À Ta Place

Chapitre 31

Zilpa

Elyas me mène jusqu'à Cyrène et... mon frère. Celui-là même qui s'était moqué de moi lors de notre première rencontre. 

Cyrène le pousse en avant vers moi. Il se racle la gorge, l'attitude fuyante.

— Misaël, se présente-t-il. C'est un choc très dur à encaisser, d'apprendre que ma sœur, que je croyais morte, est vivante. Et qu'elle a failli m'être offerte... (il secoue vivement la tête) d'ailleurs faut que je touche deux mots à Hamul et Koush, ces serpents !

Nous avons du mal à soutenir le regard de l'autre, mais nous ne pouvons pas nous empêcher comme deux bêtes curieuses. Comme regarder dans un miroir troublant et y voir sa version au sexe opposé. Nous notons des ressemblances frappantes dans nos visages. Les pommettes, le nez, la bouche. 

Ses épaules s'abaissent un peu.

— Te retrouver après tout ce temps... c'est incroyable. J'espère sincèrement faire ta connaissance. Tu peux venir me voir quand tu veux, si tu as besoin de quoi que ce soit.

Elyas lui assène un poing dans l'épaule. 

— Oh, regardez-le, tout gentil avec sa petite sœur !

Un large sourire bienheureux sur les lèvres, Cyrène pose une main dans son dos pour le tapoter.

— Mes enfants qui se retrouvent, j'ai rêvé de ce jour toute ma vie. Tu sais, Misaël n'arrêtait pas de venir t'embêter Sephira quand tu n'étais qu'un nourrisson. Il était encore un enfant, mais il t'adorait déjà en tant que grand frère. 

Il s'empourpre.

— Ça suffit vous deux ! C'est vous qui m'obligez à faire des déclarations...(Il s'arrête, croisant mon regard) Non, personne ne me force. Je n'ai juste pas l'habitude de verser dans le sentimental...

Dire que je me plaignais constamment à Aquila et Martha d'être fille unique. Je désirais si fort avoir un frère ou une sœur, un camarade de jeu, avec qui jouer, me disputer, rire et pleurer, même m'ennuyer. Je leur ai tellement cassé les oreilles avec ça. Mais quand ils m'ont avoué qu'ils n'ont jamais réussi à concevoir et qu'Elyon avait dû me déposer à la porte, leur faisant un présent afin qu'ils puissent expérimenter la joie d'être parents, j'ai abandonné l'idée même si j'en ai souffert.

Or, j'ai toujours eu un frère. Un grand frère dont j'ignorais complètement l'existence. Il était juste situé géographiquement un peu plus haut. L'ironie de la vie ne cessera de me donner des gifles. Pourtant, je ne le vois pas comme un monde qui s'écroule, au contraire. Depuis que j'ai décidé de faire demi-tour, j'ai compris que je m'étais donnée une seconde chance.

Une chance de me réapproprier mon histoire. De reconstruire mes fondations. 

— En mon for intérieur, je me suis toujours imaginée comme une enfant abandonnée, je confesse en baissant les yeux sur nos pieds. J'étais en quête de racines, d'un arbre auquel me greffer, des branches sur lesquelles grimper avec d'autres frères et sœurs. Nous sommes peut-être des étrangers qui ont vécu et grandi à l'opposé de cet arbre, mais je suis contente de ne plus être fille unique.

Ses lèvres s'entrouvrent, à court de mots. Il finit par hocher la tête, solennellement. Cyrène joint ses mains devant son cœur avec apaisement.

— Ma famille est complète, déclare-t-elle.

Misaël me désigne Elyas du pouce.

— Bonne chance pour supporter ce frère par contre. Il est né avec quelques soucis dans sa tête donc s'il t'embête, je t'en débarrasse.