Chapitre 2: Ses Amours déterrés

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Perséphone était si fatiguée qu'elle n'avait même pas regardé le nom de l'enseigne du bar dans lequel elle était rentrée, ce soir-là. L'état comateux dans lequel elle était habituellement ne l'avait pas quitté. Sans regarder la serveuse, elle commanda une assiette de pomme de terre froides. 

L'échoppe était plongé dans une douce pénombre, les lampes suspendues diffusant une lueur ambrée tamisée. Une musique de jazz jouait en arrière-plan, le rythme langoureux enveloppant l'atmosphère d'un charme désuet. Perséphone, vêtue d'une robe noire élégante qui lui moulait parfaitement la silhouette, sirotait un verre de vin rouge à une table près du comptoir.

Elle avait rabattu sa capuche sur son visage, ne croisa le regard de personne. 

Son esprit vagabondait, perdu dans ses pensées, quand une voix familière perça le brouillard de ses souvenirs.

- Perséphone de Brières... Toujours aussi magnifique, à ce que je vois.

Elle se raidit, son verre s'arrêtant à mi-chemin de ses lèvres. Elle tourna la tête lentement, ses yeux bleus rencontrant ceux d'un homme qu'elle n'avait pas vu depuis des décennies. Il était grand, avec des traits ciselés et des cheveux d'un blond presque blanc. Sa barbe rousse soigneusement entretenue encadrait un sourire en coin, à la fois confiant et nostalgique.

- Isaac, murmura-t-elle, sa voix trahissant un mélange d'étonnement et de méfiance.

Il s'assit sans y être invité, déposant son propre verre de whisky sur la table. Ses mouvements étaient fluides, empreints d'une aisance naturelle qui lui donnait un air presque princier.

- Je savais pas que tu aimais ce genre de bars. Toujours aussi gracieuse. Tu n'as pas changé.

Perséphone haussa un sourcil, feignant une indifférence qu'elle ne ressentait pas.

- Toi non plus, à ce que je vois. Toujours cette habitude agaçante de t'asseoir sans permission.

- Et toi, toujours cette façon de piquer comme un serpent, répondit-il avec un rire chaleureux. C'est bon de te revoir.

Elle le scruta en silence. Il avait vieilli, mais le temps semblait avoir travaillé en sa faveur. Ses cheveux, désormais parsemés de mèches argentées, lui donnaient un air distingué, et son regard gris profond brillait encore de cette lueur malicieuse qui avait autrefois fait battre son cœur.

- Je suis surprise de te voir ici, dit-elle enfin, jouant distraitement avec le pied de son verre.

- C'est moi qui suit surpris de te voir. Je croyais que la sainte Perséphone ne sortait pas de son grand manoir pour aller voir le monde extérieur.

Elle esquissa un sourire amer.

- J'aurais préféré rester chez moi. Et toi ? As-tu trouvé ce que tu cherchais ?

Il la regarda longuement, son sourire s'adoucissant.

- J'ai trouvé beaucoup de choses. Mais il y en a certaines que j'ai laissées derrière... Et que je regrette encore.

Son cœur manqua un battement, mais elle n'en laissa rien paraître. Elle porta son verre à ses lèvres, cherchant refuge dans le goût riche du vin.

- Tu regrettes, vraiment ? demanda-t-elle avec un brin de sarcasme.

Il se pencha légèrement en avant, ses coudes sur la table, et son ton devint sérieux.

- Oui. Je n'ai jamais cessé de penser à toi, Perséphone. À ce qu'on avait. Ce qu'on était.

Elle détourna les yeux, sentant une chaleur familière monter en elle.

Excusez-moi, c'est ma fiancée ! [GxG]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant