☇ 𝟯𝟯

20 2 1
                                    

Théodora fut transférée en soins intensifs, le monde autour d'elle devenant un flot indistinct de lumières clignotantes et de bips réguliers. Les machines bourdonnaient sans relâche, capturant chaque battement irrégulier de son cœur fragile. Chaque bruit résonnait comme un martèlement incessant, un rappel brutal de sa propre fragilité. La vie semblait s'échapper d'elle, goutte à goutte, comme un sablier qui s'écoulait trop vite. Les tubes reliés à son corps, s'enroulant autour de ses bras et de sa poitrine, la maintenaient prisonnière, lui donnant l'impression d'être piégée dans un cauchemar dont elle ne pourrait jamais s'échapper. L'odeur antiseptique du désinfectant et celle métallique du sang séché envahissaient ses narines, lourdes, oppressantes, la ramenant à chaque instant à l'horreur qu'elle avait vécue. Elle avait l'impression que le temps s'étirait autour d'elle, s'arrêtant par moments, la retenant prisonnière dans ce lieu froid et impersonnel.

Ses paupières étaient lourdes, comme si des poids invisibles les maintenaient fermées, mais elle refusait de les laisser tomber. Chaque fois qu'elle cédait à la fatigue, les images de Maria, d'Estrella, et la douleur atroce qui avait traversé son corps revenaient avec une intensité foudroyante, comme des éclairs qui la traversaient de part en part. Son cœur battait si fort que chaque pulsation résonnait dans sa tête, une symphonie discordante qui la plongeait dans un abîme de peur et de désespoir.

La porte de la chambre s'ouvrit doucement, laissant entrer la mère de Théodora, le visage marqué par l'angoisse et l'épuisement. Elle avait passé des heures à attendre, à prier pour que sa fille s'en sorte, et la voir allongée là, entourée de machines, avec des tubes reliés à son corps, raviva en elle une douleur qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant. Ses yeux s'emplirent de larmes lorsqu'elle s'approcha du lit, sa main tremblant légèrement en effleurant la joue de sa fille.

"Mon bébé," murmura-t-elle, sa voix brisée par l'émotion. "J'ai eu si peur..." Chaque mot était un effort, comme si parler la vidait de sa force, chaque regard posé sur les blessures de sa fille était un coup de poignard supplémentaire. Elle resta là un moment, ses doigts caressant doucement les cheveux de Théodora, comme si ce geste pouvait effacer la douleur qu'elle avait subie.

Mais c'était trop. C'était plus qu'elle ne pouvait supporter. Sa respiration se fit plus saccadée, et elle se redressa brusquement, essuyant les larmes qui coulaient sur ses joues. "Beaucoup de monde veut te voir," dit-elle d'une voix rauque, se forçant à sourire malgré la douleur. "Je vais les laisser entrer, d'accord ?" Elle déposa un baiser sur le front de Théodora, et avec une dernière caresse, elle quitta la pièce, ses épaules secouées par des sanglots silencieux. Elle ne voulait pas qu'on la voie ainsi, brisée par la peur d'avoir perdu sa fille.

Le prochain à entrer dans sa chambre fut Carlisle. Sa présence, habituellement rassurante, semblait ce jour-là enveloppée d'une tristesse profonde. Il s'approcha d'elle avec une délicatesse infinie, ses pas silencieux, son regard empli de compassion. Chaque mouvement était mesuré, comme s'il craignait de la briser encore plus. Lorsqu'il effleura son front pour vérifier sa température, Théodora ressentit une vague de chaleur qui contrastait avec la froideur de ses propres mains. "Nous sommes là pour toi," murmura-t-il, sa voix douce cherchant à percer la barrière de terreur qui l'enserrait. Mais les mots ne parvinrent pas à franchir le brouillard de son esprit, se dissolvant avant même d'atteindre sa conscience. Ils étaient comme des gouttes de pluie tombant sur un sol aride, incapables de pénétrer les fissures profondes de sa douleur.

Esmée entra peu de temps après, la gorge nouée par l'émotion. Sans un mot, elle s'approcha du lit. Ses bras se refermèrent autour de Théodora, l'enveloppant dans une étreinte qui se voulait réconfortante, maternelle. Elle la berça doucement, ses mains caressant ses cheveux avec une infinie tendresse. "Tu es en sécurité maintenant," murmura-t-elle, sa voix tremblant sous l'émotion. Mais malgré toute la douceur d'Esmée, Théodora resta figée, incapable de répondre, son regard vide fixé sur un point invisible au plafond, comme si elle cherchait un refuge au-delà de la réalité.

❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant