Chapitre 34

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Hugo

La visite de Gabin m'a remué. Je m'étais habitué à mon semi-état de torpeur. Ces derniers jours, je me suis contenté de faire mon boulot et de scroller sur mon téléphone, enfermé dans la chambre d'ami d'Antoine et Sandra, les évitant eux aussi. Mais Gabin vient de faire péter cette bulle de mélancolie et de tristesse qui se transformait quelques fois en boule de rage et de détresse. Une larme esseulée coule sur ma joue. Je l'essuie rageusement de m'être fait avoir si facilement. Il m'a retourné. Je ne l'ai jamais vu si affecté au sujet de quelque chose, lui qui prend toujours tout à la légère. Pour une fois, il n'a rien tourné à la dérision. Il semblait vraiment désespéré de cette situation, mais comment le croire ? Comment lui refaire confiance ?

On frappe à la porte, je me tends aussitôt, craignant qu'il s'agisse encore de Gabin. Je ne vais pas pouvoir supporter une deuxième confrontation. La porte s'ouvre sur Antoine alors que je m'assieds sur le lit.

— Avant que tu ne dises quoique ce soit, c'est chez moi et j'invite qui je veux. Donc tu n'as pas à m'en vouloir de l'avoir laissé entrer.

— Je t'en veux pas.

Il souffle de soulagement et vient s'asseoir sur le pied du lit près de moi.

— Vu la tête qu'il faisait en repartant, j'en déduis que ça ne s'est pas arrangé entre vous. Il ne s'est pas excusé ?

— Des centaines de fois.

— C'est pas assez ?

— Ça ne marche pas comme ça.

— Il me semblait que si pourtant. Tu fais une connerie, tu t'excuses, puis tu essayes de recoller les morceaux. C'est comme ça que ça se passe pour ceux qui veulent se donner la peine, enfin seulement si on pense que l'autre en vaut le coup.

Je secoue la tête en reniflant.

— Ça va être de ma faute maintenant.

— J'ai pas dit ça. Mais OK, il a fait une connerie et je crois qu'il a compris. Mais je pense que si t'es prêt à l'aider pour ses histoires de jeux, il est prêt à être aidé. Il n'avait peut-être pas eu le déclic avant.

— Qu'est-ce qui me dit qu'il ne recommencera pas à me mentir ?

— Rien du tout. C'est juste à toi de savoir si tu l'aimes assez pour lui laisser une chance...

***

J'ai pris le temps d'encaisser les mots d'Antoine et de me remettre en question. J'ai refait des recherches sur le net sur les addictions aux jeux. J'ai passé la nuit à lire des articles, à me renseigner sur le processus de traitement de cette addiction. Et j'ai compris qu'on aurait beau vouloir aider les autres, si les joueurs n'ont pas reconnu qu'ils avaient un problème, ils ne pourraient pas s'en sortir. Est-ce que Gabin est prêt maintenant ?

J'ai passé la journée du dimanche à me demander ce que je voulais vraiment, passer des semaines à me morfondre, à chercher de l'air, ou lui laisser une chance de me prouver qu'une confiance, ça peut se racheter.

Après deux jours de réflexion, j'ai attrapé mon sac et j'ai remercié Antoine et Sandra, qui m'ont conforté dans ma décision.

Je suis dans le bus pour rentrer à l'appart, une boule d'angoisse au creux de l'estomac et, en même temps, je sens que j'arrive à nouveau à respirer.

J'imagine déjà différents scénarios où je lui demande s'il a toujours envie que je le soutienne et où il se jette dans mes bras. Ou alors, je lui demande de m'excuser d'avoir pris tant de temps à comprendre que c'était lui le plus important et il me tombe dans les bras ou encore où je n'ai même pas besoin de parler, un seul regard et il court dans mes bras, on s'étreint à nous couper le souffle, on se dévore et on s'aime.

Mais aucun scénario n'arrive à la hauteur de la réalité.

Quand j'entre dans l'appart, je dépose mon sac et ma sacoche de pc dans l'entrée. Je retrouve mes gestes familiers. Je me défais de ma veste, remets mes clés dans la poche de celle-ci et vais jusqu'à la cuisine. Juste ces quelques gestes suffisent à me sentir chez moi. C'est dingue que j'aie pu croire que loin d'ici, loin de lui, je pouvais m'en sortir. J'ai besoin de lui, de son univers.

Je tends l'oreille, mais il n'y a aucun bruit. Je pousse la porte de ma chambre qui est vide. Je retourne dans le salon et c'est là que je me rends compte que quelque chose ne va pas. Une veste sur le dossier du canapé. Des baskets sur le tapis du salon. Un t-shirt jeté au sol. Mon cerveau n'a pas le temps de réaliser que j'entends la porte de sa chambre s'ouvrir et des rires en sorte, avant que je n'aperçoive le pire : Ethan descend les marches, torse nu. Il s'arrête un quart de seconde en me voyant avant de reprendre sa descente, un sourire victorieux sur les lèvres.

Je reste figé au milieu de la pièce. J'entends la voix de Gabin, mais je suis incapable de comprendre ce qu'il dit. Il rit et il apparaît à son tour dans les marches, un large sourire aux lèvres. Il est en train de reboutonner son jean, torse nu lui aussi, et mon cœur tombe en miette à mes pieds.

Comme Ethan il y a quelques secondes, il se fige en me voyant, à la différence près qu'il n'y a aucun sourire qui orne ses lèvres désormais.

Je fais un pas en arrière, les poings serrés, alors qu'il descend. J'aimerais être partout ailleurs sauf ici. J'ai juste envie de crever et qu'on arrête de m'arracher le cœur à vif. Mes poumons se vident de leur air. Je n'arrive plus à respirer.

— Hugo...

Sa voix plaintive, désolée, me donne une poussée d'adrénaline qui me fait réagir violemment. De mes mains, je le pousse et je l'invective.

— Je t'ai cru bordel quand tu m'as dit que tu avais besoin de moi ! Et je trouve avec lui !

— Je pensais pas...

— Tu ne pensais pas quoi ? Que j'allais débarquer pendant votre partie de jambes en l'air ? T'as pensais que tu pourrais encore me cacher ça ? Continuer à me mentir ?

— Ce n'est pas ce que tu crois, insiste-t-il en tendant une main vers moi.

Je l'écarte sans ménagement.

— Ce n'est pas ce que je crois ? Ose me dire en me regardant droit dans les yeux qu'il ne s'est rien passé !

Mon regard passe avec dédain sur son torse nu. Il reste muet et pour une fois j'aurais aimé qu'il me mente.

— Qu'est-ce qu'il y a ? C'est devenu compliqué de mentir tout à coup ? Ou je t'ai pas laissé assez de temps pour m'inventer une histoire dans laquelle j'aurais plongé comme un con. Je voulais tellement y croire...

Ma voix se brise sur cesderniers mots et je fais volte-face pour ne pas lui laisser l'opportunité devoir le mal qu'il me fait, à quel point il me touche. Pour ne pas le laisservoir mes larmes de rage, de tristesse que je suis incapable de retenir. Je mepresse pour quitter cet appartement où je n'aurais jamais dû revenir. 

Séduction sous contrat MxMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant