Chapitre 2 : Emily

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Je franchis enfin les dernières courbes de la route, et la station de Montréal se dévoile devant moi, baignée dans la lueur bleutée du soir. Les montagnes, couvertes de neige, s'élèvent majestueusement en arrière-plan, tandis que la ville scintille doucement sous les décorations de Noël. C'est beau, serein... exactement ce dont j'avais besoin.

Pourtant, malgré ce tableau parfait, je ressens une lourdeur dans tout mon corps. L'épuisement. Pas seulement à cause du long trajet, mais à cause de tout ce que j'ai laissé derrière moi. Luna, avec ses crises de personnalité, ses moments où Felicity et Gloomy prenaient tour à tour le contrôle, a drainé tellement d'énergie ces dernières années. Je l'aime comme une sœur, mais parfois, j'ai l'impression de me perdre en essayant de l'aider à se retrouver.

Et puis, il y a Sky. Mon frère, toujours au cœur de l'action, de ses combats de boxe, de sa carrière montante, et de sa vie survoltée. C'est comme s'il ne s'arrêtait jamais, et être à ses côtés me donnait parfois le vertige. Même à distance, il y a cette pression silencieuse qu'il met sur mes épaules, sans jamais s'en rendre compte. Il est mon roc, mais aussi celui qui me maintient dans cette zone où je ne suis jamais vraiment libre.

Je prends une grande respiration en arrêtant la voiture devant le chalet familial. C'est une belle maison en bois, enveloppée dans la neige. Les volets sont fermés, et tout est silencieux. Exactement comme je l'avais imaginé. Le calme, la solitude, un moment rien qu'à moi.

Je coupe le moteur et sors lentement de la voiture, mes bottes s'enfonçant dans la neige épaisse. Le froid mordille mes joues, mais je ne m'en soucie pas. Le chalet semble m'accueillir avec la promesse de sérénité.

Je déverrouille la porte avec une vieille clé en métal que maman m'a confiée avant de partir.

L'intérieur est exactement comme dans mes souvenirs : chaleureux, avec des boiseries partout, un grand salon où trône une cheminée en pierre, et des fauteuils qui semblent m'attendre, invitant au confort. Je laisse tomber mes sacs dans l'entrée, me sentant soudain libérée de tout poids.

Je suis enfin seule.

Je me débarrasse de ma sure couche de vêtements et me dirige immédiatement vers la cheminée. Il ne fait pas encore trop froid, mais j'ai toujours adoré l'ambiance d'un feu crépitant. Ça apporte une chaleur qui va au-delà du simple fait de se réchauffer.

Je prends quelques bûches que je place maladroitement dans l'âtre, un peu comme si j'avais une idée précise de ce que je faisais. Le bois craque légèrement sous mes doigts, et je frotte une allumette, prêt à voir les flammes danser dans la cheminée.

Facile. Non ?

Après tout, c'est juste du feu. Mais la première allumette s'éteint avant même d'effleurer le bois. Je fronce les sourcils, attrape une deuxième allumette et tente à nouveau. Rien.

Bon, ok... On va y arriver.

J'attrape un peu de papier journal que je froisse en boule et le glisse sous les bûches. Je saisis une autre allumette, pleine d'espoir cette fois, et approche la flamme tremblante du papier. Le papier commence à brûler, je souris, mais... les bûches restent obstinément froides et sans vie.

⸺ Oh, sérieusement ?!

Je lâche un petit rire nerveux en secouant la tête puis me relève, tourne autour de la cheminée, cherchant peut-être une solution magique à mon problème. Est-ce que c'est vraiment aussi compliqué que ça ? Je me rappelle les moments où papa allumait ce feu en un clin d'œil, comme s'il avait un don particulier. Apparemment, ce talent ne m'a pas été transmis.

Je m'agenouille de nouveau, résolue, je rattache mes cheveux en chignon prêt à combattre ce dernier. Cette fois, je sors l'artillerie lourde : plus de papier, plus d'allumettes. J'essaye à nouveau, et enfin, une petite flamme lèche timidement le bois. Je souffle doucement dessus, presque en apnée, priant pour que cette petite étincelle prenne vie.

Emily Grimshade, tome 3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant