30 . voyage

12 3 2
                                    

CHARLIE CAMPBELL

C'EST LA première fois que je vais être séparé aussi longtemps de ma Leighton. Tous les ans, je vais avec ma famille en vacances. J'ai beau avoir avoir vingt-trois ans, les vacances en famille, c'est une tradition.

  Cette année, nous partons quatre semaines en Espagne et au Portugal. Je suis impatient d'y aller. Avec ma famille, nous parcourons le monde. Nous économisons toute l'année pour profiter davantage en vacances.

  On prend d'abord le train jusqu'au port le plus proche. Ça nous fait peu de temps de trajet. Puis nous prendrons le ferry jusqu'aux côtes françaises. Nous visiterons un peu la France. Puis nous prendrons l'avion à Paris jusqu'à Madrid. Nous resterons deux semaines dans cette zone avant de nous envoler pour Lisbonne.

  C'est la première fois que je vais dans ces pays. Ils m'ont toujours attiré. Les paysages ont l'air si époustouflants.

  Leighton et moi avons choisi de nous retrouver dans une vallée de Dublin, au grand air, pour notre dernier rendez-vous avant mon départ. Nous sommes assis sur un rocher.

  — Tu prendras plein de photos et tu me les enverras, suggère-t-elle.

  Nos mains sont liées tandis que nous regardons en face de nous. Je la regarde assez souvent, pour essayer de retenir chaque parcelle de son visage. Je préfère m'en souvenir plutôt que de simplement me remémorer son visage grâce aux photos. Je veux me souvenir de chaque détail pour ne pas oublier à quel point elle est magnifique. Leighton aurait facilement sa place au Musée du Louvre parmi les merveilles de ce monde.

  — Je te ramènerai des cartes postales et un cadeau.

  — Mais moi, je ne pars pas. Je n'aurai rien à t'offrir.

LEIGHTON MURPHY

CET ÉTÉ, j'avais prévu de partir avec Tessa et George en Égypte mais à cause du championnat de boxe, j'ai préféré renoncer à ces vacances. Je préfère passer du temps avec mes frères. J'ai réalisé que j'avais envie de passer l'été avec eux. J'ai eu tellement peur ces dernières semaine que j'ai remis en question pas mal de choses.

  — C'est pas grave. Je n'attends pas forcément un retour de ta part. Je fais ça parce que ça me fait plaisir.

  Je lui souris. Il est si attentionné. J'ai l'impression de ne rien lui offrir en retour et c'est très frustrant. J'aimerai faire davantage pour lui montrer que je l'aime, mais je n'y parviens pas.

  — Tu vas me manquer, je déclare. Quatre semaines sans toi, ça va être long. Je m'étais habituée à traîner tout le temps avec toi.

  Il dépose un baiser sur mes lèvres.

  — J'espère que tu ne m'oublieras pas pendant tes vacances, j'affirme sur un ton amusé.

  Il secoue négativement la tête.

  — Aucune fille n'est aussi intéressante que toi, mon amour.

  Mon cœur s'emballe face à ce surnom. Je rougis immédiatement. J'aime quand il active le mode romantique. J'aime quand il me complimente, ça me donne confiance en moi.

  — Oh, je réponds avec attendrissement.

  Être aux côtés de Charlie me rend tellement heureuse. Je dois un grand merci à Tessa pour m'avoir inscrite sur ce site qui a changé le cours de ma vie.

  Prise d'une soudain pique d'inspiration, je sors mon ordinateur portable et active mon application d'édition.

  En ce moment, j'écris une histoire romantique — comme toutes les histoires que j'écris. Le départ de mon petit-ami, parti hier déjà, me laisse beaucoup de temps libre — temps libre que j'avais pris l'habitude de passer avec lui.

  Son absence me permettra de me concentrer à fond sur ce roman. Personne n'a jamais lu mes romans hormis mes frères et je ne sais pas si leurs retours sont vraiment objectifs. Ce sont mes frères, évidemment qu'ils me supportent mais est-ce que des inconnus prendraient autant de pincettes avec mes écrits ?

  Maintenant que je sors avec Charlie, j'ai moins de mal à décrire les sentiments de mes personnages. J'arrive plus facilement à me mettre à leur place étant donné que je les vis dans la réalité.

  Je couche les mots sur mon ordinateur pendant des heures et des heures, sans que quoi que ce soit soit en mesure de me perturber. J'avance bien sur mon livre, si bien que j'arrive à l'épilogue.

  Dans ce livre, deux jeunes adultes se rencontrent lors d'un opéra. Ils viennent tous les deux de familles aisées. Leurs familles sont rivales. L'histoire se passe au XVIIIe siècle. Sophie et Nigel sont voués à un amour impossible. Ils se voient en cachette au début, jusqu'à ce que leur cachoterie soit révélée au grand jour. Forcément, ça fait parler dans la presse mondaine.

  J'hésite entre une fin heureuse où leur amour triomphe, ou alors une fin triste ou leur amour ne triomphe pas. J'ai l'habitude d'écrire des histoires où les protagonistes finissent heureux, mais finalement, le lecteur n'est pas surpris par l'épilogue. J'ai envie de surprendre mon lectorat.

  Je regarde mon ordinateur, un peu perdue. Je ne sais pas comment je veux diriger l'histoire de Nigel et Sophie dans cette épilogue. Je veux que cette fin soit cohérente avec le reste du roman.

  Mon pique d'inspiration semble s'être éteint. J'ai entendu quelque part que rien n'était mieux que de s'inspirer de la vraie vie. Je dois me creuser les méninges afin de trouver un amour impossible dans mon entourage. Je pense à chaque personne pour qui mon cœur a penché, chaque personne qui a croisé le chemin de Tessa,... Rien ne me vient.

  Rien ne me vient jusqu'à ce que j'aie cette illumination. Je ne trouve personne de mon entourage proche, mais je repense à des films que j'ai vu. J'en conclus qu'ils ne doivent pas finir ensemble. Ils doivent se séparer pour se retrouver des années plus tard et ne plus jamais se lâcher. Cette fin me paraît être la plus belle qui existe. Parce qu'après avoir lutté pour leur amour, avoir été obligés de se séparer pour se protéger l'un l'autre des moqueries mondaines et des critiques de leurs familles,  avoir été contraint d'aimer quelqu'un d'autre sincèrement, ils finissent par comprendre qu'ils sont fait l'un pour l'autre et que rien ne pourra jamais les séparer.

  J'écris tout ça d'un éclair tant que l'inspiration me vient. Je relis mon épilogue avec fierté. C'est le dénouement que je souhaitais. Il est pertinent et cohérent.

  Je ferme mon ordinateur et me lève, le sourire aux lèvres. Je n'ai pas vu l'après-midi passer mais je suis heureuse. Je n'ai pas le sentiment d'avoir gâché une après-midi.

  Sophie et Nigel ont l'amour que je rêve de vivre. Jane Austen est mon inspiration. J'aime écrire des femmes indépendantes comme celles dans certaines pièces de Shakespeare — comme Béatrice dans Beaucoup de Bruit pour Rien. J'aime écrire des femmes qui se suffisent d'elles-mêmes comme celles de Jane Austen — comme Elizabeth dans Orgueil et Préjugés de Jane Austen. Mais j'aime aussi dépeindre des femmes qui ont un cœur d'artichaut et qui rêvent de connaître l'amour véritable. Toutes ces inspirations m'ont aidées à créer Sophie, la protagoniste que j'ai préféré écrire et qui gardera une place spéciale dans mon cœur et dans mon histoire. Si je dois écrire ma biographie un jour, le nom de Sophie y figurera. Cette histoire a changé ma façon d'écrire, elle signe un renouveau dans ma carrière d'écrivaine — carrière qui est au plus bas puisque personne ne me connaît.

  Un jour, le monde connaîtra mon nom.

𝐓𝐇𝐄 𝐌𝐔𝐑𝐏𝐇𝐘𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant