Chapitre 8

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Zoé

En me levant, je me sens un peu moins fatiguée que les jours précédents. Je crois que je commence peu à peu à prendre le rythme d'Enzo mais je suis loin d'atteindre son niveau. J'ai tout de même hâte d'être en week-end pour dormir de longues heures et flâner dans le canapé devant des séries pour récupérer de ma semaine de déplacement.

Ce matin, mon patron est d'une humeur exécrable et pour cause, il a eu son père au téléphone très tôt.

Je ne sais pas grand chose à propos de leur lien mais de ce que j'ai compris, le père d'Enzo tient de nombreux cabinets dans le monde entier. La filiale de Seattle a été attribuée à Enzo. Tout est mis en place pour donner un aspect d'entreprise familiale au groupe mais l'envers du décors semble bien moins sympathique.

Son père s'acharne sur lui et lui met une pression qui pourrait décourager n'importe qui mais pas mon patron. Il redouble d'effort et pourtant, aujourd'hui, ce n'était pas encore assez pour son père. Ce conflit permanent avec lui doit être épuisant surtout qu'il se tue à la tâche pour le rendre fier. Ce matin, je vois bien que ce conflit a vidé toutes ses batteries.

J'aurais très mal vécu la situation si j'avais eu ce type de relation avec mon père.

— Est-ce vous pouvez me parler du client que nous allons rencontrer ce soir ?

Je connais tous les clients que nous allons voir en rendez-vous aujourd'hui et parmi eux, il y a le gérant de Clark Cars. Cependant, celui de ce soir m'est inconnu alors j'aimerais m'imprégner de ce dossier durant le trajet de ce matin.

— Le dossier est dans la pochette verte derrière vous.

Aussitôt j'entame une conversation, que mon patron la clôt l'instant d'après. Je me contorsionne vers le siège arrière, interpellant le regard d'Enzo à ma suite. Il me saisit l'épaule et me claque vivement contre le siège, face à la route.

Bouche bée, je n'ai pas le temps de formuler ma phrase, qu'il est déjà en train de se justifier pour son acte.

— J'allais freiner.

Et même en colère, cet homme reste prévenant. Arrêté dans les bouchons, il tend son bras vers l'arrière et me récupère sa pochette.

Je passe le reste du trajet à lire en détail le dossier pour m'en imprégner. Mes journées d'environ 13h auprès de mon boss m'ont permis d'apprendre à connaître certains aspects de sa personnalité à une vitesse folle.

Par exemple, quand il stresse, Enzo va faire rouler ses épaules pour détendre les muscles de sa nuque et de son dos.

Lorsqu'il est en colère ou agacé, il se renfrogne et ne mâche pas ses mots.

Lorsqu'il est fatigué, il se frotte les yeux pendant de longues minutes et s'irrite facilement pour un rien.

Mais surtout, lorsqu'il tente de refouler quelque chose qui le rend heureux et lui procure du bonheur, il se pince les lèvres laissant apparaître ses fossettes.

La seule facette de lui que je n'ai pas vu est la tristesse. Je doute de la voir un jour car même s'il n'a pas peur de montrer ses sentiments négatifs, il ne s'autorise pas à ceux qui sont positifs. Il est dans une spirale infernale et parfois, je me demande s'il n'est pas à la limite du burn-out.

Alors aujourd'hui, je veux qu'il puisse voir qu'il peut compter sur moi lorsque ça ne va pas. Je veux qu'il se rende compte que notre collaboration n'est pas à sens unique. Ce n'est pas à lui de se démener deux fois plus pour que je ne sois pas fatiguée à la fin de ma journée.

Sinon, je ne serais qu'un fardeau en plus pour lui.

*

Je mène la conversation d'une main de maître sous les yeux surpris et fier d'Enzo. Cette journée l'a lessivé et même s'il tente de me le cacher, j'ai bien remarqué qu'il n'avait plus la force d'assumer notre dernier rendez-vous. Alors, dès que nous avons mis un pied dans le bureau de Mme Hipper, j'ai pris l'initiative de me mettre en avant, laissant un Enzo silencieux sur le siège à ma gauche.

L'avocat de SeattleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant