Juste pour oublier

Chapitre 27

Le bonheur n'est pas un feu d'artifice :
c'est un feu de bois ; ce n'est pas seulement
beau, c'est chaud et ça fait du bien.
Pierre Monette

°Ellaïa°

Les yeux clos, j'inspire et j'expire lentement tandis que les percussions résonnent dans la salle de danse et en moi. Je cale mes comptes sur le rythme avant de me lancer dans l'enchaînement que j'ai imaginé ces dernières heures.

Je peste intérieurement lorsque ma galipette arrière part dans la mauvaise direction et je me relève d'un bond pour relancer la musique. Rapidement, je me replace au centre de la salle et je fixe mon reflet pour me donner du courage.

La nuit est tombée depuis un bon moment maintenant, nous avons tous rendez-vous chez Aly ce soir - car elle souhaite absolument que l'on fasse une dernière soirée film avant de débuter les révisions intensives pour les partiels - et je suis sûrement en retard, mais c'est plus fort que moi. J'ai besoin de danser, de créer ce petit bout de chorégraphie qui a germé dans mon esprit au milieu de la nuit. Il faut que j'exprime physiquement ce sur quoi je n'arrive pas à mettre des mots, et la danse contemporaine est parfaite pour ça.

Après m'être penchée en avant, en appui sur ma main droite, je donne une impulsion à mon corps pour me retrouver en équilibre quelques secondes puis retomber en arrière sur mes deux pieds. Sans perdre une seule seconde, je me redresse en levant le genou et le bras avant de me plier en deux en même temps que la percussion. Mon autre pied vient chasser le premier tandis que mes mains les imitent pour me donner l'élan suffisant afin d'effectuer une pirouette.

Je poursuis l'enchaînement, plus déterminée que jamais et je sens enfin mes émotions transparaître dans mes pas. Cette fois, je ne fais aucune erreur, mon esprit se laisse porter tandis que mon corps poursuit, en improvisation totale.

Essoufflée, je me laisse tomber en avant, les pieds en pointe et les bras vers le ciel, avant de me rattraper pour me mettre à genoux. Subitement, la musique des enceintes est remplacée par la sonnerie de mon téléphone et je m'empresse de décrocher.

- Ah, enfin ! Qu'est-ce que tu fais ? On n'a pas de nouvelles depuis la fin des cours, s'inquiète Hanna.

- J'avais une envie folle de danser, alors je suis allée me défouler. Je suis en retard, c'est ça ?

- Bah carrément ! crie Hanna pour camoufler le rire des garçons en fond.

Affolée, je commence à ramasser mes affaires à la va-vite en répondant :

- Je suis désolée ! Je suis là dans trente minutes, prom...

- Cal a oublié de rapporter le paquet de chamallow, tu peux passer dans leur chambre avant de partir ? C'est ouvert ! me coupe Alex en criant.

En plus d'oublier la seule chose qu'il est censé prendre, il oublie de fermer sa chambre ? Enfin, je suis mal placé pour critiquer vu mon nombre incalculable de minutes de retard...

Sur le chemin vers ma chambre, je reçois un SMS d'Aly qui me menace de commencer la soirée sans moi si je ne me dépêche pas, tout en glissant qu'elle a une annonce à faire pour me motiver.

***

Sur la table du salon, les cartons de pizza, de salade, de bagels et les canettes en tout genre s'entassent difficilement. Je ne sais pas comment ils ont fait pour que tout tienne dessus, mais il semblerait que ça fonctionne. Mais attention ! Il ne faut rien déplacer sinon, en plus de se faire taper sur les doigts par Hanna, tout risque de finir sur le tapis d'Aly, et Aly ne se contente pas des doigts.