Adèle regarda Lupa d'un air interdit, sortant de la pièce d'un pas mesuré. Les lèvres pincées, l'oeil noir, elle traversa le couloir à son bras sans rien dire. Les yeux de Lupa brillaient dans la pénombre, jaunes, mystérieux. Mais c'était les larmes au coin de ses paupières qui faisaient ressortir la lumière de dehors. Adèle lui demanda doucement:
- Tout va bien ?
- Ouais, grogna Lupa en essuyant ses yeux, dardant son regard inquiétant sur elle.
Adèle se tut, impressionné par sa prestance et son air peu content.
- Il la touche, c'est juste pour ça.
- Je n'avais même pas vu. Mais Perséphone avait peut-être engagé le mouvem-
- Non, coupa Lupa.
La vampire poussa un léger soupir, s'adossant à une fenêtre en mordillant sa lèvre colorée de noir:
- On va jouer à ce jeu-là ?
Lupa ne la regarda pas, inspectant ses ongles courts, puis la porte entrouverte donnant sur les silhouettes de Perséphone et de Ray. À la lumière se reflétaient les cheveux blonds comme les blés de la vampirette à la taille de guêpe. Cela eut pour effet de serrer le coeur de la loup-garou qui déglutit:
- Ouais. Et même plutôt bien. Embrasse moi.
Adèle ne se fit pas prier pour déposer sur ses lèvres un doux baiser, étouffant par la suite un petit cri en sentant Lupa la plaquer contre le mur pour l'embrasser plus ardemment. Ses mains s'enroulèrent autour de sa nuque où trainaient des mèches de cheveux
Les lèvres d'Adèle avaient le gout de la peau de Perséphone. Lupa y darda sa langue, mais elles avaient déjà le gout amer du regard de celle qu'elle aimait, qui les regardait à travers l'embrasure. La brune la repoussa légèrement, à court de souffle, le regard égaré.
- Je...
Elle ne ressentait rien. Pas ce petit frisson doux dans le bas de l'échine lorsqu'elle attrapait la taille de la sauvage blonde. Pas cette victoire personnelle et cet orgueil de vouloir la posséder, de ne pas y arriver du premier coup comme c'était le cas avec les autres. Pas ce pétillement dans les yeux, signe discret de leur entente commune, pas cette dynamique si précise dans leurs échanges... Adèle n'avait ni la beauté, ni le charme, ni les yeux, ni la peau de Perséphone, et le coeur de Lupa ne pouvait s'y tromper.
Elle n'avait rien ressenti dans ce baiser que l'habituel tiraillement dans son bas ventre, celui qu'elle ressentait pour la plupart des femmes avec qui elle avait du désir. Quelle déception.
Ne pense pas trop, lui avait dit Perséphone un jour. Lupa voulait lui faire payer ses affronts et son comportement hautain ? Elle devrait supporter le corps indésirable de sa soeur pour ce faire. Même si tout ses sens lui hurlaient de lâcher Adèle, de retourner voir Perséphone, de l'embrasser et de tuer Ray, elle se contenta de décoller la noiraude du mur.
Celle-ci respira un grand coup, les mains toujours sur les épaules de la brune, la regardant en analysant ses expressions. Mais elle ne dit rien, malgré l'air indéchiffrable, peut-être déçu sur son visage ?
- Je vais aller me doucher. Seule, précisa-t-elle avec douceur. A tout à l'heure.
- Salut, murmura Lupa, les oreilles baissées en arrière et la queue trainante entre ses jambes, balayant le sol.
Pendant qu'elles parlaient, Ray remarqua le regard fuyant de Perséphone, qui semblait tellement peu concentrée dans le jeu de carte qu'il essayait tant bien que mal d'utiliser avec elle.
Assise en face d'elle, il la regarda. Elle avait posé ses cartes, tapotait nerveusement le bois d'ébène en regardant le couloir du coin de l'oeil. Ray passa plusieurs fois sa main devant son visage en disant d'une voix trainante:
- Youhouuuu... Y'a quelqu'un là-dedans, ma mie, ou faut-il que je vienne vous réveiller avec mon baiser de prince charmant ?
Y voyant là une excellente occasion de l'embrasser, il se relevait, lèvres tendue, à la manière d'une mouche attirée par de la confiture, la blonde le regardant finalement.
- Oui ?
Déçu, il se rassit et croisa les bras, un sourcil levé, d'un air légèrement revêche.
- Je me doute que vous devez être énervée du comportement grossier de cette affreuse Lupa.
- Mmh ? Oui, marmonna la timide vampire en baissant les yeux, évitant de trahir un certain dédain dans sa belle prunelle.
- Je met mes mains où je veux ! N'est-ce pas, ma chérie ?
Alors qu'elle passait un doigt sur ses lèvres, vérifiant qu'une moue de dégout ne s'y était pas imprimée sans qu'elle ne fasse exprès, elle fit un vague signe de tête, pensant aux deux silhouettes dans le couloir, collées au mur. Le dégout s'intensifia, les imaginant s'embrasser, se toucher...
- Qui ne dit rien consent ! Vous dormirez dans ma chambre ce soir !! déclara-t-il d'un ton autoritaire.
Le regard de Perséphone flamboya soudain, habituellement éteint par son embarras chronique.
- Q-quoi ?
- Bien sûr ! Nous allons accomplir notre devoir conjugal.
- Vous plaisantez j'espère ! répondit elle avec une mine révoltée.
- Pourquoi donc ? demanda Ray, ses yeux prenant une teinte glaçante, son visage se défaisant de toute commodité.
Perséphone déglutit devant l'air menaçant de son fiancée, et répondit en marmonnant:
- Nous ne sommes pas mariés... Il ne faut pas, pas avant le mariage.
- Oh ! Pardon, j'ai cru... Vous avez raison, après tout. Une fille de bonne famille telle que vous ne se laisse pénétrer que par la grandeur de son nom, après tout.
Perséphone le regarda, abrutie par sa bêtise. Lupa est donc la grandeur de mon nom, intéressant. Elle réprima un rire qui sonna longuement dans sa tête, résonnant comme un gong lugubre.
- Mais vous dormirez dans ma chambre ce soir.
Perséphone fit non de la tête. Ce soir, elle voulait voir Lupa. La raison numéro 1 était qu'elle voulait lui faire payer pour ses affronts, payer pour se comporter ainsi devant sa personne, et que désormais Perséphone passerait ses humeurs sur elle, dans la violence s'il le fallait. La raison numéro 2, l'inavouable, était que Lupa lui manquait horriblement, depuis qu'elles s'étaient disputées.
- Vous n'avez pas de lit double, je suis désolée, déclara-t-elle avec un faux air déçu.
- Vous pouvez dormir avec moi dans mon lit simple...
- Je vous en prie, dit elle en levant les yeux au ciel.
Elle se leva avec grâce, ne lui accordant pas plus son regard fatal. Enfin, cette conversation était terminée. Avec l'angoisse d'un chien errant qui voit partir son maitre, elle regarda le couloir. Il était désert, désormais. Dans le pire des cas, Lupa en avait profité pour accomplir pleinement son adultère dans la chambre d'Adèle, mais dans le meilleur elle était seule.
Sa longue robe frôlant le sol, elle sortit de la pièce sans plus de paroles, poings serrés, prête à vomir sa lave sur celle qui la faisait brûler de jalousie.
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Excusez-moi, c'est ma fiancée ! [GxG]
Romance*Tu faisais la fière, tu paradais avec des femmes comme trophées. Je n'aime pas l'arrogance. Et tu n'aimes pas qu'une femme le soit plus que toi. Tu les veux en laisse, n'est-ce pas, puppy ? Mais tu sais bien que moi je serais indomptable. Tu veux q...