WINSTON MURPHY
L'AMBIANCE SOMBRE de Rio ne m'a pas manqué. Voir mon frère sur ce lit ne m'a pas manqué. Mais voir mon frère, oui, ça m'a manqué. Tout cela dure depuis une semaine déjà. C'est atrocement long.
Maman, papa, Leighton et Charlie sont à l'hôtel. Ils déchargent les affaires et mangent quelques trucs au passage. Erin est restée avec moi. Elle est sortie de la chambre pour passer un coup de fil à ses parents, qui l'attendent à Atlanta. Elle leur explique son retard. Elle pense repartir demain parce que, malheureusement elle ne peut pas rester indéfiniment ici, elle doit reprendre son travail. Quand elle n'est pas sur des championnats — peu importe le sport —, elle a son petit cabinet au centre d'Atlanta. D'après ses dires, il marche très bien.
Elle habite loin de Dublin, ce qui signifie que notre amitié naissante est sans doute vouée à l'échec. Je ne suis pas doué pour rester en contact avec des gens qui habitent loin de chez moi. Je perds très vite contact avec eux. Malgré tout, j'essaie de ne pas trop m'attacher à elle, j'ai peur de la perdre pour toujours une fois que nous serons séparés. J'ai peur que ce soit nos derniers moments ensemble avant de perdre contact. Nous avons tous les deux des vies chargées, et peut-être qu'elles ne colleront pas. Peut-être que nos chemins étaient fait pour se croiser, pour guérir une partie de moi, et se séparer, parce que la vie est faite de rencontres, qui dureront ou pas.
J'attrape la main de Wolfgang. Venir dans cette chambre devient une routine. Je sais qu'il n'entend pas ce que je lui dis, mais j'ai espoir.
— J'ai gagné le championnat ! j'annonce avec entrain. J'ai battu Tayler. C'était un adversaire de taille. Il ne me laissait pas le temps de respirer. On enchaînait. Mais j'ai réussi à le dominer et à parvenir à la fin du combat. J'ai rencontré Mike Tyson. J'ai encore du mal à y croire. Tu l'aurais adoré. Il est vraiment gentil, exactement comme nous l'imaginions. Il m'a dit de te dire que t'es un combattant et que toi et moi sommes les gagnants du championnat. J'ai sympathisé avec Erin, grâce à toi.
ERIN LEWIS
JE METS fin à l'appel avec mes parents. Je n'ai pas vraiment envie de quitter Winston, surtout dans cette situation. J'aurais aimé pouvoir rester avec lui jusqu'au réveil de Wolfgang mais, malheureusement, je dois assurer mes heures de travail. Mon carnet de rendez-vous est rempli et il est impossible pour moi de décaler les consultations.
J'aurai aimé que nous habitions l'un à côté de l'autre. J'aurais aimé que nos maisons soient mitoyennes et que nous puissions sortir quand cela nous enchante. Seulement, l'océan Atlantique nous sépare. Nos train de vies sont bien différents. Est-ce que notre relation fonctionnera au-delà de la distance ?
J'ouvre discrètement la porte. Winston ne le remarque pas. Il parle à son frère. Lorsque j'entends mon prénom dans la conversation, je ne peux m'empêcher de rester écouter. Cette conversation doit être extrêmement privée, mais c'est plus fort que moi.
— Erin est fabuleuse. Je n'aurais pas dû agir avec elle comme je l'ai fait. Je ne sais même pas comment elle peut me pardonner.
J'ai beaucoup d'empathie et je suis une personne compréhensive. J'arrive à comprendre son action. Je ne sais pas comment ça marche dans sa tête, mais je peux imaginer. Cette compétition était d'une grande importance pour lui, cela me semble logique qu'il ait voulu rester focus.
— Demain, elle rentrera aux Etats-Unis et les choses ne seront plus jamais les mêmes. Nous retrouverons nos routines et peut-être que je ne ferai plus parti de la sienne.
Je veux qu'il fasse parti de ma routine. Je veux lui envoyer des messages à chaque pause, et le soir, dès que j'en ai l'occasion. Je veux l'appeler lorsque nous avons tous les deux du temps libre. Je veux sourire derrière mon téléphone en voyant des vidéos de lui dans n'importe quelles situations. Je veux voir jusqu'où notre relation peut aller. Je veux essayer parce que nous ne savons pas de quoi l'avenir est fait. Il serait regrettable de ne pas tenter.
Mon emploi de kiné indépendante me prend beaucoup de temps, mais ce dernier ne m'empêche pas d'avoir du temps libre — enfin je crois. Auparavant, je n'ai jamais essayé d'avoir du temps libre. En effet, personne ne m'attend à la maison quand je rentre. Tous les soirs, je rentre tard, j'allume la télé et je mange devant. Il ne me manque plus que des chats pour être la vieille fille type. Je crois même que ma mère a peur que je ne trouve jamais un homme. D'après elle, ce n'est pas avec mon trop plein de gentillesse et ma naïveté que je vais trouver quelqu'un de sérieux. Tout ce que j'ai déniché dans le passé, c'était des hommes qui jouaient avec mes sentiments pour satisfaire leur besoin d'être aimés et désirés. Dégoûtant.
En Winston, je vois quelqu'un de doux et confiant. Je vois quelqu'un qui a besoin qu'on prenne soin de lui, parce qu'il ne peut pas y arriver seul. Il a beau être bien entouré avec sa famille et sans doute ses amis, mais c'est bien différent d'une relation où tu es la priorité d'une personne. Je vois quelqu'un qui a toujours peur d'être le second choix et qui donne tout pour ne jamais l'être. Enfin, ce ne sont que des suppositions, je ne le connais pas encore assez pour en déduire tout cela. A la fac de médecine, j'ai un peu appris à décrypter le comportement de chacun.
— J'espère que tu sauras m'aider à nouer des liens avec elle, je ne sais pas m'y prendre avec les relations à distance. Tu as plus de chance d'y arriver. Dis-moi comment faire. Je te le redemanderai quand tu pourras me répondre.
Je suppose que s'il est au point de demander à son frère de le guider, c'est que notre relation signifie quelque chose à ses yeux. Je suis touchée.
— Je crois que j'ai tout dit, termine-t-il.
Il reste regarder la main de son frère. Je ne le vois que de dos, mais je peux deviner l'expression mélancolique qui couvre son visage.
Je toque à la porte de la chambre, même si elle est déjà ouverte. Il se retourne, lâchant brusquement la main de son frère dans un sursaut. Il a l'air d'avoir eu peur. Je lâche un rire.
— Ne te moque pas ! T'aurais eu aussi peur à ma place ! se défend-t-il en se levant.
Je ferme délicatement la porte.
— Je ne me suis pas moquée, je nie en m'approchant de lui.
Nous nous retrouvons debout l'un en face de l'autre. Je suis contente de lire un rictus amusé sur ses lèvres.
— Je préfère cette réponse, Rin.
— T'as réduit un prénom de deux syllabes ? je constate sur un ton amusé. Trop dur à prononcer ?
Il lève les yeux au ciel et fait demi-tour pour se poser devant la fenêtre de la chambre.
— Alors c'est sûr, tu repars demain ? me demande-t-il.
J'hoche la tête.
— Je peux être honnête avec toi ? continue-t-il.
— Bien-sûr.
— Tu vas me manquer, avoue-t-il en rougissant.
Nos regards se croisent. Je pose mes prunelles dans les siennes, attendrie par sa déclaration.
— Tu me manqueras aussi, Ston.
— Ston ?
— Ston, je répète avec assurance.
Je le prends dans mes bras.
— Profitons des dernières heures qui nous restent à passer ensemble, alors. Je pense que je suis plus amusante que Wolfgang.
— C'était limite comme blague, commente-t-il, l'air faussement outré.
— C'est un fait.
Il lève les yeux au ciel. Je rigole, essayant de retenir son joli sourire pour m'en souvenir le plus longtemps possible.
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𝐓𝐇𝐄 𝐌𝐔𝐑𝐏𝐇𝐘𝐒
RomanceLEIGHTON ET CHARLIE sont deux parfaits inconnus qui, par une application de rencontre dont tout le monde parle, découvrent qu'ils représentent le match parfait l'un pour l'autre. Leighton rêve d'une histoire romantique et Charlie rêve simplement...