❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )

☇ 𝟰𝟴

La musique résonnait avec force à l'intérieur de la grande salle où la fête battait son plein, chaque note vibrant à travers le sol, comme si le sol lui-même pulsait au rythme des basses. Des lumières stroboscopiques éclataient de façon intermittente, illuminant l'espace en flashes de couleurs vives qui semblaient vouloir capturer chaque mouvement, chaque sourire, chaque éclat de rire. Le plafond était décoré de guirlandes lumineuses qui se balançaient doucement, dessinant des ombres mouvantes sur les murs, donnant à la pièce un air irréel, presque onirique.

Théodora se tenait là, sur le bord de la piste de danse, observant les corps qui se mouvaient, se laissaient emporter par le rythme. Elle portait une jupe noire qui effleurait ses cuisses et un pull douillet de couleur crème, simple et confortable, mais élégant, qu'elle avait assorti à ses baskets blanches. Ses cheveux tombaient en cascade sur ses épaules, un peu plus désordonnés que d'habitude, comme si elle avait voulu se donner une apparence négligée, détachée. Pourtant, son regard trahissait autre chose : une douleur qu'elle essayait désespérément de dissimuler.

"Allez, viens danser, ça va te faire du bien," l'encouragea Chloé en la tirant doucement par le bras, un sourire rassurant aux lèvres.

Théodora hocha la tête, forçant un sourire, bien que son cœur ne suive pas. La salle était pleine à craquer, et tout autour d'elle, ses amis semblaient oublier leurs soucis, emportés par l'instant. Mais pour elle, cette fête n'était qu'une énième tentative de fuir cette réalité oppressante qui pesait sur ses épaules.

Alors, elle se laissa entraîner sur la piste de danse, fermant les yeux pour ne plus penser. La musique résonnait autour d'elle, mais elle n'entendait presque rien. Les basses vibraient dans l'air, résonnant jusque dans sa cage thoracique, créant un rythme qui s'accordait à celui de son propre cœur. Plus elle avançait sur la piste, plus elle sentait ce poids lourd s'éloigner d'elle, comme si chaque pas lui arrachait un peu de cette douleur qui la rongeait depuis des semaines.

Elle ferma les yeux et se laissa bercer par la mélodie, s'abandonnant à cette sensation de liberté, de légèreté qu'elle n'avait pas ressentie depuis longtemps. Ses bras commencèrent à se balancer doucement, ses pieds à bouger au rythme de la musique, et elle se laissa porter. Ses pensées s'éloignèrent peu à peu, comme des feuilles emportées par le vent.

"Oui, c'est ça, Théo, lâche-toi !" s'écria Eleanor en dansant à ses côtés, le sourire éclatant, les joues rosies par l'excitation et l'alcool.

Mais pour Théodora, ce n'était pas juste un moment de détente. C'était bien plus que ça. C'était une tentative désespérée d'échapper à la prison de ses pensées, de laisser derrière elle tout ce qui l'avait rongée ces dernières semaines. Les souvenirs de Jasper, les révélations sur sa vie secrète, la douleur de l'abandon... elle voulait tout laisser derrière elle. Elle voulait se perdre dans la musique, se libérer, ne serait-ce que pour quelques minutes, de tout ce qui la liait à lui.

Alors, elle dansa. Elle dansa comme si sa vie en dépendait, ses mouvements devenant de plus en plus intenses, ses bras s'élevant dans les airs, ses pieds glissant sur le sol avec une grâce qu'elle ne se connaissait pas. Elle tourna, tourna encore, laissant ses cheveux voler autour de son visage, s'efforçant d'oublier, de s'oublier. La chaleur de la salle imprégnait sa peau, ses vêtements commençaient à lui coller au corps, mais elle s'en moquait. Elle voulait juste danser, jusqu'à ce que son esprit s'éteigne, jusqu'à ce que la douleur disparaisse.

Mais même dans ce moment d'abandon, il était toujours là. L'ombre de Jasper, le souvenir de ses mains sur sa peau, la sensation de ses lèvres contre les siennes. Elle revoyait ses yeux dorés qui la fixaient avec intensité, comme s'ils cherchaient à pénétrer son âme, et cela la brûlait de l'intérieur. Sa gorge se serra, mais elle ferma les yeux plus fort, se refusant à laisser les larmes couler. Pas ici, pas maintenant.

"C'est bon, lâche prise," murmura Chloé en lui attrapant la main, comme si elle avait senti son hésitation. "Tu en as besoin."

Théodora hocha la tête et continua de danser, cherchant à se noyer dans cette liberté éphémère. Ses jambes commençaient à trembler, ses pieds la faisaient souffrir, mais elle ne s'arrêtait pas. Parce que s'arrêter, c'était affronter la réalité, c'était affronter l'absence de Jasper. Et elle n'était pas prête. Pas encore.

Les gens autour d'elle semblaient si heureux, si insouciants. Ils riaient, se penchaient les uns vers les autres pour murmurer des secrets, échangeaient des baisers volés sous la lumière des projecteurs. Théodora les enviait. Elle aurait tout donné pour ressentir ne serait-ce qu'un instant de cette légèreté, de cette insouciance qu'elle avait perdue.

Mais au lieu de cela, elle continuait de tourner, de se perdre dans le rythme, espérant que la musique l'emporterait loin de tout cela. Elle tourna une dernière fois, ses bras s'élevant dans les airs, et dans ce mouvement, elle sentit enfin ce mur se briser. La douleur qu'elle avait tenté de refouler, l'angoisse, le chagrin... tout remonta à la surface en un seul instant.

Et elle craqua.

Les larmes jaillirent de ses yeux, chaudes, brûlantes, roulant sur ses joues sans qu'elle ne puisse les retenir. Son corps se mit à trembler, et la musique qui résonnait autour d'elle ne faisait plus que renforcer le vide qui la rongeait de l'intérieur. Elle tituba, les épaules secouées de sanglots, cherchant à retrouver son souffle, à retrouver un semblant de contrôle, mais c'était impossible. Tout s'effondrait.

"Théodora ?" s'inquiéta Chloé, qui se précipita vers elle. "Qu'est-ce qui se passe ?"

Mais Théodora ne répondit pas. Elle se dégagea doucement, ses pas chancelants la menant hors de la piste de danse. Elle devait sortir, respirer, s'éloigner de toute cette lumière, de tous ces regards qui lui rappelaient à quel point elle était seule. Elle sortit en courant de la salle, le souffle court, les larmes brouillant sa vision.

Dehors, la pluie continuait de tomber, battant le sol en un rythme frénétique, mais elle s'en moquait. Elle leva le visage vers le ciel, sentant les gouttes froides couler sur sa peau brûlante, se mélangeant à ses larmes. Elle pleura, pleura toutes les larmes de son corps, s'agenouillant sur le trottoir humide, laissant la douleur la submerger enfin, comme une vague qu'elle ne pouvait plus contenir.

Quelques instants plus tard, elle sentit des bras l'envelopper. Chloé s'était précipitée à sa suite et la tenait maintenant contre elle, ses doigts caressant doucement ses cheveux. "Laisse tout sortir, Théo," murmura-t-elle d'une voix apaisante. "Je suis là. Je suis là."

Théodora hocha faiblement la tête, s'accrochant à son amie comme à une bouée de sauvetage, laissant la tempête de ses émotions s'échapper, la déchirant, mais la libérant aussi, un peu, de ce fardeau qu'elle portait depuis si longtemps.