-Le 7 mai, dis-tu ?
Je confirmai cette sinistre échéance à Henrotin, assis de l'autre côté de son bureau. Il secoua la tête, pensif.
-Je crois que tu te trompes. Je n'ai pas bien compris comment tu as pu avoir cette information, mais tu as du mal comprendre. L'Inquisiteur n'attaquera pas. Pas tant que je serai là pour défendre la ville.
Je ne pouvais pas en croire mes oreilles. Henrotin qui, naguère, semblait déjà préparé à la perspective d'une guerre, avait désormais plongé dans le déni le plus total. Naturellement, je n'avais pas osé tout lui raconter de ce qui m'était arrivé, me contentant de lui servir une fable à peu près crédible.
Quant à Thomas, il ne se souvenait de rien de ce qui lui était arrivé, hormis un gros choc reçu sur le crâne et une éternité passée dans une pièce froide et humide avant que son geôlier ne se décide à le relâcher. Sa captivité l'avait laissé affaibli, mais il reprenait rapidement des forces grâce aux bons soins prodigués par Théodule Ravagnan, le médecin personnel d'Henrotin, que j'avais déjà rencontré sur la scène du meurtre des époux Boulanger. Parmi la foule de personnages farfelus qui entouraient le bourgmestre, Ravagnan occupait sans conteste le haut du panier. C'était ce vieillard chenu au nez proéminent et aux petits yeux de taupe qui était notamment parvenu à réparer l'ancien funiculaire et à faire en sorte que les Spadois aient leurs rues éclairées même au beau milieu de la nuit. Un luxe dont peu pouvaient encore se targuer depuis le Grand Effondrement. La présence du vieux scientifique devait être si précieuse au bourgmestre que je me demandai si ce dernier n'utilisait pas un quelconque moyen de pression afin de l'empêcher de partir.
Il en est un qui s'enticha rapidement de Ravagnan. Colin avait été accepté en tant que pupille par le bourgmestre et il demeurait à présent à mes côtés au château de la Fraineuse. Le temps passant, il paraissait s'accoutumer peu à peu à cette nouvelle vie. Curieux de tout, c'est naturellement qu'il sympathisa avec le vieil homme lequel entreprit bientôt de l'initier à son savoir-faire. L'orphelin avait trouvé une nouvelle voie, l'occasion de prendre un nouveau départ...
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Plutôt que de se préparer activement au conflit qui s'annonçait, Henrotin avait prévu une cérémonie solennelle à laquelle seraient conviés tous les Spadois et au cours de laquelle Thomas serait officiellement reconnu comme un membre à part entière de la Patrouille des Castors, la garde rapprochée d'Henrotin.
Sous un soleil radieux, le parc des Sept Heures, au centre-ville, était plein à craquer d'une foule impatiente d'accueillir son nouveau héros, Thomas le Chasseur, celui qui avait vaincu la Bête de Berinzenne et qui ne manquerait pas de défendre la ville de tout son corps et son âme dans les temps à venir.
Henrotin n'avait pas lésiné sur les moyens afin que ce jour reste gravé dans toutes les mémoires. Des musiciens avaient été réquisitionnés, des succulentes préparations culinaires avaient été mises à la disposition des plus gourmands. On n'attendait plus que la venue du héros du jour. Lorsque ce dernier apparut sur l'estrade, aux côtés d'Henrotin, la liesse s'empara de la foule. Il ne me fut pas difficile de percevoir le malaise de Thomas,
-Thomas, agenouille-toi, ordonna Henrotin.
Mon ami obéit cependant sans broncher.
-Moi, Marc Henrotin, te consacre commandant en chef de la Patrouille des Castors. Puisses-tu devenir le bras armé qui toujours défendra notre bonne ville contre ceux qui voudraient la soumettre. Gloire à toi, commandant Thomas !
Le tumulte de la foule s'arrêta un instant, avant de redoubler d'ardeur. Debout à quelques pas de moi, je remarquai que Lardinnois ne partageait pas l'enthousiasme général.
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