L'avocat de Seattle

Chapitre 23

Enzo

Aujourd'hui, je me sens inatteignable. C'est le cœur léger que j'arrive à mon bureau, sourire aux lèvres, buvant une gorgée de mon café.

Alessia m'attend, dos à moi et le regard rivé sur la ville.

— Bonjour petite sœur. Qu'est-ce qui t'amène aussi tôt dans mon antre ?

Elle se retourne, le visage sévère, un journal à la main. A mon tour, je fronce les sourcils. Demeurant silencieuse, elle s'avance et claque le journal du jour sur mon bureau. Je l'ignore, ne comprenant pas où elle souhaite en venir et me contente d'allumer mon ordinateur. Voyant qu'elle reste les bras ballants à côté de moi, je réalise qu'elle essaie de me dire quelque chose. Je cesse ce que je suis en train de faire et bascule dans mon siège.

— Bon très bien. Qu'est-ce qui se passe ?

— Lis le journal.

Je le prend dans ses mains et manque de le relâcher lorsque je vois la photo sur la première de couverture et l'article faisant les gros titres.

Ce n'est pas possible.

Je suis bon pour perdre la tête de ce cabinet si quelqu'un d'autre que Alessia voit ce journal.

Cette journée ne s'annonce pas aussi bonne que prévue.

— Tu m'expliques ?

Un cliché de Zoé et moi datant d'hier soir, prise au moment où nous nous sommes embrassés. Le titre est tout ce qu'il y a de plus clair, il ne laisse pas de place au doute.

« L'avocat le plus convoité de Seattle aux bras de son assistante juridique. La loi des avocats est-elle officiellement brisée ? »

Je jette mes lunettes sur mon bureau et me frotte le visage avec virulence.

Bordel.

Alessia croise les bras devant moi, attendant avec impatience une réponse. Je repense à hier, à ce souvenir qui ne m'a pas quitté de la nuit.

— J'ai embrassé Zoé hier.

— Tout Seattle est au courant de ça. Ce que je veux savoir, c'est la version de mon grand frère, pas celle de l'avocat. Le pourquoi tu as fait ça.

Je prends appui sur mes coudes posés sur le bureau. Je joins mes mains devant moi, les serrant entre elles avant de venir y poser mon front. Je ferme les yeux et le visage de mon assistante surgit.

On pourrait croire que je prie. Je crois que ça ne me ferait pas de mal dans un instant tel que celui-ci.

J'ai vraiment merdé.

— Je suis amoureux de Zoé.

Un poids s'évapore. Ça me fait du bien de l'admettre à voix haute et de l'avouer à ma sœur. Ses yeux s'arrondissent, elle est prise au dépourvu. Il faut dire que je n'ai pas vraiment laissé d'indice ces derniers mois.

— Pardon ? Mais depuis quand est-ce que tu es amoureux d'elle ?

Je hausse les épaules et laisse échapper un rire amer.

— Tu ne crois pas que si je le savais, j'aurais fait en sorte d'éviter cette situation ?

Ma sœur se rapproche de moi et me couvre dorénavant d'un regard réconfortant. Elle ne me juge pas.

— C'est pour ça que tu sembles en meilleure forme depuis quelques mois, que tu es heureux et ailleurs ?

Je hoche la tête et au même instant mon cœur répond lui aussi en s'accélérant un peu plus. C'est tout ce qu'il sait faire lorsque je pense à Zoé : me mettre dans un état pitoyable et incorrigible. Un état qui ne cesse de me rappeler mes sentiments et qui donne l'impression de survoler mon propre corps.