Chapitre 24: Ray-ra bien qui rira le dernier

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Une nuit noire s'abattu sur le manoir situé dans la région de Brières. L'ambiance festive de la journée dans le grand jardin laissa place à une certaine langueur latente, qui était clairement ressentie dans l'air par tout les convives.

Adèle semblait s'être disputée avec ses parents, car elle affichait une mine encore plus sombre qu'à l'ordinaire. Félice ne l'avait pas tout de suite remarqué, car elle avait été happée par Amande qui s'extasiait des plantes carnivores dans le jardin tenu par Perséphone.

- Qu'elles sont grandes, dites ! Elles pourraient me dévorer un bras tout entier.

- Vous devriez essayer de leur donner un chat, déclara le charismatique Dracula en passant sa main pâle dans ses cheveux. C'est très amusant à voir.

- J'aimerais ! Félice, viens donc m'aider !

La rousse avait réprimé son envie de vomir et hocher la tête, attirant puis enchainant un pauvre chat errant. Il avait sur le pelage des taches de couleurs, et un museau couverts de petites cicatrices, renforçant la compassion que la magicienne avait pour elle. En déglutissant, elle regarda tout le monde se regrouper autour de la plante qui entreprenait de mâcher goulûment l'animal mort.

- Formidable, extraordinaire ! Perséphone est une excellente jardinière, déclara Amande avec grande satisfaction.

Ou une sacrée psychopathe, pensa Félice en s'éclipsant pour reprendre ses esprits et essayer d'effacer ces images de sa tête. Elle s'assit sur le même banc où elle avait trouvé Mia pleurant, quelques temps plus tôt. Touchant sous ses doigts le bois miteux et encore humide par l'air ambiant, elle regarda de loin la forêt s'agiter, se délier sous l'effet du vent.

Son regard passa sur le ciel nuageux, ses yeux s'attardant sur une forme connue dans un cumulus, elle respira profondément. Combien de temps la douce magicienne passa sur ce banc, il était impossible de savoir. Mais au bout d'un moment, coupée dans ses rêveries par l'arrivée de Ray en armure.

Celui-ci s'approcha en ripant sur des cailloux, et d'autres. Trébuchant sur les rondins qui soutenaient le banc, il s'assit lourdement à côté d'elle.

- Alors, euh, Félix... Fé... Faignasse ? Fentanyl ?

- Félice, dit elle avec un léger soupir, agacée d'être tirée de ses pensées. Bien le bonjour, chevalier.

- Haha ! On dirait que vous allez me donner une quête secondaire.

- Pardon ? dit Félice, ne comprenant pas la teneur de ses propos.

Il se gratta les cheveux en la regardant, hésitant à demander si ce "pardon" avait été formulé avec ennui ou colère.

- Excusez-moi. Je suis un peu fatiguée, se reprit-elle. Vous allez bien ?

- Magnifique ! Enfin, on ne m'a peut-être pas assez remercié d'avoir sauvé d'une mort certaine ma chère Perséphone, des griffes affreuses de cette Lupa, mais...

- Vous plaisantez ? Elisabeth vous a même offert un bouquet de roses dévoreuses.

- Oui...

Il sembla mal à l'aise et rit légèrement, avant de déclarer:

- Vous qui êtes comme moi, vous devez bien vous rendre compte que le simple fait de les prendre en main m'aurait valu quelques doigts de moins.

- Ce n'est pas faux. Vous êtes le seul humain à habiter parmis nous.

- Oui, et ce n'est pas facile, avoua-t-il après un temps de réflexion. Vous avez tous vos propres références, clans, pouvoirs magiques... 

- Vous avez dû vous sentir impuissant face à Lupa, le soir de la pleine lune, songea Félice à voix haute.

- Pas du tout ! dit il initialement d'un ton agressif. Enfin... Oui. Vous avez raison, je n'ai pas su quoi faire. 

- En fait, vous avez peur !

- Oui ! J'ai peur que ma belle Perséphone ne se fasse encore attaquer par cet affreux loup.

- Ca n'arrivera pas, marmonna Félice en faisant tournicoter autour de son pouce une mèche de ses cheveux roux. 

- Elle est si fragile, si belle, si innocente ! Il faut que je préserve ma douce de ce monstre !

- Ah bon ? dit la magicienne en réprimant une envie de rire amère.

- Enfin, j'imagine que Luna...

- Lupa.

- Lupa est votre amie, alors je ne devrais pas dire ça.

- Non, en effet. Mais ce n'est pas à cause de mon amitié avec elle que je vous déconseille de dire de telles choses. Bien que je ne la connaisse pas beaucoup, il me semble que Perséphone n'apprécierait pas d'être infantilisée de la sorte.

- Oh... Vous avez raison ! Nous devrions agir comme un couple adulte lambda à partir de maintenant !

- Quoi ? balbutia la magicienne d'un air perdu.

- Ne bougez pas, je vais lui en faire part tout de suite !

- Euh, non ! Restez et expliquez moi, dit Félice, craignant de voir Ray arriver dans la pièce où Lupa et Perséphone "dormaient".

- Je vais la faire dormir dans ma chambre, s'asseoir à côté de moi à table, je vais lui faire de belles déclarations... C'est ainsi qu'un homme devrait se comporter, n'est-ce pas ?

- Euh, oui ?

- Parfait ! 

- Qu'est-ce qui est parfait ? demanda une voix grave et rauque juste au-dessus du banc où les deux étaient assis.

Ils sursautèrent, Félice levant la tête pour voir Lupa penchée sur elle, aussi imposante que d'habitude. La vue des yeux jaunes vifs, fendus en deux, et les cheveux qui tombaient de son front sur les deux personnes assises la fit sursauter.

- Mon couple ! dit Ray d'un ton suffisant, remis de sa frayeur. 

- Quel couple ? répliqua la loup-garou avec froideur.

Leurs regards brûlaient de rivalité, Ray croisant ses bras maigrichons par rapport au diamètre de ceux de Lupa.

- Perséphone et moi ! 

- M'fait pas rire. Tu l'as payée combien pour qu'elle accepte ?

- Rien du tout ! Et, jeune femme, vous devriez faire pareil avec cette pauvre Adèle ! Allez donc la voir, elle qui se lamentait de pas vous voir.

- Pourquoi vous prenez pas Adèle, hein ? demanda Lupa avec mauvaise humeur.

- Excusez-moi, mais c'est votre fiancée, répliqua Ray en se levant. Et maintenant, je vais aller voir la mienne. 

Il la poussa en passant, bravement.

Excusez-moi, c'est ma fiancée ! [GxG]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant