43. Le Sacre

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Adalbert, après que Morgane et moi lui ayons faussé compagnie, était resté longtemps seul dans la grande maison vide, à pleurer comme une madeleine. Cette période fût, selon ses dires, la plus triste de toute son existence. Il avait tout d'abord commencé par fouiller les berges de la Meuse, se disant que nous nous étions sans doute noyés accidentellement. Puis, comprenant que la disparition de la barque de Matthew n'était pas anodine, il avait saisi l'horreur de la situation.

Il connaissait Morgane et son légendaire entêtement, or tout ceci ne pouvait signifier qu'une chose : nous étions repartis en direction de Liège afin de tirer sa mère des griffes de l'Inquisiteur. Adalbert décida de se mettre sans attendre à notre poursuite. Malheureusement, un coup du sort, sous la forme d'une mauvaise chute qui lui brisa une jambe, le laissa immobilisé plusieurs mois avant qu'il ne soit en mesure de reprendre la route.

Le voyage se révéla riche en péripéties, jusqu'à ce qu'Adalbert ne mette à nouveau les pieds dans cette ville de Liège qu'il abhorrait tant. Il savait que son frère Saturnin s'y trouvait et que, leur relation n'étant pas au beau fixe, il courait de graves ennuis en cas de rencontre avec lui.

Bien entendu, Adalbert ne tarda pas à entendre parler de Morgane, de ses exploits et de ce qu'il était advenu d'elle. Mais il ne pût l'approcher, qu'elle s'était déjà envolée en compagnie de Saturnin et du Seigneur Fidanza vers une destination inconnue.

Sombrant peu à peu dans la mélancolie et l'alcool, Adalbert s'était finalement échoué dans l'établissement de Jo la Couperose. De nuit en nuit, il était devenu un peu plus proche des rebelles qui se rassemblaient et complotaient contre Pangelpique.

Jusqu'au soir dans cette taverne, où j'avais débarqué sans crier gare.

J'avais, bien sûr, tout tenté pour en apprendre davantage sur la relation d'Adalbert avec son célèbre frère et sur les circonstances qui les avaient poussés à emprunter des voies si radicalement opposées. Cependant, Adalbert s'était systématiquement refusé à approfondir ce sujet si sensible, qui lui appartenait de plein droit, disait-il. Aussi, n'insistai-je pas, de crainte de provoquer son courroux...

Profitant de la sécurité et de la tranquillité de l'égout, Patte-Folle et ses comparses ne s'accordèrent aucun repos jusqu'à être certains de voir leur plan réglé comme du papier à musique.

Le jour du Sacre de Pangelpique, il avait été convenu que les rebelles formeraient de petits groupes qui iraient se poster à divers points de la ville. Leur mission consisterait à provoquer délibérément plusieurs incidents mineurs, avec, pour seul objectif, de détourner l'attention du véritable théâtre des opérations. Avec un peu de chance, le redoutable Saturnin aurait le dos tourné lorsque Patte-Folle viserait Pangelpique.

L'essentiel de la cérémonie se déroulerait bien entendu entre les murs de la cathédrale, où atteindre sa cible se révélerait impossible. Saturnin et ses chevaliers les plus aguerris ne manqueraient pas d'en surveiller la moindre ouverture avec une vigilance sans faille.

Cependant, une gigantesque estrade de bois avait déjà été dressée Place Cathédrale. Nous avions appris que Pangelpique y prononcerait un de ces discours pompeux dont il avait le secret.

Dissimulé dans la foule et habilement grimé, Patte-Folle se chargerait d'abattre Pangelpique à l'aide du petit revolver qu'il portait toujours sur lui. Le visage du jeune mineur était bien connu des autorités liégeoises et il courait un risque considérable à s'approcher si près de son ennemi. Mais il était de loin le meilleur tireur parmi le groupe de rebelles, le seul à avoir une infime chance de toucher sa cible avant d'être intercepté.

Quant à moi, mon rôle se bornerait à conduire les différents commandos au travers des galeries souterraines avant de les récupérer une fois leur tâche accomplie.

Macrâle: itinéraire d'une sorcière de BelgiqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant