☇ 𝟎𝟐

531 32 8
                                    

Théodora parcourait les pièces de la maison à la recherche de sa meilleure amie, Eleanor. La fête battait son plein, mais quelque chose clochait. Elle n'avait pas vu Eleanor depuis un long moment, et l'inquiétude commençait à la gagner. Elle vérifia chaque recoin, scrutant les visages connus de ses camarades de classe, mais en vain. Eleanor avait disparu, et avec elle, cette légèreté que la soirée lui procurait s'était envolée.

Le poids de la culpabilité se fit soudain plus lourd sur ses épaules. Ses parents, si confiants, la croyaient probablement en train d'étudier tranquillement dans sa chambre. Au lieu de ça, elle s'était faufilée en douce, mentant pour la première fois de manière aussi flagrante. Théodora sentit son estomac se nouer, et sans trop réfléchir, elle attrapa sa veste et décida de quitter la fête. Elle devait rentrer. Ils lui faisaient confiance, et elle avait trahi cette confiance.

Elle jeta un dernier coup d'œil à la foule de danseurs et de fêtards avant de s'éclipser par la porte arrière. L'air frais de la nuit la frappa immédiatement, lui rappelant à quel point elle avait chaud dans cette maison bondée. Elle resserra son blouson autour d'elle et commença à marcher. Pourtant, au lieu de prendre la route principale, la peur de croiser des connaissances, ou pire, des adultes, la poussa à chercher une autre issue.

Ses pas l'entraînèrent instinctivement vers la forêt, une échappatoire familière. Elle avait toujours aimé cet endroit, ses sentiers secrets, la tranquillité des arbres autour d'elle. Ce soir, la forêt lui semblait être le meilleur moyen de rentrer sans être vue. Mais à peine eut-elle pénétré sous la voûte des branches qu'elle se rendit compte de son erreur. L'obscurité y était bien plus dense que prévu. Les arbres tordus par les ombres projetées par la faible lumière de la lune l'enveloppaient.

Elle soupira, se maudissant d'avoir pris cette décision précipitée. « Ce n'est pas si loin, je peux m'y retrouver », se murmura-t-elle pour se rassurer. Pourtant, au fur et à mesure qu'elle s'enfonçait dans les bois, elle commençait à perdre ses repères.

Le crépuscule tombait lentement sur la forêt. L'air frais de la nuit envahissait déjà les sentiers, faisant frissonner Théodora qui tentait de se réchauffer en remontant le col de sa veste. Elle avait toujours aimé se promener ici à cette heure, lorsque les bruits de la civilisation disparaissaient pour laisser place aux murmures de la nature. Mais ce soir-là, quelque chose dans l'atmosphère lui paraissait étrange. Une tension sourde s'était installée, un silence pesant que même le bruissement des feuilles ne parvenait à percer. La forêt de Forks n'était jamais silencieuse. Même à cette heure, on entendait normalement le chant des oiseaux nocturnes, les bruissements des feuilles sous le vent, ou parfois le cri lointain d'un hibou. Mais là, rien. Juste un silence étouffant. Ce détail avait d'abord échappé à Théodora, mais en avançant un peu plus profondément dans la forêt, il lui sauta soudain aux oreilles. Elle s'arrêta, perplexe, son cœur battant plus fort. Pourquoi un tel calme ? Où étaient passés les bruits familiers de la forêt ?

Une vague d'inquiétude la traversa, mais elle la repoussa d'un geste de la main, se forçant à avancer. Après tout, elle s'était déjà promenée ici des dizaines de fois. Rien de ce qu'elle ne connaissait était différent, si ce n'était cette impression sourde qu'il se passait quelque chose qu'elle ne pouvait pas saisir. Un murmure du vent, peut-être, ou simplement la fatigue après une longue journée. Mais alors qu'elle continuait son chemin, son instinct lui hurlait de faire demi-tour.

Elle serra les poings, tentant de calmer sa respiration. C'était ridicule. Ce n'était qu'une forêt. Rien de dangereux ne se cachait dans les bois de Forks. Elle fronça les sourcils, réprimant un frisson qui parcourait son échine. Puis, elle l'entendit. Ce bruit distinct. Un craquement, à quelques mètres seulement, comme si quelqu'un, ou quelque chose, venait de marcher sur une branche. Son cœur se mit à battre plus fort. Ce n'était probablement qu'un cerf ou un autre animal sauvage, se dit-elle. Mais une part d'elle ne pouvait s'empêcher d'être sur ses gardes.

Théodora se figea. Son cœur accéléra immédiatement. Le vent soulevait légèrement les branches, mais ce n'était pas ce qui l'avait alertée. Ce qu'elle avait entendu était plus lourd, plus proche, comme un souffle rugueux mêlé à un déplacement rapide. Elle inspira profondément, ses pieds cloués au sol par une peur instinctive. Elle s'efforça de rationaliser. Ce n'était qu'un animal, probablement un cerf ou un renard. Après tout, la forêt était leur domaine bien plus que le sien.

Elle tourna légèrement la tête et plissa les yeux pour mieux voir à travers l'obscurité grandissante. Là, entre les arbres, elle aperçut une silhouette furtive. Quelqu'un ou quelque chose se mouvait avec une rapidité effrayante.

Elle s'immobilisa, retenant son souffle, et scruta la scène. Ce qu'elle vit la figea sur place.

Une grande forme humanoïde, trop grande pour être un homme, trop rapide pour être quelque chose de naturel, s'était abattue sur un cerf qui paissait tranquillement non loin. Ses mouvements étaient à peine perceptibles tant ils étaient rapides et précis. En un éclair, le cerf fut plaqué au sol, ses pattes se débattant brièvement avant de s'immobiliser complètement. L'animal n'avait eu aucune chance. C'était une vision surréaliste. Théodora se pinça légèrement le bras, espérant que cette scène cauchemardesque allait s'évanouir comme un mauvais rêve. Mais elle était bien éveillée. Ce n'est pas possible... pensa-t-elle en clignant des yeux, comme pour se prouver qu'elle ne voyait pas ce qu'elle croyait voir.

Elle tenta de calmer les battements de son cœur, mais c'était impossible. Ce qu'elle venait de voir n'avait rien de rationnel, rien d'explicable. Un humain ? Non, cela ne pouvait pas être un homme. Pas avec une telle rapidité, une telle violence.

Théodora aperçut un visage, ou du moins ce qui lui semblait être un visage, mais ce qui attira immédiatement son attention fut l'éclat des yeux, d'un doré presque incandescent. La créature, car c'est ainsi qu'elle commençait à la percevoir, se pencha sur le cou du cerf avec une agilité surnaturelle. Avant qu'elle ne puisse réellement comprendre ce qu'elle regardait, un bruit distinct s'éleva dans l'air - un bruit de succion. Elle aurait voulu détourner le regard, mais la scène la fascinait autant qu'elle la terrifiait. Elle vit le sang couler, rouge et vif sous la lumière diffuse du crépuscule. Une nausée soudaine la prit à la gorge. Elle porta une main tremblante à sa bouche, refusant de croire à ce qu'elle voyait. Non... Non, c'est impossible...

Ses pensées tourbillonnaient, cherchant désespérément une explication logique. Ce n'était pas humain. Cela ne pouvait pas l'être. Pourtant, la créature avait une forme humaine. Mais aucun humain ne pouvait se mouvoir ainsi, et surtout, aucun être humain ne pouvait boire le sang d'un animal de cette manière. Peut-être une hallucination ? Oui, c'était ça. Elle était fatiguée, son imagination lui jouait des tours. Peut-être qu'elle avait mal vu. Oui, cela devait être ça. Mais son esprit refusait de coopérer. Ce qu'elle voyait sous ses yeux était bien trop réel pour être une simple illusion. L'odeur du sang frais, l'éclat doré des yeux de la créature, les bruissements légers de ses vêtements dans le vent... Tout cela était terriblement tangible.

Elle recula lentement, essayant de faire le moins de bruit possible. Sa respiration se faisait plus saccadée et elle sentait les battements de son cœur résonner jusque dans ses tempes. Ses pensées tourbillonnaient. Vampire. Le mot surgit dans son esprit, mais elle le rejeta aussitôt. Les vampires n'existent pas. C'était absurde, des légendes. C'était... impossible.

Mais alors qu'elle observait encore la scène, elle réalisa que ce qu'elle considérait comme impossible se déroulait sous ses yeux. La créature releva légèrement la tête, son visage encore baigné dans le sang. Son expression était indéchiffrable, mais Théodora pouvait sentir la puissance émaner de cette chose. Ses doigts se resserrèrent sur la peau de l'animal, les muscles de son bras se contractant avec une force inhumaine.

Elle voulut crier, mais aucun son ne sortit de sa gorge. Elle était clouée sur place, comme paralysée par la peur. Ses jambes refusaient de lui obéir. Elle devait s'enfuir, mais son corps ne bougeait pas. Elle sentit son cœur battre contre ses côtes avec une violence désespérée.

Et puis, tout s'arrêta. La créature releva la tête, cette fois dans sa direction. Leurs regards se croisèrent.

❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant