À Ta Place

Chapitre 34

Cyrène 

Zilpa prend une gorgée de son thé au lotus. Le simple fait de la regarder emplit de joie l'Osnée. Le lien entre mère et fille n'a jamais été rompue. Elle en est certaine, car elle sent toutes les fibres de son être vibrer. Comme si elle venait d'enfanter à nouveau. La même euphorie que lorsqu'elle l'avait mise au monde.

Une nuit de lune argentée.

Entourée seulement de ses filles de confiance, Cyrène avait mis bas dans le lit royal. Un bébé en pleine santé lui avait été déposé sur sa poitrine haletante. Au premier cri, Yared avait fait irruption dans la chambre, gravement inquiet. Les fois précédentes avaient été douloureuses pour la mère et s'étaient résultés à des silences funèbres. Combien de fois, avait-il soulevé des mort-nés pour les emmener loin de son épouse.

Il s'en était occupé à chaque fois, subissant une meurtrissure de plus dans son être. 

Cyrène était au comble du bonheur de lui présenter une fille toute rouge qui criait en fermant ses petits poings, prêt à se battre.

— Celle-ci, c'est une combattante, avait dit Yared en riant.

Une nuit ancrée pour toujours dans sa mémoire.

L'Osnée, se sentait mère à part entière. Mais à la béatitude des retrouvailles se confrontait l'immense chagrin de ne pas avoir vu sa fille grandir en une femme. Tant d'années s'étaient écoulées entre elles. Sephira est devenue Zilpa, une inconnue à ses yeux. Chaque jour, elle apprenait à la connaître.

Réservée, débrouillarde, téméraire, féroce. Des facettes qui lui rappelaient parfois son époux. 

Puis ses yeux se posent sur les cicatrices rosées sur ses avant-bras. Sa chair n'est pas lisse comme celle qu'arborent les femmes de Septorä. Elle porte les marques de l'esclavage sur tout son corps. 

À l'idée qu'on ait fait fouetter sa fille à plusieurs reprises lui retournent l'estomac.

Esclavagiste. 

Ce mot qui l'empêche de dormir. Une sentence qu'elle-même a toujours déniée, mais qu'elle ne peut plus ignorer.

— Connaissez-vous une Eri ?

Martha et Aquila s'entre-regardent, se concertant à deux, face à la requête étrange de son fils. Cyrène regarde le visage grave de son fils, piquée de curiosité. Lui aussi désormais se fait appeler par un autre nom qu'elle lui avait attribué. Le discours qu'il a prononcé la veille avait confirmé sa crainte. Il rejette tous les préceptes de Septorä. 

— De loin, elle vend des pommes au marché, répond Martha.

— C'est ma mère, leur confesse Elyas. Elle a disparu depuis quelques jours, peut-être plus. On a questionné un voisin et il a mentionné une tribu qui aurait pu avoir affaire avec elle. À la frontière. 

Cyrène se fige et dévisage son fils sans dissimuler sa peine.

Alors, il l'a retrouvé également. Sa mère qui lui a donné naissance. Cette même femme qui lui a confié son bébé, suppliant d'épargner sa vie. 

Elle ferme le poing en sentant une rancœur ancienne remonter de ses entrailles. 

C'est donc ainsi Elyon, je retrouve une fille pour perdre un fils ? Tu ne cesseras jamais de me tourmenter pour ne pas avoir agi ?

— La tribu Ganzareth, déclare sombrement Aquila. Une bande de pillards sans morale qui prennent tout l'or qu'ils peuvent trouver. Ils ont eu vent de la richesse de Septorä et ont chevauché jusqu'ici. Des midriens ont dû leur céder une partie de leur terre. Ils sont armés jusqu'aux dents et nous sommes incapables de nous défendre.