Chapitre 8

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Une senteur envahit mes narines. J'ouvre les yeux, surpris par cette odeur piquante. Devant moi, se tient une petite boule bleue me balançant son parfum dans le nez. Tous les souvenirs reviennent. L'interrogation de la cause de ce sommeil forcé m'occupe cependant toujours l'esprit. Je regarde autour de moi, à ma gauche, Justine s'étire. Le paysage a changé, la ville dans la végétation luxuriante a laissé la place à de grandes étendues d'herbes à perte de vue. La route est en terre si bien que nous avançons plus lentement. Je regarde un petit tiroir devant moi. La curiosité me pousse à l'ouvrir. J'y découvre à l'intérieur une carte sur laquelle j'y remarque un point qui bouge : nous. Ensuite, la ville est indiquée par un point bleu où se trouve l'inscription « start » l'arrivée est marquée par un point rouge. Vu l'écart entre ces deux points, nous avons dû faire un énorme trajet. Je remarque que Justine a déjà cette sorte de carte sur ses genoux, elle la fixe avec attention et définition. La nuit est tombée et il se trouve que je suis parfaitement reposé. Je repense à mes parents, qui ne se doutent de rien et qui ont leur vie qui continue. Jules m'arrive ensuite à l'esprit, puis Jonas et tous les autres. Je les imagine en train de galérer sur des évaluations et ça me fait sourire. Justine rompt le silence :

-Tu ne t'es pas réveillé avant, mais ça fait plus de 3 jours qu'on roule.

-Comment ça ?

-J'ai été réveillé par une secousse brutale qui a cassé les petites boules bleues. Elles m'ont injecté leur odeur dans la bouche ! Ça fait 3 jours que je suis seule pendant que tout le monde dort. Tu aurais dû voir cette forêt par laquelle on est passé... c'était dix fois la hauteur des arbres de l'Amazonie, pour y avoir habité 2 ans, je sais de quoi je parle, crois-moi.

Décidément, malgré son jeune âge apparent, cette fille est pleine de maturité. Elle n'a pas l'air stressée et donne même l'impression d'être parfaitement normale et détendue.

-J'ai aussi observé le chauffeur, reprend-elle, dès qu'il arrivait je fermais les yeux pour faire semblant de dormir puisque c'était le cas de tout le monde autour de moi. On a eu une panne et figure toi que les sortes de rails qui font avancer le véhicule sont sorties de ses bras ! C'était impressionnant et un peu dégoûtant...

-Tu sais pourquoi on est là ?

-Pas du tout... on m'a intercepté au coin d'une rue sans me demander mon avis et sans me laisser le choix... là j'attends, plus vite j'aurai fini tôt le protocole, plus vite je retournerai sur Terre...répond-elle

-Pareil...

On continue le trajet en silence. À côté de nous, des espagnols discutent calmement. Il est vrai qu'on aurait dû être terrifié par ces étrangetés, par ce kidnapping et ce monde inconnu mais bizarrement, tout le monde a l'air de ne pas s'occuper de ces changements, moi y compris. Le chauffeur jette un coup d'œil dans le rétroviseur. J'ai l'impression qu'il me regarde donc je tourne la tête et je laisse défiler les plaines d'herbes grasses devant mes yeux.

Justine me secoue un peu en rigolant :

-Sohan, tu t'es rendormi ! Les 3 jours de sommeil ne t'ont pas suffi !

Je me redresse d'un seul coup, parfaitement réveillé. Les passages tout autour de nous se lèvent petit à petit et se dirigent vers la sortie. Je descends du bus et suit une petite allée encadrée par de hauts murs noirs. Justine accélère pour se retrouver à mon niveau.

-Ça fait peur, dit-elle, je n'ai pas pu voir ce qui se trouvait derrière ces murs, les rideaux se sont fermés.

Ce détail m'interroge encore plus. Décidément, ce monde a bien quelque chose à cacher, mais quoi ? Telle est la question. Je me tourne vers elle et lui lance :

-On reste ensemble, ok ?

Elle hoche la tête en guise de confirmation. Une fois arrivés au bout du chemin, on se dirige dans un étroit tunnel pointé par une flèche reliée au drapeau français. Le Canada est dans le même couloir que nous, tout comme la Belgique. Je repère Lucas 20 mètres devant nous, en train de discuter avec un homme qui doit avoir 25 ans. Le tunnel est sombre, si bien que nous sommes obligés d'avancer à tâtons. Je cherche mon téléphone dans ma poche pour m'éclairer mais je ne le trouve pas.

-Justine t'as ton téléphone ?

-Je n'en ai pas... j'ai que 11 ans quand même.

Je me doutais qu'elle était jeune mais pas à ce point-là, sa maturité est vraiment impressionnante. Peu importe, on continue notre route lentement. Au détour d'un virage, j'aperçois une lumière qui clignote : la sortie. Une fois dehors, un grand panneau indique un garçon et une fille. Les voies sont séparées. Je me tourne vers Justine, qui hésite. Elle recule un petit peu mais une personne derrière elle la saisit et la pousse vers la rangée des filles, lui arrachant un cri. Elle se précipite donc sans broncher dans son couloir. Je m'engage aussi dans le mien. Une personne me demande dans un français quasi incompréhensible de poser toutes mes affaires dans une caisse. Je pose donc ma montre et j'y vais, pensant la retrouver de l'autre côté. C'est alors que cette même personne la saisit et la broie rien qu'en la touchant. Elle me foudroie du regard et m'indique la suite du chemin. J'arrive ensuite dans un endroit sombre. Une faible lumière éclaire le lieu. Une porte s'ouvre devant moi et un chemin de lumière m'indique la direction à suivre. Lorsque je pénètre dans la petite salle, une personne se jette sur moi, en moins de 10 secondes, me voilà avec des habits changés. Je suis ensuite expulsé au sens propre du terme. J'atterris dans une caisse transparente qui se referme une fois que je suis dedans. Un « bippp » sonore marque le début du mouvement de la caisse. Elle descend une pente et s'arrête vite après. Une personne m'attrape par les épaules et m'amène dans une pièce sans lumière électrique, éclairée par une petite fenêtre au plafond. Seule la lune me permet de discerner des formes humaines maigres au fond. La personne me balance au milieu de la pièce et s'en va, fermant derrière lui la porte en barreaux métalliques, me laissant seul avec ces inconnus. Une silhouette s'approche de moi et, une fois qu'elle s'immobilise, je reconnais Lucas. Il me sourit mais je vois bien à son regard sombre qu'il a une mauvaise nouvelle.

-J'ai parlé avec quelqu'un. Il m'a dit qu'ici c'est l'enfer et que les gens sont méchants.

Il me fixe ensuite sans rien dire, le temps de me laisser digérer la nouvelle. Je n'en crois pas mes oreilles, je ne comprends pas.

-Comment ça ?

-On s'est fait berner, à Tao, le mec au fond là-bas, ils lui avaient sorti le même beau discours, les mêmes paroles qu'ils allaient le protéger et ça fait un bon moment qu'il est ici. Il n'a jamais vécu aussi mal et n'a jamais eu aussi peur.

Je tremble rien qu'à l'idée de me retrouver enfermé longtemps. L'odeur de l'humidité envahit mes narines et me donne envie de vomir. Lucas reprend.

-Tao me dit qu'on verra bien la situation par nous-même. Il me dit juste de ne pas écouter les gens de l'extérieur. 

Je hoche la tête. Je suis choqué et apeuré. C'est la première fois que j'éprouve réellement cette sensation dans ce monde inconnu pour moi. Les pensées se bousculent dans ma tête et la peur me fige les jambes. On part s'assoit au milieu des autres. Certains dorment, d'autres fixent le vide. On devine qu'ils ne passent pas ici de bons moments et que nous allons bientôt découvrir de quoi il s'agit. Contre le mur, je fixe une sorte d'abreuvoir géant de l'autre côté de la pièce. Et c'est bien un abreuvoir. Les gens y boivent à tour de rôle. Sommes-nous traités comme des animaux ici ? Le plafond bas m'obligeant déjà à être courbé lorsque je suis debout, je ne me vois pas tenir avec des conditions pareilles. C'est alors que le bruit grinçant d'une porte retentit dans la salle. Tout le monde se couche les uns contre les autres. Machinalement, Lucas et moi faisons de même, toujours en gardant un œil sur l'extérieur. C'est alors que je vois s'approcher ce que je ne pensais possible que dans les livres ou les films fantastiques que je voyais quand j'étais petit.

Le lenseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant