on se reverra. J'en suis certain.
Cette crise est plus intense que la première. La douleur me pousse au bord du malaise mais je tiens bon. Tao utilise de la mousse qui pousse sur le mur et la trempe dans de l'eau. Il me l'applique ensuite sur le front et dans le cou de manière à me détendre, en vain. Je n'ai jamais été aussi tendu, des crampes me lancent les jambes, de violents sursauts parcourent mon corps, du sang envahit ma bouche, des larmes inondent mes yeux, je n'entends plus rien. Je perçois Tao qui s'en va en courant et un garde qui me saisit le bras. En me relevant, ma tête tourne beaucoup trop et, en manque d'énergie, je m'évanouis.
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Le lense
ParanormalDes mutations génétiques peuvent se produire dans notre corps. Il ne suffit que d'une seule particulière et c'est tout l'organisme qui s'emballe afin d'accueillir une faculté magique extraordinaire: le lense. Apprendre à le manier est vital car un m...