☇ 𝟯𝟱

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Les jours qui suivirent, Théodora resta prisonnière de la chambre des soins intensifs. Les murs blancs, le bourdonnement incessant des machines, le parfum d'antiseptique qui imprégnait l'air... Tout cela donnait l'impression d'un endroit hors du temps, figé dans un éternel instant de souffrance. Les tubes qui la reliaient à la vie, les électrodes posées sur sa poitrine fragile, tout semblait être là pour lui rappeler qu'elle n'était plus maîtresse de son propre corps, que chaque battement de son cœur était mesuré, contrôlé, surveillé. Même le simple fait de respirer lui demandait un effort monumental, comme si son corps refusait de lui obéir.

Les visites des Cullen se succédaient, chacun tentant à sa manière de lui apporter un peu de réconfort. Alice restait souvent à ses côtés, ses yeux brillants d'une tristesse qu'elle ne pouvait dissimuler. Rosalie venait, toujours droite et fière, essayant de lui transmettre un peu de sa force. Emmett, maladroit dans son désir de la faire sourire, restait souvent silencieux, de peur de dire quelque chose qui la blesserait encore plus. Esmée, quant à elle, déposait des baisers sur son front, comme une mère veillant sur son enfant blessé, tandis que Carlisle s'efforçait de lui expliquer les progrès qu'elle faisait, les signes encourageants de sa guérison, même si Théodora ne l'entendait pas vraiment.

Sa propre mère passait de longues heures à son chevet, ses mains douces effleurant les cheveux de Théodora, essayant de lui transmettre un peu de chaleur, un peu de cette sécurité maternelle qu'elle avait tant besoin de ressentir. Mais chaque geste, chaque mot murmuré n'était qu'un bruit de fond pour Théodora. Son regard restait fixé sur le plafond blanc, son esprit s'enfonçant de plus en plus profondément dans ce gouffre de douleur et de rage qui la rongeait de l'intérieur. Chaque seconde passée dans ce lit était une torture, un rappel incessant de tout ce qu'elle avait perdu, de tout ce qu'on lui avait arraché.

Le simple fait de fermer les yeux la ramenait à cet instant, ce moment où Maria s'était approchée d'elle, où la douleur avait envahi chaque fibre de son être, brûlant sa chair, réduisant son âme en cendres. Elle revoyait sans cesse ces yeux rouges, ces lèvres tordues en un sourire cruel, et le rire glacial d'Estrella qui résonnait encore dans sa tête. Elle se demandait si la douleur finirait par s'atténuer, si un jour elle parviendrait à oublier, à effacer cette nuit de son esprit. Mais la réponse semblait toujours la même : non, jamais. Cela resterait gravé en elle, comme une brûlure indélébile.

Un jour, alors qu'elle était plongée dans ses pensées, elle sentit le regard insistant d'Alice posé sur elle. Théodora tourna lentement la tête vers elle, la fixant de ses yeux ternes. "Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?" murmura-t-elle, brisant le silence pesant qui régnait dans la pièce. Sa voix était rauque, cassée par l'usage de mots qu'elle n'avait pas prononcés depuis des jours.

Alice esquissa un sourire triste, les larmes brillant dans ses yeux. "Parce que je suis désolée, Théodora. Je suis désolée de n'avoir rien vu, de ne pas avoir pu te protéger."

"Je n'ai pas besoin de ta pitié," répliqua Théodora d'une voix tranchante, son regard se détournant vers le plafond. "Je n'ai besoin de personne." Sa voix était un mélange de rancune et de douleur, un bouclier qu'elle levait pour repousser quiconque tenterait de la consoler. Elle ne voulait pas de leur compassion, de leur tendresse. Elle ne voulait rien de tout cela. Tout ce qu'elle désirait, c'était se libérer de ce poids, de cette rage qui bouillonnait en elle, qui l'étouffait un peu plus à chaque instant.

Les jours continuèrent de s'écouler, lents, interminables, et Théodora s'enfermait de plus en plus dans son propre monde, refusant de parler, de réagir, de montrer le moindre signe de vie. Même les tentatives de sa mère, qui déposait des baisers sur son front en lui murmurant des paroles d'encouragement, ne parvenaient plus à percer cette carapace qu'elle avait érigée autour de son cœur. Elle repensait sans cesse à ce jour fatidique où tout avait basculé, à cette vision de Jasper, penché sur cet animal, buvant son sang. C'était ce moment-là, ce moment précis qui avait changé sa vie, qui l'avait plongée dans ce cauchemar. C'était comme si son existence avait été divisée en deux : avant et après.

❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant