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Philip observait Mave avec Fergal, l’esprit dévasté par des vagues de regret et de jalousie. Elle était là, devant lui, rayonnante, riant aux éclats alors que Fergal murmurait quelque chose à son oreille. Chaque éclat de rire était comme un coup de couteau dans le cœur de Philip. Ce même rire qui, autrefois, lui avait été réservé, aujourd’hui appartenait à un autre. Il n’avait jamais imaginé ce que cela ferait de la voir aussi heureuse dans les bras d’un autre, et il le sentait désormais dans chaque cellule de son être.

C’était un tourment insupportable.

Il l’avait laissée. Il avait tourné le dos à cet amour si pur, trop absorbé par ses ambitions, par un besoin de succès et de reconnaissance qui l’avaient éloigné de l’essentiel. Il se souvenait d’elle, debout sur le pas de leur porte la nuit où il était parti pour de bon, ses yeux remplis d’une douleur muette et incomprise. À l’époque, il n’avait pas vu, ou peut-être n’avait-il pas voulu voir, tout ce qu’il lui faisait endurer. Il se rappelait chaque mot qu’elle avait murmuré, chaque supplication qu’elle avait étouffée dans sa gorge, ne voulant pas le retenir malgré la souffrance évidente dans ses yeux. Elle l’avait laissé partir, comme un dernier acte d’amour.

Mais il lui avait brisé le cœur. Il le savait maintenant. Et, devant cette scène, la pleine portée de son erreur le frappait de plein fouet.

Philip s’était construit un avenir sans elle, s’était engagé dans une carrière qui l’avait broyé et humilié, s’était lié à une femme qui n’était qu’une ombre, incapable de lui offrir ce qu’il avait eu avec Mave. Tout était si fragile, si superficiel, et il le comprenait enfin, mais trop tard. April était partie, emportant avec elle son fils, Jeremy, qu’il ne voyait que de loin en loin. Même cet amour familial qui aurait dû être la source de sa fierté et de son bonheur était insaisissable. Mave lui avait offert bien plus que ce qu'il n'avait jamais mérité : une loyauté, un dévouement sans bornes.

Et il l’avait balayée, aveuglé par son ego et sa soif de grandeur.

À quelques mètres de lui, Mave plongeait son regard dans celui de Fergal avec cette intensité que Philip avait connue. Elle n’avait jamais regardé quelqu’un d’autre de cette manière. Ce regard, cette façon de le voir comme un homme, un pilier, comme celui qui pouvait la protéger et la rendre heureuse, lui était réservé autrefois. Aujourd'hui, ce n'était plus lui qu’elle regardait ainsi. C'était Fergal, un homme qui, semblait-il, avait su combler toutes les failles qu'il avait laissées. Fergal, qui avait su panser les blessures qu'il lui avait infligées, sans même s’en apercevoir. Philip ne voyait que le contraste brutal entre ce qu’il avait été incapable d’offrir et ce que Fergal lui donnait.

Et cette pensée le tuait de l’intérieur.

Les souvenirs de leur passé s’imposaient, plus cruels encore dans ce moment de solitude. Il revoyait les nuits passées avec Mave, la chaleur de leurs rires partagés, les promesses qu’ils s’étaient faites. Il se souvenait de leurs projets, d’une vie qu’ils avaient bâtie en rêve, qu’il avait détruite sans même s’en rendre compte. Elle avait été à ses côtés, toujours prête à le soutenir, à l'aimer malgré tout. À l'époque, il avait pensé que cela ne suffirait pas, que sa carrière valait plus. Aujourd'hui, il comprenait que c'était l'erreur la plus monumentale de sa vie.

En voyant Fergal effleurer doucement la main de Mave et sourire tendrement, Philip sentit une haine s’insinuer en lui, une haine sourde et brûlante. Ce n’était pas tant de la jalousie, mais une rage contre lui-même, un mépris pour ce qu’il avait été. Il aurait donné n'importe quoi pour revenir en arrière, effacer ses erreurs, pour lui dire ce qu'il n’avait jamais osé lui dire. Mais le temps ne pardonne pas, et il se retrouvait seul face à la réalité qu’il avait lui-même façonnée.

Ce regard de Fergal envers Mave… cela le déchirait. Car il comprenait que Fergal n’était pas seulement un remplaçant, un éphémère. C'était l’homme que Mave attendait, celui qui avait su la guérir, la faire rire et la respecter. Ce même homme qui posait sur elle des regards protecteurs, qui s'agenouillait à ses pieds, qui l'accompagnait lors de ses moments de fragilité. Elle l'aimait profondément, et lui, il ne pouvait que regarder de loin, impuissant, cet amour qui n'était plus le sien.

Pour Philip, la douleur devenait insoutenable.

Who she supposed to be ? (Mave Burton)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant