❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )

☇ 𝟱𝟭

Théodora rentra chez elle ce soir-là, le cœur lourd et l'esprit embrouillé par ce qu'elle ressentait. Chaque pas résonnait contre le sol mouillé, l'air frais du crépuscule s'infiltrait sous sa veste, la faisant frissonner. Mais ce n'était pas seulement la fraîcheur qui la faisait trembler. C'était cette impression persistante, cette sensation d'être épiée. Elle n'avait pas pu s'en débarrasser de toute la journée, comme une ombre qui la suivait, cachée juste hors de sa portée. Son cœur battait plus vite à chaque instant, et elle se retournait brusquement, s'attendant à voir quelqu'un là, tapi dans l'ombre. Mais il n'y avait jamais rien. Juste le silence, pesant, lourd de secrets.

Arrivée devant la porte de sa maison, elle s'arrêta un instant, cherchant à reprendre son souffle. La nuit tombait rapidement, teintant le ciel d'un bleu presque noir. Le silence environnant était presque surnaturel, seulement troublé par le léger bruissement des feuilles agitées par le vent. Son regard se perdit dans l'obscurité, scrutant chaque recoin, chaque mouvement imperceptible.

Théodora sentit une douleur lancinante à la tête, une migraine soudaine qui lui fit grimacer. Elle s'arrêta, pressant ses doigts contre ses tempes, essayant de chasser la sensation désagréable. Cela lui rappelait ces étranges pressions qu'elle ressentait parfois en présence d'Edward, comme s'il sondait ses pensées, plongeant dans les recoins les plus profonds de son esprit.

"Pourquoi est-ce que je ressens ça ?" murmura-t-elle, sa voix brisée par l'émotion.

Elle se passa une main sur le front, tentant de chasser l'étrange migraine qui la tourmentait depuis des jours. Ces douleurs étaient devenues plus fréquentes, plus intenses, comme si quelque chose essayait de pénétrer son esprit, de lui envoyer un message. Était-ce un avertissement ? Une tentative de communication ? Elle secoua la tête, refusant de céder à la panique. Mais l'idée que tout cela puisse être lié à Jasper ne la quittait pas. Elle savait que ce n'était pas un simple mal de tête. C'était comme un écho d'une présence, quelque chose qu'elle avait déjà ressenti auparavant. Quelque chose qui lui rappelait une famille qu'elle avait cru avoir perdue à jamais.

L'idée que cela puisse être lui, quelque part là-dehors, la suivant de loin, veillant sur elle... Cette pensée fit battre son cœur plus vite. Elle tenta de la rejeter, de ne pas laisser l'espoir s'immiscer en elle, de peur que ce ne soit qu'une illusion. Pourtant, une part d'elle-même ne pouvait s'empêcher d'y croire. Et si c'était vraiment lui ? Et s'il était revenu ?

Le bruit soudain d'une branche qui craque la fit sursauter. Son regard se porta aussitôt vers l'origine du bruit, mais elle ne vit rien d'autre que les ombres dansantes des arbres au loin. Chaque ombre semblait se mouvoir, chaque souffle de vent portait en lui un murmure. Sa respiration s'accéléra, et elle sentit son cœur cogner contre sa poitrine, comme s'il voulait s'échapper.

"Jasper ?" osa-t-elle murmurer, sa voix se perdant dans la nuit. Aucun son ne lui répondit. Seulement le silence pesant, étouffant, comme si le monde entier retenait son souffle.

Avec un soupir tremblant, elle entra rapidement chez elle, verrouillant aussitôt la porte derrière elle. La chaleur de la maison la réconforta un instant, mais ce sentiment d'être observée ne la quittait pas. Elle se glissa dans sa chambre, s'asseyant sur son lit, les jambes ramenées contre sa poitrine. Ses pensées tourbillonnaient dans sa tête, lui donnant presque le vertige. Le parfum de Jasper semblait encore flotter dans l'air, doux et apaisant, comme un fantôme du passé.

"Arrête de penser à lui," se dit-elle à voix haute, espérant que cela suffirait à faire taire cette voix intérieure qui ne cessait de murmurer son nom. Mais les souvenirs revenaient inlassablement, comme une vague qu'elle ne pouvait contenir. Les moments qu'ils avaient partagés, les promesses murmurées à l'oreille, la chaleur de ses bras qui l'enveloppaient... C'était encore si vivide, si douloureux.

"C'est terminé," murmura-t-elle en fermant les yeux, laissant les larmes couler silencieusement sur ses joues. "Il est parti, et il ne reviendra pas."

Mais pourquoi ce sentiment ne la quittait-il pas ? Pourquoi ce pressentiment ne cessait-il de grandir en elle, jour après jour ? La douleur de la perte se mêlait à un espoir qu'elle refusait d'admettre, de peur que ce ne soit qu'une illusion, un mirage cruel dans un désert de solitude.

Le lendemain, alors qu'elle se rendait au lycée, Théodora s'arrêta devant l'endroit où elle avait rencontré Jasper pour la première fois. Cet espace semblait figé dans le temps, chaque détail ancré dans sa mémoire. Elle ferma les yeux, laissant les souvenirs remonter à la surface, se demandant ce qu'elle ferait s'il réapparaissait. Se sentirait-elle en colère ? Aurait-elle envie de le frapper, de l'insulter pour l'avoir abandonnée ainsi ? Ou bien se jetterait-elle dans ses bras, oubliant tout, juste pour sentir une fois de plus la chaleur de son étreinte ?

Elle secoua la tête, essayant de chasser cette image. "Tu ne reviendras pas," murmura-t-elle à elle-même, une fois de plus, tentant de se convaincre.

Mais tandis qu'elle continuait de marcher, le sentiment d'être suivie devint presque palpable. Chaque pas qu'elle faisait semblait résonner dans l'air, chaque mouvement une provocation pour ce qu'elle sentait derrière elle. Un frisson parcourut son échine, mais elle se força à ne pas se retourner. Elle savait qu'elle ne verrait rien. Elle savait qu'elle n'aurait que le vide pour réponse.

Et puis, soudain, il y eut ce parfum. Cette odeur qu'elle connaissait si bien. Une fragrance boisée, légèrement épicée, unique... celle de Jasper. Théodora s'arrêta net, son cœur manquant un battement. C'était impossible. Non... c'était trop beau pour être vrai.

Ses jambes se mirent à trembler et elle dut s'appuyer contre un arbre pour ne pas s'effondrer. "Non, je ne peux pas... Je ne peux pas y croire," murmura-t-elle, la voix brisée par l'émotion. Son regard se perdit dans l'obscurité qui l'entourait, cherchant une silhouette, un indice, n'importe quoi qui lui prouverait qu'elle ne devenait pas folle.

Mais encore une fois, le silence l'enveloppa. Seulement le vent jouant avec les feuilles, la lune baignant la forêt d'une lumière argentée, et ce parfum persistant qui semblait l'entourer, la narguer.

Alors que les larmes menaçaient de couler à nouveau, Théodora se laissa glisser au sol, ses doigts tremblant d'émotion. "Pourquoi est-ce que tu me fais ça ?" murmura-t-elle, les yeux rivés sur le ciel nocturne. "Pourquoi est-ce que je ne peux pas te laisser partir ?"

Elle resta là, de longues minutes, écoutant le silence, espérant qu'il se brise, que quelqu'un l'appelle par son prénom, qu'il murmure à nouveau qu'il l'aime. Mais rien ne vint. Et, une fois de plus, Théodora sentit cette immense solitude l'envahir, comme une vague glacée qui lui coupait le souffle. Elle resta assise là, les genoux repliés contre elle, fixant l'obscurité, luttant contre l'envie de crier, de hurler sa peine à l'univers tout entier.

Et alors, un frisson la traversa. Était-ce le vent ou... la caresse d'une main invisible ? Elle secoua la tête, se relevant péniblement, le cœur battant encore plus fort qu'auparavant.

"Jasper, si c'est toi..." commença-t-elle, sa voix à peine un souffle. Mais elle n'eut pas la force de terminer sa phrase. Parce qu'elle savait que, même si c'était lui, il ne répondrait pas. Et l'idée de ne jamais savoir, de rester à jamais dans cette incertitude, était une torture bien plus cruelle que le simple fait de l'avoir perdu.

La tête basse, Théodora reprit lentement son chemin vers chez elle, le parfum de Jasper s'effaçant peu à peu. Mais même si l'odeur disparaissait, l'espoir qu'elle n'osait pas formuler, lui, restait, s'accrochant à son cœur meurtri comme une flamme vacillante dans la tempête.