☇ 𝟮𝟮

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Théodora était assise sur son lit, les genoux repliés contre sa poitrine, ses pensées en désordre. Les rideaux étaient à moitié tirés, laissant la lumière pâle de la lune se refléter sur les murs de sa chambre. Chaque ombre semblait danser et murmurer des inquiétudes, alimentant l'angoisse qu'elle ressentait depuis sa conversation avec Jasper. Cette menace, celle de Maria, planait désormais au-dessus de sa tête, telle une épée prête à tomber. Chaque seconde qui passait alourdissait son cœur un peu plus, la laissant dans un état d'anxiété qu'elle n'arrivait pas à apaiser.

Elle passa machinalement une main dans ses cheveux, essayant de se raccrocher à quelque chose de tangible, de réel. Le monde semblait flou, irréel, comme si tout ce qui l'entourait n'était plus qu'un décor fragile, prêt à s'effondrer à la moindre secousse. Ses doigts étaient glacés, tout comme l'air de sa chambre, mais c'était un froid intérieur, un froid qui s'était installé en elle depuis que Jasper lui avait parlé de Maria.  Un vent de peur soufflait dans son âme, glacé, implacable.

Comment pourrais-je affronter une menace que je ne connais même pas ? pensait-elle. Comment pourrais-je rivaliser avec quelqu'un qui a tant compté pour lui ?  Ces pensées, comme des vagues incessantes, revenaient frapper contre les murailles fragiles de son esprit, érodant peu à peu sa confiance.

Perdue dans ses pensées, elle sursauta légèrement en entendant un léger grattement à sa fenêtre. Levant les yeux, elle aperçut Alice, qui lui fit un signe amical avant d'entrer avec sa grâce habituelle. Le soulagement déferla sur Théodora comme une vague chaude. Sa présence, telle une brise légère, apporta un répit bienvenu dans la tempête intérieure de Théodora. Elle avait besoin de parler, de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. 

"Je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie ce soir," murmura Alice en refermant la fenêtre derrière elle. Ses mouvements étaient fluides, presque irréels, et Théodora ne put s'empêcher de se demander comment Alice parvenait toujours à dégager cette aura de tranquillité.

"Merci," répondit Théodora, la voix légèrement tremblante, son regard baissé vers ses mains jointes. "En fait, j'ai... j'ai vraiment besoin de parler."

Les mots, si longtemps retenus, brûlaient sur ses lèvres, prêts à jaillir comme une rivière trop longtemps contenue.

Alice s'assit en face d'elle, un sourire doux sur les lèvres, et hocha la tête. "Je suis là pour ça. Qu'est-ce qui te tracasse ?" demanda-t-elle d'une voix rassurante.

Théodora prit une profonde inspiration, essayant de mettre de l'ordre dans ses pensées chaotiques. "C'est Maria... Et Jasper," finit-elle par avouer, sa voix à peine un murmure. "Je suis terrifiée à l'idée qu'elle puisse le manipuler à nouveau, qu'elle le fasse retomber dans ses griffes. Qu'elle ravive la flamme entre eux, qu'il se rende compte qu'il l'a toujours aimée." Ses mots s'échappèrent comme un torrent qu'elle ne pouvait plus contenir. "Et s'il réalise que je n'étais qu'une distraction ?"

L'angoisse lui broyait la poitrine, chaque mot qu'elle prononçait semblait faire résonner une cloche funèbre dans son esprit. Le silence qui suivit ses paroles sembla s'étirer à l'infini. Alice tendit doucement la main pour saisir celle de Théodora, ses doigts froids mais réconfortants, la pressant avec une chaleur inattendue. "Jasper t'aime, Théodora," murmura-t-elle avec une conviction qui fit trembler le cœur de Théodora. "Je le sais. Je le vois. Ce qu'il ressent pour toi est bien plus profond que tout ce qu'il a pu vivre avec Maria."

Les paroles d'Alice étaient comme une brise fraîche sur une peau brûlante, apaisantes, mais incapables de dissiper entièrement la chaleur persistante de l'inquiétude.

"Mais... et si elle lui faisait croire le contraire ?" insista Théodora, sa voix vacillante sous le poids de ses peurs. "Elle a ce pouvoir sur lui, n'est-ce pas ? Elle pourrait lui rappeler leur passé, les moments qu'ils ont partagés, et... et je ne serai jamais à la hauteur de ça." Sa gorge se serra à cette pensée, et elle baissa la tête, honteuse de cette vulnérabilité.

Alice resserra sa prise sur la main de Théodora, ses yeux scintillants dans la pénombre de la chambre. "C'est vrai que Maria a eu un pouvoir sur lui autrefois," commença-t-elle doucement. "Elle l'a façonné, manipulé, mais ce n'était pas de l'amour. C'était du contrôle, de la domination. Ce que Jasper ressent pour toi est différent. Avec toi, il est libre. Il est lui-même. Et c'est ce qui le rend tellement effrayant pour lui."

Libre. Ce mot résonna dans l'esprit de Théodora. Avec moi, il est libre. Mais cette liberté pouvait-elle réellement rivaliser avec l'emprise que Maria avait exercée sur lui pendant des décennies ?

Théodora resta silencieuse un moment, essayant d'assimiler les mots d'Alice. Un mélange de réconfort et d'inquiétude la submergea. "Mais... et si elle parvenait à l'entraîner à nouveau dans son monde ? Et si elle arrivait à raviver en lui ce qu'il était autrefois ?" demanda-t-elle d'une voix tremblante, luttant contre les larmes qui menaçaient de déborder.

Alice secoua doucement la tête, une lueur de détermination dans ses yeux. "Alors, il faudra se battre pour lui," dit-elle d'une voix ferme, sa main ne quittant pas celle de Théodora. "Et je sais que tu es capable de le faire. Parce que tu es forte. Plus forte que tu ne le penses."

Forte. Ce mot sonnait faux dans l'esprit de Théodora, comme une cloche fissurée tentant de sonner l'alerte.

Le courage dans la voix d'Alice fit vibrer quelque chose en Théodora. Elle sentit une chaleur envahir sa poitrine, dissipant une partie de la peur qui s'était installée en elle. "Je ne me suis jamais sentie forte," murmura-t-elle, presque pour elle-même.

"C'est souvent ceux qui doutent d'eux-mêmes qui sont les plus forts," répondit Alice avec un sourire. "Parce qu'ils ne se rendent pas compte du courage qu'il faut pour affronter ses propres démons."

Les mots d'Alice s'enroulaient autour de son cœur comme un manteau chaud, chassant peu à peu les ombres froides de ses peurs.

Un silence s'installa entre elles, seulement interrompu par le bruissement des feuilles à l'extérieur de la fenêtre. La lumière de la lune baignait la chambre d'une lueur argentée, accentuant les traits délicats d'Alice et rendant ce moment presque irréel. Théodora leva les yeux, cherchant du réconfort dans le regard de la vampire. "Est-ce que... la surveillance va durer encore longtemps ? Avec Maria dans les parages, je suppose que ce n'est pas prêt de s'arrêter."

Alice acquiesça doucement, son regard se durcissant. "C'est vrai," répondit-elle d'un ton sérieux. "Tant que la menace de Maria plane, nous ne pouvons pas prendre de risques. Ta sécurité est notre priorité, et nous devons rester vigilants."

Un éclat d'humour, faible mais vivifiant, perça le brouillard d'incertitude qui pesait sur elle.

"Super," murmura Théodora, un soupçon d'ironie perçant sa voix. "Comme si ma vie n'était pas déjà assez compliquée."

Alice éclata d'un rire cristallin, un son si léger qu'il fit sourire Théodora malgré elle. "Bienvenue dans le monde des Cullen, Théo," plaisanta-t-elle. "Rien n'y est jamais simple."

Un sourire sincère apparut sur les lèvres de Théodora, et pour un instant, la lourdeur qui pesait sur ses épaules sembla s'alléger. "Merci, Alice," dit-elle doucement, le cœur un peu plus léger. "Merci de me rappeler que je ne suis pas seule."

"Tu ne l'es pas," confirma Alice en la regardant avec douceur. "Et n'oublie jamais que, quoi qu'il arrive, nous serons là pour toi. Et Jasper aussi."

Les deux filles restèrent un moment assises ensemble, profitant de cette trêve, de ce lien qui s'était tissé entre elles. La présence d'Alice, avec sa sagesse et son calme, semblait infuser la pièce d'une chaleur apaisante. Et même si l'ombre de Maria continuait de planer au-dessus d'elles, Théodora se sentit prête à affronter ce qui viendrait, tant qu'elle avait ses alliés à ses côtés.

Lentement, Théodora s'allongea sur le côté, ramenant ses genoux contre sa poitrine, comme pour se protéger du froid et des angoisses qui l'avaient assaillie toute la journée. La présence réconfortante d'Alice à ses côtés, ses paroles réconfortantes continuant de résonner dans son esprit, l'aida à relâcher la tension qui habitait chaque muscle de son corps.

Les mots d'Alice flottaient encore dans l'air, comme un écho rassurant : Tu es forte. Plus forte que tu ne le penses. Et tandis qu'elle fermait les yeux, ses doigts effleurant doucement la couverture, elle sentit pour la première fois depuis des jours une paix l'envahir.

Théodora s'autorisa enfin à y croire, laissant un léger sourire flotter sur ses lèvres tandis qu'elle s'abandonnait au sommeil, blottie en position fœtale.

❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant