Cela faisait des semaines que les parents de Théodora la regardaient dépérir, impuissants face à la douleur qui semblait s'accrocher à elle comme une ombre. Chaque jour, ils la voyaient s'effondrer un peu plus, glisser dans une torpeur dont elle ne semblait pas vouloir sortir. Leurs sourires étaient devenus des masques maladroits, leurs voix un écho lointain qui ne parvenait jamais à l'atteindre. Ils l'aimaient, mais cet amour semblait inutile face à l'abîme dans lequel elle s'enfonçait.
Un matin, sa mère, les yeux rougis par la fatigue, avait craqué. "On ne peut pas continuer comme ça," avait-elle murmuré à son père, le cœur brisé. "Elle nous échappe, et je ne peux plus la regarder se consumer." Son père, silencieux, avait hoché la tête. Ils devaient agir, l'arracher à ce quotidien vide où elle ne faisait que survivre. C'est pourquoi, quand des amis les avaient invités à dîner au Corner Café, ils avaient saisi cette occasion. Ce serait leur chance de forcer Théodora à sortir de sa prison mentale.
"Théo, tu viens avec nous ce soir," déclara son père d'une voix ferme. C'était une affirmation, pas une question.
Elle leva à peine les yeux de l'écran de son téléphone, mais son corps entier semblait protester. Être ailleurs, entourée de gens, c'était la dernière chose qu'elle voulait. Partir de cet endroit où elle s'était enfermée avec ses pensées, avec ses souvenirs. "Non, je ne veux pas," répondit-elle d'une voix éteinte, sans vraiment y croire.
"Tu n'as pas le choix," trancha sa mère, la gorge serrée. "Nous ne te laisserons pas t'enterrer vivante."
Et voilà comment elle s'était retrouvée dans la voiture, assise à l'arrière, fixant d'un regard vide le paysage qui défilait. Le ciel était gris, le genre de gris qui semblait refléter exactement ce qu'elle ressentait. Tout paraissait terne, sans couleur, sans vie. Elle aurait voulu être partout sauf là. L'idée même de s'asseoir autour d'une table, de sourire, de parler... c'était insurmontable. Mais elle n'avait pas eu la force de lutter.
Ils arrivèrent devant le Carver Café, un endroit qu'elle avait autrefois trouvé chaleureux, rempli de rires et de conversations légères. Maintenant, c'était juste un lieu de plus où elle devait faire semblant. Faire semblant de vivre alors qu'à l'intérieur, tout était mort. Le café était niché au cœur d'une forêt dense et semblait isolé du reste du monde. Son extérieur simple et légèrement vieilli par le temps, avec des panneaux en bois délavés, donnait l'impression d'un lieu qui avait vu passer de nombreuses histoires. Une enseigne vieillotte accrochée au-dessus de l'entrée portait l'inscription "Carver Café" en lettres décolorées, et une petite bannière accrochée en dessous annonçait : "Ouvert tous les jours".
Le tintement de la cloche à l'entrée marqua leur arrivée, et immédiatement, l'agitation du café enveloppa Théodora, la frappant de plein fouet. L'atmosphère était chaleureuse, mais rustique. Les murs en bois verni, décorés de photos anciennes du café et de la ville de Forks, semblaient absorber le bruit, donnant au lieu une ambiance feutrée. Les fenêtres, bordées de rideaux jaunis par le temps, laissaient entrer une lumière tamisée, éclairant les tables en bois brut, usées par des années d'utilisation. Chaque table était dressée avec des sets de table en papier, des bouteilles de ketchup et de moutarde toujours présentes en guise de décoration. Les chaises, elles, grinçaient légèrement à chaque mouvement.
Dans le coin de la salle, un petit comptoir en bois surplombait la cuisine ouverte, d'où s'échappaient des effluves de café et de nourriture grasse, créant une atmosphère qui oscillait entre le réconfort et la lassitude. Le bruit des couverts qui s'entrechoquaient, le grésillement des poêles, et les discussions à demi-mot des clients ajoutaient à l'ambiance familière du lieu.
Théodora se rendait compte que sortir quand on avait le cœur en miettes, c'était comme marcher sous la pluie sans parapluie. Chaque sourire autour d'elle semblait faux, chaque rire résonnait comme une insulte à la douleur qui la rongeait de l'intérieur. Elle aurait voulu disparaître, se fondre dans le sol, mais elle était là, forcée d'avancer, de prétendre que tout allait bien. Les conversations étaient des murmures lointains, le monde continuait de tourner, mais elle ne s'y sentait plus à sa place. Chaque pas était lourd, comme si les souvenirs tiraient sur ses épaules, lui rappelant ce qui était perdu. Les autres vivaient, et elle, elle restait figée, comme prisonnière d'une tristesse invisible. Rien n'avait de goût, rien ne brillait. Et pourtant, elle restait là, contrainte de feindre une présence, alors qu'à l'intérieur, elle était loin, très loin.
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❝ 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐍𝐄𝐒𝐂𝐄𝐍𝐂𝐄 ❞ ʲᵃˢᵖᵉʳ ʰᵃˡᵉ ( FR )
Fanfiction❝ L'amour, comme la luminescence, éclaire même les coins les plus sombres, révélant des beautés cachées que seul le cœur peut percevoir. ❞ À la tombée de la nuit, une lueur douce et mystérieuse émane des recoins obscurs. Ce n'est pas les étoiles, ni...
