❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )

☇ 𝟯𝟰

Lorsqu'il entra enfin dans la pièce, Jasper ressentit immédiatement l'odeur métallique du sang. C'était comme un coup de poignard qui le fit se tendre, ses sens de vampire exacerbés par cette odeur qu'il connaissait trop bien. Cela le rendait presque malade. Il ferma les yeux un instant, luttant contre ses instincts qu'il tentait désespérément de refouler, le besoin de se détourner de cette chambre où chaque particule d'air semblait chargée de ce parfum qu'il redoutait. Une gifle, brutale, sans pitié. 

L'air était lourd, épais, comme si chaque particule contenait le poids de la douleur accumulée. Une atmosphère suffocante, où même la lumière semblait peser sur ses épaules.

Ses mâchoires se contractèrent, ses poings se serrèrent. L'odeur lui rappelait son passé, la bête qu'il avait toujours combattu pour ne pas être, mais il se força à rester ancré, à ne pas céder à cette tentation insupportable. C'était pour elle qu'il luttait, pour la femme qu'il aimait. Il puisa dans la force que lui donnait l'amour qu'il portait à Théodora. Il ne pouvait pas se permettre de faiblir, pas maintenant.  Pas alors qu'elle avait besoin de lui plus que jamais.

Le temps, figé dans une danse macabre, se tordait autour d'eux, distendu par l'angoisse. Chaque seconde s'étirait en une éternité pesante.

La chambre était plongée dans une semi-obscurité, à peine éclairée par la faible lumière des machines qui bourdonnaient autour du lit de Théodora. Théodora, allongée sur ce lit, semblait si petite, si fragile. La lumière des machines illuminait faiblement son visage, révélant des joues creusées par la douleur, des cernes violettes sous ses yeux fermés, des cheveux éparpillés sur l'oreiller, une peau d'une pâleur inquiétante. Les bandages qui recouvraient ses bras et ses jambes semblaient des rappels muets de tout ce qu'elle avait enduré. Chaque respiration qu'elle prenait paraissait être un effort monumental, chaque mouvement de sa poitrine lui arrachant une grimace silencieuse. Chaque marque, chaque blessure, semblait un coup porté à l'âme de Jasper.

Elle n'était plus qu'une ombre d'elle-même, une fleur brisée par le vent implacable de la douleur. Une silhouette fragile qui flottait entre la vie et l'oubli.

Jasper approcha doucement, comme s'il craignait que le moindre bruit puisse la briser davantage. Ses pas résonnaient sur le sol carrelé, et son regard ne quittait pas le visage de Théodora. Il s'arrêta à quelques centimètres du lit, tendant la main pour effleurer ses doigts, mais il se figea à mi-chemin. Il n'osait pas. Il avait trop peur d'aggraver ses souffrances, trop peur de voir dans ses yeux la haine qu'il ressentait déjà pour lui-même. Sa main tremblante se posa délicatement sur le rebord du lit. 

Sa propre peur était un voile sombre qui s'enroulait autour de lui, un poids invisible mais écrasant. Il était un prisonnier de ses propres regrets.

"Théodora," murmura-t-il, sa voix rauque d'émotion, "je suis là."

Ses paroles semblèrent se dissoudre dans l'air, comme si elles ne pouvaient atteindre la jeune femme. Mais, lentement, elle ouvrit les yeux. Ses iris, d'habitude si pleins de vie, étaient ternes, éteints. Son regard se posa sur lui, le traversant comme s'il n'était qu'une ombre, un spectre du passé. Elle resta silencieuse, les lèvres serrées, refusant de parler. La rancœur était trop vive, l'amertume trop forte. Elle ne voulait pas lui offrir la satisfaction de ses larmes, de ses cris. Elle ne voulait plus lui donner quoi que ce soit.

Le poids de sa trahison, invisible mais palpable, s'écrasait entre eux comme un mur infranchissable, fait de silence et de douleur accumulée.

"C'est de ta faute," murmura-t-elle enfin, chaque mot étant un poignard qu'elle plantait volontairement dans son cœur, lui coupant le souffle. Ses paroles n'étaient pas criées, elles n'étaient pas hurlées. Elles étaient bien pires que cela : un simple constat, un jugement froid et implacable.