Chapitre 33

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    — J'suis pas d'accord, va goûter le punch Soso ! s'esclaffait James si près de son oreille qu'il était certain de perdre quelques décibels dans une heure.

     Loup ne broncha pas, le poids du bras de son ami pesant sur ses épaules. Il le laissait gigoter sur place, le faisant danser à sa manière quand son propre regard scrutait la foule. Il était de notoriété publique la grandeur de la famille de Lorenzo. La voir pour de vrai était autre chose. Dans ses souvenirs, Carmen, Amàlia et le cousin Juan constituaient déjà une bonne fournée de proches quand lui avait toujours vécu en tant que fils unique. Il n'avait jamais connu le bonheur d'une fratrie et ne s'en plaignait pas, ravis d'avoir pu jouir de l'amour inconditionnel et égoïste de ses deux parents, rien que pour lui. Cette pensée lui arracha un fugace sourire. Sourire qui mourut sur ses lèvres en percutant deux yeux océans et acérés. Des yeux qui le fixaient d'un tranchant si vif qu'il aurait presque senti la lame d'un couteau s'enfoncer dans sa chair.

     Il le méritait. Il avait été un sale type, quoi qu'en dise Lorenzo. Alors il tourna la tête pour répondre à James et sa blague ridicule, incapable de soutenir ces reproches à peine voilés, la douleur qui broyait son coeur et l'angoisse qui enflait dans le creux de son ventre.

     — J'vais pécho ce type, indiqua Sophia du bout de son index coloré de rouge.

     — Non meuf, tu peux pas croquer un cousin de Lorenzo ! s'insurgeait James.

     — Roh ça va. Les latinos, ça a du charme tu sais, sourit-elle en faisant un clin d'oeil à l'inconnu, pas si inconnu que ça.

     Les yeux écarquillés en le reconnaissant à peine avec sa barbe et ses cheveux longs, Loup souffla :

     — Putain, c'est Juan.

     — Nan tu déconnes ?! s'exclama Sophia, la bouche grande ouverte. Ouais bah non finalement. Le célibat c'est bien.

     Les deux hommes éclatèrent de rire. Alors, il ne put s'en empêcher. Son regard tomba à nouveau dans les deux billes bleues qui le dévisageaient froidement et son cœur manqua un battement. Coupable, il happa sa lèvre de ses dents, conscient de représenter un affront là, caché dans ce coin de la salle.

     — Tiens, bois, ordonna James en lui fourrant un verre de punch dans la main.

     — J'ai pas envie, dit-il.

     — T'as pas le choix.

     Il croisa le regard de Sophia qui haussa les épaules, amusée, dodelinant de la tête sur un remix d'une chanson anglaise dont il ne connaissait pas le nom. Après s'être assuré que James était trop focalisé sur la jeune femme pour le voir, il reposa discrètement le verre sur la table, derrière eux.

     James le libéra de son bras et piocha dans un saladier de chips. Loup se massa la nuque, incapable de résister à l'envie irrépressible de le regarder. Et par chance, cette fois-ci, Cassien ne l'observait pas. Il discutait avec une petite fille, un sourire attendrit sur les lèvres. Un sourire qui lui rappela combien il avait perdu en se murant dans le silence. Un soupir franchit ses lèvres malgré lui. Là, à l'abri, il le scruta, demeura interdit par la robustesse que son corps semblait avoir gagné. Le Cassien adolescent laissait place à une version améliorée : grand, charismatique, et sexy en diable dans sa chemise blanche retroussée jusqu'aux coudes.

     Sa pensée tordit l'estomac. Il le trouvait toujours aussi beau.

     Comme si Cassien avait entendu ses pensées, il se tourna brusquement vers lui. Surpris, Loup n'osa pas bouger, mais finit par baisser la tête, heurté par les mots qu'il ne disaient pas.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant