Naëlle - Le poste #07

192 14 0
                                    

Élise et moi avons toujours vécu ensemble. Quand, à dix-huit ans, elle a quitté l'orphelinat où nous avons grandi, elle a demandé ma tutelle. Mes bons résultats au lycée m'ont permis d'obtenir une bourse, mais elle a subvenu à la plupart de mes besoins et je lui en suis vraiment reconnaissante.

Aujourd'hui, âgée de vingt-trois ans, j'ai brillamment terminé mes études à la faculté de droit et je cherche un poste d'assistante juridique. Jusqu'à maintenant, aucune de mes candidatures n'a abouti. En tant qu'oméga, je ne suis même pas appelée pour passer un simple entretien. 

Les périodes d'œstrus, nos chaleurs, nous forcent à prendre une semaine de congé tous les mois et limitent donc notre employabilité. Notre image nous fait également défaut. Perçus comme des êtres faibles et peu intelligents, les entreprises ne s'embêtent pas à nous répondre.

Mon rêve est de devenir avocate, mais je n'espère pas qu'il se réalise un jour. Le concours du barreau nous est fermé. Je me suis dès lors résignée. J'ai cependant été le plus loin possible et me refuse à abandonner ma passion pour le droit. Voilà maintenant plus de six mois que je me démène pour trouver un emploi.

— Je suis surprise qu'ils aient retenu ton CV.

Tout en m'essuyant les cheveux dans le salon, je lui avoue la triste vérité.

— J'ai menti. J'ai déclaré être un bêta.

— Tu es sérieuse ? s'insurge-t-elle tout en cessant la préparation de mon repas.
— Que voulais-tu que je fasse ? Tu sais que je suis capable de faire le job, même davantage que les autres. Et je ne pourrai pas toujours vivre à tes crochets. Tu en as déjà beaucoup trop fait pour moi.

Élise me toise, inquiète.

— Tu sais ce que tu risques s'ils le découvrent ?
— C'était ma seule chance. Le cabinet SAUMANE, tu imagines ?
— SAUMANE ? s'étonne-t-elle.
— Oui. Je travaillerai pour Sasha Coste. D'ici quelques années, elle sera la meilleure avocate du pays. Je voudrais juste pouvoir faire ce que j'aime.

— Je sais, Naëlle, déplore-t-elle en me caressant la joue. J'ai toujours su que tu avais des capacités. Pourquoi crois-tu que je t'ai soutenue ? Je donnerais n'importe quoi pour que tu réalises ton rêve. Cette vie est injuste, j'en ai conscience, mais là tu vas trop loin. Ils vont forcément s'en apercevoir.
— Pas forcément. J'ai changé mon traitement. Je devrais pouvoir cacher mes chaleurs.
— Pour quel traitement ? Les S1100 ? Ce n'est pas au point, tu vas être malade !
— Je sais, j'ai réfléchi. Tant pis. Je ne peux pas passer à côté de cette opportunité.

Omegalove - Johanne MillotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant