30. La route blanche

25 8 16
                                    

Je plissai les yeux, éblouie par la blanche clarté du jour.

Après quelques pas maladroits, je fus surprise de sentir sous mes pieds nus la douceur de l'herbe fraîche. Regardant tout autour de moi, je ne vis qu'une immense prairie verdoyante et vallonnée, s'étendant à perte de vue. Seul élément venant rompre la monotonie de ce paysage bucolique, une route de graviers blancs qui serpentait jusqu'à l'horizon. Où étais-je ? Quelle heure était-il ? Je levai le regard vers le ciel bleu azur mais n'y trouvai aucune trace d'un quelconque soleil ou même du moindre astre. Je sentis la panique me gagner. Qu'était devenu Saturnin ? Était-ce là un ultime mauvais tour que me jouait la Malveillance ? Il semblait que j'étais bel et bien seule, perdue au beau milieu d'une immensité inconnue...

Tout à coup, un rire clair parvint à mes oreilles ainsi qu'un clapotis d'eau. Sans hésiter, je me dirigeai vers la source de cette perturbation. Accroupi au bord d'un ruisseau aux eaux claires, un petit garçon contemplait l'onde pure, obnubilé par le spectacle des truites argentées s'ébattant dans le courant. A mon approche, l'enfant se retourna un franc sourire aux lèvres. Je le reconnus aussitôt.

C'était Malik, le petit frère d'Ajar.

« Salut ! » me lança-t-il joyeusement de sa petite voix flûtée.

Je me retins de lui demander ce qui le rendait si gai. Certes, les lieux étaient plus accueillants que l'antre d'une Malveillance, mais il n'en demeurait pas moins que je ne savais toujours pas où nous nous trouvions et surtout comment quitter cet étrange endroit.

« N'aie pas peur, Morgane. Il ne t'arrivera rien, ici ».

Je me retournai et découvrit avec stupeur Clio, vêtue d'une robe blanche immaculée, qui s'avançait vers moi. Je remarquai alors, surprise, que j'étais vêtue de semblable façon. La jeune fille rayonnait.

« Nous te sommes tous reconnaissants pour ce que tu as fait pour nous, tu sais ! »

Elle avait parlé d'une voix aussi douce qu'apaisée.

-Moi ? Mais je n'ai rien fait du tout ! m'écriai-je.

-Ne sois pas si modeste, Mo'. Tenir tête à la plus puissante des Malveillances à avoir jamais été créée, ce n'est pas un exploit à la portée du premier péquenaud venu. Ta résistance a détourné son attention suffisamment longtemps pour que Saturnin soit en mesure de forcer la barrière qu'elle avait érigée autour de toi et venir nous sauver. Enfin, te sauver serait plus exact. Pour toi, il n'est pas encore trop tard. Pour nous, hélas, il ne nous reste plus qu'à cheminer jusqu'au bout de cette route que tu vois là-bas.

Un voile de regret passa sur son visage. Je ne parvenais toujours pas à saisir ce que Clio essayait de me faire comprendre. Malik s'était relevé pour venir se placer à ses côtés. Un troisième personnage fit alors son apparition. C'était Gilles Langue d'Argent. Il avait recouvré ses dix doigts ainsi que ses deux yeux. Son visage, exempt de toute blessure, exprimait une profonde reconnaissance.

-Désolé de t'avoir trahie, Morgane. Toute ma vie, je l'ai passée dans la peur. Les gamins de merde étaient ma famille, et j'avais peur qu'on ne s'en prenne à eux si on me voyait en ta compagnie. J'ai cru faire ce qui était le mieux pour eux.

Il m'était difficile de pardonner à ce misérable ver de terre ce qu'il avait fait. Je ne sais ce qui me retint de l'écrabouiller sur place. Pourtant, son repentir semblait sincère.

Le trio qui me faisait face ne bougeait plus d'un cheveu, comme attendant un signal de ma part.

-Tu ne comprends toujours pas, Morgane ? demanda Clio, maintenant franchement hilare.

Macrâle: itinéraire d'une sorcière de BelgiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant