Chapitre 28: Le coeur a ses raisons que la raison ignore

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Félice trébucha alors que la pointe de ses talons touchait les graviers de la cour. Stupides chaussures. Elle les affectionnait beaucoup, pourtant. Elles étaient d'un violet profond, avec des talons hauts sans pourtant être désagréables. Mais impossible de marcher sur des petits cailloux avec. 

Un grognement de frustration passa la barrière de ses lèvres alors qu'elle se baissait pour les enlever, frissonnant en étant pieds nus dans le jardin qui arborait ses fraicheurs nocturnes, éclairé par un fin croissant de lune. En se relevant, elle eut une soudaine envie de pleurer, voyant le monde tourner autour d'elle. 

Lupa avait raison sur beaucoup de points la concernant, elle qui s'acharnait à tenir la vérité au bout de son poing. Elle était lâche de ne pas avoir révélé plus tôt à Mia que son coeur résonnait en rythme avec le sien. Qu'elle n'avait d'yeux que pour sa beauté, que chacun de ses soupirs lui étaient destinés !

Mais dans un autre sens, c'était elle qui était en droit de ne pas révéler ses ardeurs. Mia sortait d'une relation compliquée, ne devait certainement pas avoir le moral, et Félice ne devait pas courtiser une femme en présence de son ancienne soupirante. La magicienne n'aurait pas osé, de plus, tout les regards étaient en permanence posés sur elles. Elle n'avait pas besoin d'être une bête de foire, un argument à tirer lors des disputes endiablées !

- Qu'est-ce que j'ai fais ? demanda-t-elle amèrement à une rose épanouie sous la lumière de la lune. Je n'ai rien demandé, même pas à tomber amoureuse d'elle. Le coeur a ses raisons que la raison ignore, mais j'aimerais me l'arracher, mon coeur ! 

Elle s'assit lourdement sur une chaise de jardin, ses orteils s'enfonçant dans les galets nerveusement. Elle caressa les pétales de la rose, des larmes s'échappant de ses yeux sans même qu'elle s'en rende compte.

- Je ne veux pas de son coeur, moi. Je ne veux pas de ses lèvres, pas de son coeur. L'aimer ainsi me suffit, je ne voulais pas faire de mal à quiconque.

Elle renifla bruyamment et s'essuya avec sa manche, comme une enfant.

- Je me demande ce que je leur ai fait, à tous. Je souhaitais juste passer de bonnes vacances, être avec mon amie Lupa et sa petite amie. Pourquoi ? Pourquoi le seul baiser que je partagerais avec elle, je ne l'ai pas voulu ?

Elle essuya ses lèvres à répétition avec sa manche, écoeurée.

- J'ai tellement rêvé de ce moment. Il est gâché. Tout est gâché, je suis foutue. Amande va venir me voir pour me parler de ma relation avec Mia, je lui répondrais que nous sommes amies... Ca va jeter un froid, et personne ne me parleras pendant tout le séjour...

Elle tourna ses yeux brouillés de larmes pour voir une ombre se détacher de la lumière de la grande salle, qui répandait un halo blanc au dehors. Elle eut un mouvement de retrait, pensant que c'était Mia.

Mais la silhouette était très fine, ne correspondant pas au physique plus musclé et en chair de Mia, et elle n'avait pas de cheveux bouclés.

Perséphone, essoufflée, vint s'asseoir en face d'elle. Elle parla vite, ne laissant pas une seule seconde à Félice pour s'exprimer.

- Salut Félice. J'ai vu ce qu'il s'est passé tout à l'heure, je voulais te dire quelques trucs. Ce qu'a fait Lupa était extrêmement bête, elle a fait sa Lupa, comme d'habitude, et ça t'es retombé dessus. Je compatis vraiment et si tu veux rester dans ta chambre demain, je ferais en sorte que ça soit possible. Aussi, Mia a agi complètement inconsidérément, elle s'est servie de toi pour se venger de son ex. Ça aussi c'est impardonnable.

Il y eut un blanc, Félice essuya ses yeux avant de regarder ses propres mains, légèrement gênée, mais buvant ses paroles.

- Merci, Perséphone. 

- C'est normal. Mia s'est excusée ? 

- Je ne sais pas où elle est, murmura la rousse en serrant ses mains l'une contre l'autre.

- Tu veux que j'aille la voir ? Je peux aller l'engueuler. On ne peut pas embrasser quelqu'un comme elle l'a fait. Ca va ?

- Oui, ça va.

La magicienne rit légèrement, trouvant adorable l'air sérieux et moralisateur de Perséphone qui fulminait contre la louve.

- Je... J'aurais bien aimé que mon premier baiser avec elle ne se passe pas comme ça, avoua-t-elle simplement.

- Même. Elle n'aurait jamais dû t'embrasser comme ça, dit sévèrement la blonde en posant sa main sur la sienne d'un geste rassurant.

- ... Oui, tu as raison. Mais... Et toi ? Ca va ? Tu as l'air en colère.

Perséphone n'était pas dans son état normal, c'était certain. Elle qui était si réservée, timide, à son habitude, parlait en continu. Son visage était légèrement rouge et ses yeux rougeoyaient. 

- Pas du tout. Je manque de sang, certainement, répondit rapidement Perséphone en pinçant fort la peau de sa main.

- Tu veux que j'appelle Lupa ? demanda Félice d'un ton amical, mais inquiet.

- NON ! Surtout pas, dit elle plus calmement, essayant de maitriser un tsunami d'émotions. Je vais m'en tirer toute seule.

- D'accord... Tu veux que je te laisse ?

- Je vais y aller, déclara Perséphone nerveusement, sa paupière s'agitant. Je voulais juste te dire ça.

- Ça va aller ? demanda doucement la magicienne alors qu'elles se levaient, faisant racler leurs chaises brusquement.

Perséphone hocha légèrement la tête sans rien ajouter, lèvres pincées, et ouvrit les bras pour l'étreindre. Félice l'enveloppa de sa douce chaleur d'humaine, malgré qu'elle soit plus petite que la vampire. L'étreinte dura longtemps, la rousse se demandant pourquoi elles se serraient autant. 

Le corps de Perséphone se secoua d'un sanglot, puis d'un autre. Félice resta silencieuse, caressant son dos, la consolant sans jamais dire un mot. Il semblait que la blonde était si aérienne, si fragile en ce moment-là, qu'une seule parole aurait pu la briser.

- Désolée, dit Perséphone en laissant couler de ses yeux de nouvelles larmes silencieuses. Je pensais être plus forte que ça, je pensais avoir pris du recul, mais m'être fiancée avec lui n'a pas servi à grand-chose. Je n'arrive pas à me défaire de ces sentiments, j'ai l'impression de ne pas être assez courageuse.

Félice l'étreignit à nouveau, la blonde essuyant ses larmes du bout du pouce.

- Je... Merci, Félice. Je vais y aller maintenant. 

- À plus tard, alors.

- À demain.

Excusez-moi, c'est ma fiancée ! [GxG]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant