Enzo
Samedi, 10h28
J'ai l'impression de flotter hors de mon corps tant mon esprit est embrumé. Pour la première fois depuis 3 ans, j'ai décroché de mon boulot, le temps d'une nuit. J'ai suivi les conseils de Zoé et même si j'ai culpabilisé qu'elle passe son vendredi soir à réaliser un compte rendu, je crois qu'elle avait raison. A peine ma tête posée sur mon oreiller que le sommeil m'a attrapé et ne m'a pas laissé ouvrir une fois l'œil de la nuit.
Je me sens tellement reposé que je n'arrives pas à y croire. Je ne réalise même pas que je n'ai aucun travail à effectuer ce week-end. Et c'est là que je commence à m'ennuyer.
J'envoi un premier message à Megan, au cas où elle aurait finalement envie de se souvenir de mon existence. Puis un second à Luke, mon meilleur ami et coach de boxe, qui sans grand étonnement, me répond dans la seconde.
Je pars me doucher et me mettre en tenue de sport. Je déteste rester sans rien faire et si je ne m'occupe pas l'esprit, j'ai peur que le nom de Zoé me hante jusqu'à lundi. Durant le trajet jusqu'à la salle de sport, j'hésite longuement à lui envoyer un message. Au moins pour savoir si elle est parvenue à finaliser le compte rendu concernant l'affaire de Mme Hipper.
Sur place, je sors mon téléphone, prêt à envoyer mon message quand Luke me tombe dessus.
— Dis donc mon pote, ça fait longtemps qu'on ne t'a pas vu ici.
Mon ami m'offre une généreuse accolade avant de me tirer à sa suite. Je recroqueville mes épaules dans mon sweat tout en le regardant me tendre mes gants. Je sais déjà que ma réponse va me valoir une paire de réprimandes.
— Le travail, avoue-je en haussant les épaules.
— Comme d'hab, au point où t'en oublie ton meilleur pote.
Je connais Luke depuis mon arrivée à Seattle. Nous étions à la fac, moi en droit et lui pour faire des études dans le sport. Il était le seul à être présent lorsqu'une partie de ma famille en Italie m'oubliait petit à petit. Seule ma petite sœur Alessia est revenue étudier en Amérique pour se rapprocher de moi.
Moi, j'ai toujours été à part, entre les deux. Ma vie n'est ni en Italie, ni à Seattle. En réalité, ma vie personnelle est vraiment à chier.
Devant mon silence, il reprend.
— Quand est-ce que tu comptes enfin vivre en dehors du travail ? Tu n'as que 27 ans, Lorenzo, et j'ai l'impression que tu n'as pas goûté à un tiers de ce que la vie peut te proposer.
Luke est l'un des seuls à m'appeler par mon prénom entier, avec ma famille. Et même si je préfère Enzo, rien ne les ferra changer d'avis.
— J'ai une nouvelle assistante.
Je ne sais pas pourquoi j'ai lâché cette bouteille à la mer mais je me dis que peut-être Luke me lâchera avec cette histoire s'il sait que je ne suis plus seul au travail. J'enfile finalement mes gants et commence à frapper dans le sac. Gauche, droite, gauche. Je suis le rythme que Luke m'impose, sentant tous mes muscles travailler.
— Depuis longtemps ? rétorque-t-il en maintenant fermement le sac.
— 2 semaines.
Cette fois, Luke lâche le sac, le laissant vacillé dans le vide. Mon poings dérive, tape dans le vide et manque de peu de lui atterrir sur le visage. Il me fixe, les bras ballants, comme si le ciel venait de lui tomber sur la tête.
— Quoi ? demande-je agacé.
— Qu'est-ce qui est différent ?
— Rien n'est différent. C'est quoi cette question idiote Luke ?
— Tu as déjà eu 4 assistants, aucun ne t'a fait sortir la tête du boulot.
A nouveau, je hausse les épaules et me remet à frapper dans le sac. Mes coups se font plus rapidement, plus fort. Je commence à avoir chaud et la sueur sur mon front plaque quelques mèches de mes cheveux en bataille. Mes émotions passent dans chacune de mes frappes. Si je ne voulais plus penser à mon assistante, c'est loupé.
— Zoé s'est chargée du dossier de ce week-end, c'est tout.
— Zoé ?
— Oui, mon assistante juridique. Tu fais exprès de ne rien comprendre ou quelqu'un t'a frappé sur la tête lors de ta dernière leçon ?
Je continue ma séance, sentant peu à peu les effets du sport me faire décompresser. J'avais oublié le bien que me fait un cours de boxe. Mais elles sont encore meilleures les jours où Luke n'est pas sur mon dos.
— Je crois que je vais faire un AVC, Lorenzo.
— Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ?
— Je crois surtout que cette Zoé est une magicienne. J'aimerais bien la rencontrer.
Je jette un regard noir dans sa direction. S'il y a bien quelque chose que je veux éviter c'est que ma vie personnelle et professionnelle ne soit encore plus mélangée que ce qu'elle ne l'est déjà.
— Pour que tu la charmes et qu'après elle ait la tête ailleurs au travail ? Non merci, j'ai besoin d'elle pour rédiger mes dossiers.
Avec Luke, mieux vaut être clair et précis dans ses propos. Il a facilement tendance à remanier les mots qu'il entend pour en faire ses propres phrases.
— Pour t'assister.
Sa voix pleine de sous-entendus me fait secouer la tête. Ce mec est irrattrapable et pourtant, pour rien au monde je l'échangerais contre un autre.
Nous continuons la séance pendant encore une bonne heure. Je suis fatigué mais cette fois, c'est une bonne fatigue. Ce n'est pas un épuisement psychologique total.
— Il y a intérêt que j'ai un peu plus de tes nouvelles, vu que ta Zoé s'occupe de tout.
— C'est mon assistante juridique, pas ma Zoé. Je savais que tu étais un peu limité intellectuellement mais à ce point.
Luke rit de bon cœur et ne se formalise pas de ma répartie. Il s'est très bien qu'il m'a cherché.
Sur le chemin du retour, je consulte mon téléphone. Aucune nouvelle de Megan et mon message pour Zoé traîne encore dans mes brouillons. Je cesse de réfléchir et l'envoi.
" Bonjour Zoé, j'espère que vous allez bien.
Êtes-vous parvenue à terminer le compte rendu ou
avez-vous besoin de réponses à certaines questions ? "
Au fond de moi, je suis convaincu qu'elle peut y parvenir seule mais j'ai encore dû mal à déléguer et à ne pas avoir la main sur tout.
Sa réponse ne tarde pas à me parvenir.
" Bonjour Enzo, je viens de terminer le
compte rendu. Je vous en parlerai lundi matin.
Week-end = on ne parle pas de boulot. "
Sa réponse me fait sourire. La spontanéité de Zoé est rafraîchissante si bien que pour une fois, je n'ai pas l'impression d'être le patron de quelqu'un. Alors que pourtant, c'est le cas.
Une fois de plus, elle a raison, je dois profiter de mon week-end pour ne pas parler de boulot.
" Il n'y a pas de repos pour les
dirigeants, Mme Slander. "
" Vous êtes un homme comme
un autre, M. Henderson. "
J'ignore pourquoi j'ai continué de répondre mais je crois n'avoir jamais passé autant de temps sur mon téléphone à simplement envoyer des messages.
Et je dois avouer que c'est plutôt agréable d'avoir un semblant de vie en dehors du travail.
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L'avocat de Seattle
RomanceLe jeune et réputé avocat Henderson est à la tête du plus grand cabinet américain. Sa vie est rythmée par les rendez-vous d'affaires, les piles de dossiers qui dépassent de son bureau et les soirées à rallonge dans sa deuxième maison, son cabinet. E...