Chapitre 40

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Ivan STRAVINSKY

Depuis mon balcon, je contemplais mon jardin en contrebas, une cigarette à son ultime tison entre les lèvres. Je détestais le soleil ; il m'accablait d'une mélancolie oppressante. Avec un geste las, je jetai la cigarette à moitié consumée, déjà résolu à en allumer une autre. Soudain, on frappa à la porte. Un soupir d'agacement m'échappa tandis que j'invitais l'intrus à entrer. Theodore fit son apparition dans le bureau, et mon visage se radoucit en le voyant. Je quittai la terrasse pour m'avancer à sa rencontre.

Theodore est vraiment l'antithèse de ma personne, tout comme il l'est d'Abigail. Il est jovial, sociable, toujours un grand sourire aux lèvres. Lorsque la gravité s'empare de lui, il devient alors une copie de moi-même. Ce jour-là, il semblait quelque peu tendu, passant machinalement une main dans ses cheveux bruns et bouclés.

Quelle est cette mine peter  ? demandai-je.

Il s'approcha et déclara :

Verónica est...

— Pourquoi l'appelles-tu par son prénom ? le coupai-je, irrité.

Il était vrai que Verónica était sa reine. Pourquoi se permettait-il de l'appeler ainsi ? Entendre ce prénom dans la bouche d'un autre m'agaçait profondément.

Elle me l'a autorisé. Puis-je continuer ? répondit-il en levant les yeux au ciel.

Pourquoi cette autorisation ? Cherchait-elle à séduire mon propre fils ? Non, impossible. Malgré ses moments de chaleur, jamais elle n'avait franchi la ligne avec un autre homme. Elle jouait la comédie. Elle ne coucherait avec personne d'autre, elle n'en avait pas le droit.

Hum...

— Donc, Verónica est partie voir un ami, Christian je crois.

Je me crispai. À peine avais-je relâché la pression de la porte de vingt tonnes qu'elle se jetait déjà dans les bras de son ex. Avant que je puisse réagir, Theodore m'attrapa par les épaules, tentant de me ramener à la réalité.

Bien que j'aie été séparé de mon fils pendant un million d'années sans nouvelles, la première chose qu'il fit en me revoyant fut de me prendre dans ses bras, me disant combien je lui avais manqué. Il m'avait manqué aussi, mais je n'avais pas su lui dire. Je m'efforçais de rester distant, mais dans les bras de mon fils ou de Verónica, une part d'humanité se révélait en moi.

Elle nous a prévenus il y a quelques heures. Elle va dormir chez lui, mais Marilyn et Erik n'ont pas osé te le dire. Ils connaissent ta colère.

Ma mâchoire se crispa au point de presque se fracturer, mes jointures blanchirent sous la pression de mes poings serrés. Dormir chez lui ? Elle me prenait pour un adolescent qu'elle pouvait balader ainsi ? Son ex, en plus ?

Une putain de rage me bouffe, à l'idée de la voir dans les bras d'un autre connard, peut-être même en train de lui rouler une pelle dans le cou après une baise torride, comme elle le faisait avec moi. Peut-être qu'elle lui balance qu'il est le meilleur coup qu'elle ait jamais eu, comme elle me l'avait dit. Peut-être qu'elle le fixe avec la même putain d'intensité, qu'elle se marre avec lui autant qu'avec moi, qu'elle l'embrasse avec la même passion, et qu'elle est peut-être même en train de se le taper là, maintenant.

— Papa, je pense que tu devrais la laisser respirer, dit-il d'une voix grave.

Laisser Verónica respirer ? Jamais.

Je n'en ai rien à foutre de ce que tu penses, répliquai-je froidement.

Elle veut juste être tranquille, libre. Tu lui prives de toute liberté alors qu'elle est reine, papa. Une putain de reine ! s'exclama-t-il.

The mystical danceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant