Chapitre 3

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J'entends des voix. J'ouvre les yeux et vois un plafond blanc. J'ai très mal à la tête. Un jeune homme m'observe, ça ne serait pas Jules ? Une dame arrive, l'infirmière ? Petit à petit, les pièces du puzzle s'assemblent et les souvenirs reviennent : la douleur, la peur, la panique de mes amis. L'infirmière jette des coups d'œil paniqués vers un petit écran relié à une machine qui émet des BIP réguliers, un câble la reliant à mon bras lui permettant ainsi de connaître mes battements de cœur ou autre chose. Je me tourne dans le lit dans lequel je suis installé.

-Non ! Ne bouge pas ! panique l'infirmière,

-Mais...je suis mal installé là...

-Ça va mieux ? demande Jules

-Oui ça va... je suis juste crevé...

L'infirmière se lève de sa chaise.

-Tiens, prends ça.

-C'est quoi ?

-Un médicament contre le mal de tête et la douleur. Tu as des examens à l'hôpital dans deux semaines, je n'ai pas trouvé plus tôt... les pompiers sont venus et t'ont administré des soins pendant que tu étais inconscient.

-Ok, merci beaucoup. Il faut le diluer avec de l'eau ?

-Bien sûr, demande à ton ami de te remplir un gobelet d'eau, au lieu de pianoter sur son téléphone.

-Je dis aux autres que Sohan est réveillé... grommelle l'intéressé.

Jules se lève, va au robinet bleu au fond de la pièce et me tend le verre d'eau. Je le remercie d'un mouvement de tête, avale mon médicament et ferme les yeux.

Quand je les rouvre, Jules a laissé la place à Jonas, qui a ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles. Il lève les yeux et son visage s'illumine quand il croise le regard brumeux que je dois avoir. Jonas s'étire longuement et vient vers moi. Les chaises sur lesquelles il est installé remuent sous son poids, me faisant douter de leur solidité.

Ce qui est bien, c'est que je vais mieux, le mal de tête a totalement disparu et je me sens reposé. Je m'assois sur mon lit, sous le regard attentif de l'infirmière. Je lui lance un sourire pour dire merci, me lève délicatement et rejoint Jonas. Ce dernier a l'air épuisé, en lançant un regard à l'horloge camouflée au milieu des affiches au-dessus des bancs de la salle d'attente, je vois qu'il est 18h. Le lycée doit commencer à fermer. Jonas finit de ranger ses affaires dans son sac lorsque j'arrive à son niveau. Il m'adresse un grand sourire.

-On ne doit pas trainer, ça va mieux ?

-Oui, tu es là depuis quelle heure ?

-16h, Thomas a fait 15h/16h et je l'ai remplacé. Au début, avant que tu tombes par terre, j'ai cru que tu voulais sécher l'éval de maths.

Les yeux de Jonas se remplissent de larme rien qu'en évoquant le souvenir.

-J'ai eu très peur, tu sais. Et les autres aussi, mais je voulais m'excuser de pas t'avoir pris au sérieux.

-T'inquiète pas, vous avez pas pu deviner que je faisais pas semblant, mais putain qu'est-ce que j'ai eu mal, et peur surtout.

-Gabin et Mila sont venus voir si tu allais mieux, vers 17h30. Tu les as loupé de peu...

-Je les appellerai ce soir, au pire.

On sort du lycée rapidement. Le surveillant à l'entrée était le même qui m'avait aidé. Enfin je n'en suis pas si sûr, car mes souvenirs sont vagues.

-Ça va mieux ?

J'acquiesce à cette question pour la vingtième fois de la journée, rien qu'entre l'infirmerie et le portail, j'ai l'impression que tout le lycée est au courant de ce qu'il s'est passé ce midi. A l'entrée du lycée, ma mère m'attend, l'air inquiète. Quand j'arrive près d'elle, elle me serre fort dans ses bras, m'expliquant qu'elle avait eu très peur car l'infirmière l'avait appelé complètement paniquée, en lui disant que j'avais perdu connaissance. Malheureusement, ma mère était partie à Bordeaux pour la journée, avait sauté dans le premier train qu'elle avait trouvé et n'est arrivée il y a seulement une demi-heure environ. Mon père est cloué au lit et n'a donc pas pu prendre de mes nouvelles.

-Salut Léïla, lance Jonas.

-Coucou ! ça va toi aussi ?

-Oui oui, mais il nous a fait sacrément peur.

-Merci d'avoir pris soin de lui, en tout cas. Allez, on te raccompagne.

Pendant tout le trajet, Jonas explique les potins de la journée. Gabin qui avait fait une roulade dans le CDI, qui avait bousculé une étagère et avait tout fait tomber donc hop, il était exclu jusqu'à la fin de l'année, est ce que je me rendais compte ? Ensuite il m'explique les moindres détails de l'évaluation de maths et me dit qu'il aurait bien aimé faire un malaise, mais pas de la même manière. Je commente le récit de « ohhhh », de mimiques et de rires. Arrivés devant la porte de la maison de Jonas, on se promet de critiquer Gabin de toutes les manières possibles. Je me retrouve donc ensuite seul avec ma mère.

-Tu as l'air d'aller bien mieux !

-Oui, je ne comprends pas...

-C'est pas grave, l'important est que tu ailles bien. Mais ne force quand même pas trop, d'accord ?

Je réponds oui d'un hochement de tête. Ma mère me dit ensuite que j'ai de la chance d'avoir des amis pareils, que Gabin n'a pas changé depuis la cinquième, qu'il est toujours aussi fou. Elle rajoute que Jonas était très bavard, plus qu'avant, mais que ça la fait rire. Ensuite, on marche jusqu'à l'appartement en silence.

Arrivé à la maison, je me retrouve seul dans ma chambre. Ma sœur s'est montrée très douce, au début ça m'a fait peur mais ensuite ça m'a énervé. Je comprends que les membres de ma famille soient inquiets, je le suis aussi. J'ai été appelé par mes proches, mes camarades de classe...Des cas comme ça, ça n'arrive pas tous les jours. Je vais devoir passer des examens dont je ne me souviens même pas du nom. J'ai négocié avec ma mère, je vais mieux, c'est l'important non ? Pour me détendre et chasser toutes mes pensées, j'emprunte un chemin que je connais par cœur. En moins de cinq minutes, je suis sur les toits de Paris.
Malgré mon accident, la vie est toujours la même. A 19h, la nuit commence à arriver. Les lumières s'allument. Ici, je suis loin de mes craintes, loin de tous les problèmes. Une douce brise de printemps souffle. Il fait bon. J'enlève mon pull. Soudain un cri attire mon attention. Dans le quartier de mon lycée, une énorme colonne verte vive fend l'atmosphère et vient s'écraser au sol, provoquant au passage une puissante détonation. Je suis aveuglé un court instant. Alors que je m'imagine retrouver le quartier en feu, ou au moins tout détruit, je ne vois rien. Si le bruit des gyrophares de police n'existait pas et que la panique n'était pas présente,personne n'aurait pensé qu'une chose surréaliste comme celle-ci venait de se produire. Rapidement, je rejoins mon appartement, j'y trouve ma mère affolée et ma sœur choquée. Elles n'ont rien loupé de la scène. Mila habite là-bas, je tente de lui envoyer un message mais le réseau est coupé. Je pars donc prendre ma sœur et ma mère dans mes bras, non sans appréhender l'état du lycée demain. Mon père arrive, vu comment il est, j'en déduis qu'il n'a rien vu. Je laisse ma mère lui expliquer la scène pendant que je vais avec Emma sur le canapé.
Je suis inquiet, encore plus qu'avant. A en juger la tête de ma mère et la voix tremblante de ma sœur, elles sont surement dans le même état. Ce que je ne dis pas, pour ne pas aggraver la panique générale, c'est que pendant cet évènement, j'ai remarqué une lueur verte, presque invisible, tomber sur le bâtiment sombre et imposant de l'hôpital.

Le lenseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant