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La lumière douce du restaurant baignait la salle, faisant briller les verres sur la table, mais l’atmosphère était lourde, presque oppressante. Mave était assise face à Fergal, son regard perdu, son cœur en miettes. Chaque visite de Fergal la replongeait dans un abîme de souvenirs qu’elle n’avait jamais tout à fait réussi à oublier. Malgré la douleur, malgré les larmes, une part d’elle l’aimait encore. Mais les choses étaient si compliquées maintenant. Chaque jour, Philip prenait un peu plus de place dans sa vie, dans ses pensées, dans son quotidien. Il avait réparé ce que Fergal avait brisé.

Cian, assis sur ses genoux, babillait joyeusement, insouciant de la tension qui planait au-dessus de la table. Ses petites mains agitaient son jouet préféré, et il jetait des regards excités à son père.

"Daddaa! Dadda!" gazouilla-t-il, tout sourire.

Fergal leva les yeux vers son fils, un tendre sourire illuminant son visage fatigué. "Oui, mon petit chat." Sa voix se brisa légèrement, comme si prononcer ces mots lui coûtait un effort immense.

Mais Cian continua à répéter le mot, insistant. Son petit doigt pointa vers la porte, et soudain, Fergal sentit quelque chose de froid se glisser dans son estomac. Son cœur se serra violemment. Ce "dada"… Ce n’était pas lui. Ce n’était plus lui. C’était Philip.

Fergal sentit sa gorge se nouer, incapable de détourner le regard de son fils. Son petit garçon, son Cian, celui pour qui il aurait tout donné, appelait un autre homme "papa". Il se mordit l’intérieur de la joue, cherchant à repousser les larmes qui montaient. Mave, en face de lui, sentait l’intensité du moment. Son visage pâlit, et son malaise était palpable. Elle baissa les yeux, incapable de soutenir le regard de Fergal. Ils ne disaient rien, mais les mots non prononcés pesaient lourdement entre eux.

"Fergal…" commença-t-elle, sa voix tremblante.

Il leva une main, la coupant, essayant de se ressaisir, mais le coup était trop dur, trop profond. "C’est… C’est lui, Mave ?" demanda-t-il, sa voix à peine un murmure. "C’est lui que Cian appelle ‘dada’ ?"

Mave ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n’en sortit. Avant qu'elle ne puisse articuler une réponse, la porte du restaurant s’ouvrit, et Philip entra, son visage éclairé par un sourire confiant. Cian bondit sur place, les yeux brillants, en tendant les bras vers lui.

"Daddaa! Dadda!!"

Philip s’avança d’un pas décidé, ignorant complètement Fergal, et se pencha pour prendre Cian dans ses bras. Le petit garçon l’entoura de ses bras avec une telle innocence, une telle joie, que cela fendit le cœur de Fergal en mille morceaux. Ses poings se crispèrent sur la nappe, et il cligna des yeux pour chasser les larmes qui menaçaient de couler.

Phil le regarda enfin, un sourire narquois au coin des lèvres. "Tu vois, Fergal… On dirait bien que c’est moi que ton fils appelle ‘papa’. C’est moi qui suis là chaque matin, à côté de lui. Moi qui le berce, moi qui veille sur lui. Toi… Toi, tu l’as laissé tomber."

Fergal se redressa brusquement, renversant presque sa chaise. Ses mains tremblaient de colère, mais c’était plus que ça. C’était le désespoir, l’impuissance de voir son propre fils lui échapper. "Non !" Sa voix résonna dans le restaurant, attirant quelques regards curieux des autres tables. "Non, Mave est ma femme. Ma femme !" Ses yeux se fixèrent sur elle, brûlants d’un mélange d’amour et de rage. "Cian est mon fils. Mon enfant. Vous deux, vous êtes ma famille. Ma famille."

Philip le regarda avec défi, son sourire se transformant en quelque chose de plus froid, presque cruel. "Tu parles de famille, Fergal ? Quelle famille ? Celle que tu as détruite ? Celle que tu as abandonnée ?" Il haussa les épaules, comme si la douleur de Fergal n’avait aucune importance. "Mave m’aime. Ton fils m’appelle ‘papa’. À partir de là, tu sais que tu as tout perdu."

Les mots de Philip frappèrent Fergal comme un coup de poing. Mave, silencieuse, observait la scène, les yeux pleins de larmes. Elle voyait la souffrance sur le visage de Fergal, cette souffrance qu’elle connaissait si bien. Elle voyait aussi la vérité dans les mots de Philip, cette nouvelle réalité dans laquelle ils étaient tous piégés. Et elle ne savait plus quoi faire, ni quoi dire.

Fergal serra les poings, sa respiration se faisait plus courte, plus irrégulière. "Mave ne t’aime pas," gronda-t-il, sa voix tremblante de colère. "Et tu ne seras jamais celui que je suis. Tu ne seras jamais son père. Tu ne seras jamais son mari." Il s’avança d’un pas vers Philip, le visage crispé. "Mave Devitt et Cian Devitt. C’est ma famille."

Le silence qui suivit fut glacial. Cian, dans les bras de Philip, commença à pleurer, ses petites mains serrant convulsivement la chemise de Philip. Mave était figée, déchirée entre les deux hommes, son cœur saignant sous le poids de la scène qui se déroulait devant elle.

Puis, dans un instant de rage incontrôlée, Fergal avança, son poing se levant et frappant violemment Philip au visage. Le coup résonna dans le restaurant, et Philip recula, lâchant presque Cian sous le choc.

Mave hurla. "Arrêtez !"

Le chaos éclata, les clients autour regardaient, pétrifiés. Philip, la lèvre éclatée, se redressa, prêt à riposter, son regard brûlant de fureur. Mais Mave s’interposa, ses bras tendus entre les deux hommes, son visage déformé par l’angoisse et la tristesse. "Ça suffit !"

Fergal, haletant, la regarda, son visage ravagé par la douleur, le cœur battant à tout rompre. Mais quelque chose dans ses yeux se brisa alors, un éclat de compréhension qui le terrassa plus encore que le coup qu’il avait donné. Il avait tout perdu.

Who she supposed to be ? (Mave Burton)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant