La soirée battait son plein. Après la victoire, l'équipe avait décidé de célébrer, et malgré son envie de s'isoler, Théodora s'était laissée entraîner dans l'ambiance festive. Les rires, la musique assourdissante, et les conversations animées remplissaient la pièce, mais au milieu de cette euphorie collective, elle se sentait déconnectée, comme si elle assistait à la scène de l'extérieur. C'était étrange de voir tant de joie autour d'elle alors que son cœur, lui, était en plein tumulte.
Le sentiment de vide s'intensifiait à chaque éclat de rire, chaque sourire, chaque clin d'œil échangé autour d'elle. Elle avait beau essayer de se forcer à être présente, elle avait l'impression d'être en décalage, prisonnière d'un dédoublement intérieur.
Pourquoi suis-je ici ?
Ses amies avaient bien remarqué son malaise. Eleanor et Chloé l'avaient entraînée sur le canapé, s'installant de chaque côté d'elle. "Allez, Théo, parle-nous," insista Chloé, son regard doux mais déterminé. "Qu'est-ce qui ne va pas ?"
Théodora baissa les yeux, triturant les manches de son pull. "C'est... c'est Jasper. Il est revenu, et je ne sais pas quoi faire. Je pensais que j'avais tourné la page, mais..."
"Mais tu l'aimes toujours, hein ?" la coupa Eleanor, roulant les yeux de manière exagérée. "Les mecs comme lui, ils savent comment te garder accrochée, même après t'avoir brisé le cœur. Mais je vais te dire un truc, ma vieille : les beaux gosses mystérieux, c'est du poison. Alors, je te le dis clairement, oublie-le !"
Théodora ne put s'empêcher de sourire, malgré la douleur qui lui compressait la poitrine. "Eleanor, tu ne comprends pas... c'est plus compliqué que ça."
"Ce qui est compliqué, c'est de devoir te ramasser à la petite cuillère à chaque fois qu'il te fait du mal," répliqua Eleanor avec un clin d'œil. "Alors, sérieux, évite-toi des emmerdes et trouve-toi un mec avec un job stable et un abonnement Netflix."
Chloé pouffa de rire avant de prendre un ton plus sérieux. "Écoute, Théo. Je sais que c'est difficile. L'amour, ça ne s'efface pas d'un coup de baguette magique. Mais tu dois penser à toi, à ce qui te rendra heureuse à long terme. Peut-être que Jasper a des réponses à t'apporter, mais tu ne dois pas oublier à quel point tu as souffert."
Théodora hocha lentement la tête. "C'est ça, le problème... Je ne sais plus ce qui pourrait me rendre heureuse." Ses paroles semblaient s'échapper de ses lèvres sans qu'elle en contrôle réellement le sens. Elle se sentait désemparée, coincée entre des sentiments contradictoires qu'elle ne savait plus comment gérer.
Je suis perdue...
Ses amies la prirent chacune par un bras, la serrant contre elles. "On sera toujours là pour toi," murmura Chloé. "Quoi que tu décides."
"Mais bon, évite de replonger dans ses bras, s'il te plaît," ajouta Eleanor en levant les yeux au ciel. "Parce que sinon, on va vraiment devoir t'enfermer dans ta chambre jusqu'à ce que tu retrouves la raison."
Leurs blagues réussirent à arracher un rire à Théodora, mais au fond d'elle, la douleur restait. Elle les aimait, ses amies. Elles essayaient de la soutenir du mieux qu'elles pouvaient, mais il y avait une part d'elle-même qui demeurait inaccessible, que ni Eleanor ni Chloé ne pouvaient atteindre.
Je me sens si seule, même avec elles...
Après un moment, elle se leva, prétextant avoir besoin d'air, et s'éloigna du groupe, ses pas la guidant vers un coin plus sombre de la pièce. Elle se retrouvait près d'un groupe autour d'une table, un bang posé au centre. La silhouette de l'objet attirait son regard, comme un point focal dans cette pièce bondée. Elle se souvenait en avoir entendu parler au lycée. Certains l'appelaient la fusée de l'évasion, un moyen rapide et puissant pour s'échapper de la réalité, pour se libérer l'esprit.
Le bang était grand, en verre épais, brillant sous la faible lumière de la pièce. Il avait une base large remplie d'eau, un long tube étroit qui s'élevait droit vers le haut. L'eau à la base refroidissait la fumée avant qu'elle n'atteigne les poumons, rendant l'inhalation plus douce et intense à la fois. Le foyer, où se trouvait l'herbe, semblait prêt à être allumé, et la simple idée de prendre cette bouffée promettait un oubli immédiat.
Pourquoi pas... juste pour arrêter de penser.
Le rire gras de l'un des garçons résonnait dans l'air, ses yeux rougis laissant peu de doute sur la manière dont ils avaient trouvé cette sérénité apparente. Pendant un moment, Théodora les observa, tentée par cette échappatoire facile. La fumée qui s'échappait du bang formait des volutes paresseuses dans l'air, créant une barrière floue entre elle et le reste du monde. Sa respiration s'accéléra, et elle sentit ce besoin impérieux d'échapper à la réalité, ne serait-ce que pour quelques heures.
Sans vraiment y réfléchir, poussée par le désespoir, elle s'approcha de la table. Quelques regards se tournèrent vers elle, l'air amusé et légèrement surpris. Un garçon, un sourire flottant sur ses lèvres, la fixa avant de lui tendre le bang sans un mot, comme une invitation silencieuse.
Elle hésita une seconde, son cœur battant à tout rompre. Elle n'avait jamais été ce genre de fille, celle qui cédait à ce genre de tentation, mais ce soir, tout était différent. Elle était fatiguée de lutter, fatiguée de ressentir. Pourquoi pas... murmura-t-elle pour elle-même, saisissant l'objet d'un geste décidé. Le bang semblait presque peser dans ses mains, comme une invitation à la légèreté, à l'oubli.
Les voix autour d'elle s'estompaient, devenaient des murmures indistincts, et son cœur battait plus fort dans sa poitrine. Elle porta l'embout à ses lèvres, inspira longuement, sentant la fumée brûlante envahir ses poumons, son esprit déjà prêt à s'évader. La première bouffée fut un choc. La fumée s'insinua brutalement dans son corps, laissant une sensation de brûlure dans sa gorge. Elle toussa légèrement, des larmes montant à ses yeux, mais bientôt, une sorte de torpeur apaisante se répandit en elle.
Je ne ressens plus rien...
Son esprit se mit à vagabonder. Elle se souvint des moments passés avec Jasper, des rires, des murmures à l'oreille, de ses doigts glissant doucement sur sa peau. C'était comme si ces souvenirs tentaient de la rattraper, de lui rappeler ce qu'elle avait perdu. La douleur, pourtant si vive, commençait à s'estomper, se transformant en un lointain bourdonnement.
Elle recracha la fumée, la regardant s'échapper en volutes épaisses devant elle. Déjà, le monde semblait plus flou, les visages autour d'elle se fondaient dans une masse indistincte. Les bruits se faisaient lointains, les rires et la musique devenaient des échos étouffés. Théodora s'appuya contre le mur derrière elle, glissant lentement jusqu'à s'asseoir sur le sol, les jambes repliées, le bang encore dans sa main. Ses pensées, habituellement si chaotiques, se transformaient en un murmure indistinct, un voile épais enveloppant son esprit.
Je me perds... et c'est mieux ainsi.
Elle inspira à nouveau, plus doucement cette fois, cherchant cette sensation d'engourdissement. Et là, tout devint plus facile. Les pensées qui l'assaillaient constamment se dissipèrent, remplacées par un silence apaisant. Plus de Jasper, plus de vampires, plus de questions. Juste un vide, une absence totale de tout ce qui la rongeait.
Son regard se perdit dans la pièce. Les gens bougeaient autour d'elle, mais ils semblaient si loin, comme s'ils appartenaient à une autre réalité. Elle voyait leurs lèvres bouger, leurs gestes agités, mais rien ne semblait la toucher. C'était comme si elle flottait, détachée du monde qui l'entourait, comme si elle avait réussi, ne serait-ce que pour un moment, à s'échapper de sa propre vie.
Je ne veux plus revenir...
Les minutes s'écoulèrent, et Théodora se laissa porter par cette fausse tranquillité, ses pensées devenant de plus en plus floues, ses émotions de plus en plus distantes. Elle se sentait anesthésiée, coupée de tout, et c'était exactement ce qu'elle cherchait. Peut-être que demain, la douleur reviendrait, encore plus vive, encore plus insupportable. Mais ce soir, elle n'était plus qu'une ombre, une silhouette perdue dans la fumée, se laissant lentement dissoudre dans l'oubli.
Le bang glissa de ses mains, roulant sur le sol à côté d'elle, et elle le laissa s'échapper. Ses paupières se fermèrent, sa tête retomba en arrière contre le mur, et elle s'abandonna à cette illusion de paix, consciente que le lendemain viendrait, et avec lui, la réalité implacable. Mais pour l'instant, elle était juste une fille qui avait besoin d'oublier, une fille qui essayait de fuir, même si ce n'était que pour une nuit.
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❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )
Fanfiction❝ L'amour, comme la luminescence, éclaire même les coins les plus sombres, révélant des beautés cachées que seul le cœur peut percevoir. ❞ À la tombée de la nuit, une lueur douce et mystérieuse émane des recoins obscurs. Ce n'est pas les étoiles, ni...
