« J'existe. Je suis bien réel, que tu le veuilles ou non. Tu n'as aucune raison d'en douter, mon enfant »
L'Ombre s'était contractée pour former une silhouette vaguement humaine projetée sur le mur du fond.
« Voir, c'est croire. Belle devise, n'est-il pas ? »
Le Monstre me narguait. Il allait me fondre dessus d'un instant à l'autre, m'engloutir et m'infliger les tourments de la damnation éternelle. Or, même si j'avais trouvé la force de fuir ce cauchemar, toute tentative se serait avérée vaine. J'avais entendu la porte claquer derrière moi. Cette chose, quelque fut sa nature, possédait un contrôle certain sur son environnement proche. Misérable moucheron dans la gigantesque toile de cette monstrueuse araignée, j'étais bel et bien prise au piège !
Pourtant rien de tel ne se produisit. Des deux fentes écarlates lui servant d'yeux, la Malveillance continuait de me fixer sans ciller.
« Cela faisait longtemps que j'attendais ta venue, chère enfant. De tous ceux que j'ai invités à me rejoindre ici, tu es le cas que je juge le plus digne d'intérêt. Un cas spécial. Nous avons beaucoup de choses à nous dire. Discutons, veux-tu? J'ai si peu souvent l'occasion de bavarder. »
Mais que voulait donc dire ce monstre ?
« Tu n'as pas encore compris ? Nous sommes pourtant un peu pareils, toi et moi. »
Je me retins de hurler ma haine à cette créature. Je n'avais rien en commun avec elle. J'étais une humaine, en chair et en os, pourvue de sentiments et non une misérable tache d'ombre projetée sur un mur de briques humides.
« Toi et moi, nous sommes nés de l'Obscurité. »
Je ne comprenais décidément rien au charabia de cette malfaisante entité.
« Sceptique, comme d'habitude, chère petite ? Quelle tristesse ! Vous, les humains, êtes incorrigibles. Même acculés, vous êtes incapables de discerner les choses que vous avez décidé d'occulter. Laisse-moi te montrer quelque chose, petite niaiseuse. »
Je sentis mon ventre se contracter lorsque le sol se déroba sous moi et que je me retrouvai...
Dans la forêt. Je courais à perdre haleine, le grand loup noir sur mes talons, heureuse de ne pas encore avoir senti ses crocs se refermer sur mes mollets.
Une lueur brillait dans la nuit, à travers les arbres.
Mon seul espoir d'échapper au carnivore affamé.
Comme si mes prières avaient été entendues, le loup ralentit peu à peu son rythme, me permettant de le distancer et de pénétrer dans une clairière où brûlait un grand feu de bois.
Des hommes et des femmes s'étaient rassemblés autour du brasier. Tous, sans exception étaient nus, le corps couvert d'étranges motifs peints avec ce qui ressemblait furieusement à du sang.
Au beau milieu de l'assemblée, un personnage portant un masque de cérémonie fait d'un crâne et d'une crinière de cheval dansait frénétiquement, psalmodiant des incantations incompréhensibles.
Le feu s'anima tandis qu'un être cornu, entouré de flammes émergeait du foyer. Une bête trapue, nantie de sabots fendus et dont la chaleur brûlante irradiait jusqu'à l'endroit où j'étais tapie.
Le danseur se tourna alors et je vis qu'il s'agissait d'une femme. Cette dernière accueillit le démon des flammes les bras ouverts lorsqu'il la plaqua sauvagement au sol et commença à l'étreindre brutalement, à la plus grande joie de l'assemblée, poussant des cris d'encouragement hystériques, observant le moindre détail de cette incroyable et dégoûtante scène avec des yeux emplis de lubricité, sans pudeur aucune.
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Macrâle: itinéraire d'une sorcière de Belgique
ParanormalMacrâle: mot issu du wallon liégeois, désignant familièrement une sorcière. Mais comment devient-on Morgane la Rouge, la plus redoutable d'entre elles? Ce nom murmuré avec crainte, ce conte terrifiant chuchoté aux enfants réticents à finir leur sou...