Zilpa
Juchée sur le bord d'un bassin, je plonge mes pieds dans l'eau tiède. L'ondulation fait remuer légèrement les fleurs bleues des nénuphars. Encore endormies, leurs pétales demeurent fermés. J'offre mon visage à la lumière douce du matin, celle qui dissipe les ténèbres de la veille et annonce une clarté paisible.
Encore trop tôt, l'endroit est désert et isolé de tous. Au point qu'un paon blanc sauvage se permet de traverser. Sa longue queue traînant au sol derrière lui, telle une chevelure enchanteresse, il avance à pas lents, mesurés. Il magnifie l'endroit de sa présence souveraine.
C'est vraiment un autre monde.
Un bruit de pas me fait tourner la tête. Le paon déploie son éventail de plumes à l'approche d'Elyas, comme s'il le considérait comme un rival. Seulement vêtu d'un pagne tombant négligemment sur ses hanches, je pose mes yeux sur la large cicatrice pourpre qui torsade autour de son torse, ainsi que le long de ses bras dans une arabesque élégante. Avec le temps, je me rends compte qu'elle sublime véritablement son apparence.
Tandis que les miennes portent les marques de la souffrance, l'humiliation et l'injustice. Elles m'ont rendu hideuse.
— Bel oiseau, n'est-ce pas ? Il appartient à la collection sacrée de l'Osnée. Je peux ?demande-t-il en désignant la place à côté de moi.
Je l'invite volontiers à s'asseoir.
— Bien dormi ?
Ses traits sont tirés, son teint cireux et il a une mine épuisée. Il passe une main sur sa nuque pour dénouer quelques nœuds.
— Je ne peux m'empêcher de penser à ma mère. Ma vraie mère, précise-t-il.
— Eri.
Je partage son inquiétude et me rappelle des mots du midrien que nous avons croisé près de chez elle.
— Cyrène m'a permis de faire venir Aquila et Martha au royaume. Nous devrions leur demander s'ils en savent plus sur cette tribu. Peut-être qu'elle lui a permis de s'échapper de Midria ?
Il secoue la tête, avec tristesse.
— Je ne crois pas qu'elle ait cherché à fuir. Pas à son âge. Pas dans sa condition.
Nous restons un moment en silence, chacun plongé dans nos préoccupations. Moi à savourer l'eau calme, Elyas à jouer avec le sable, en prenant des poignées entières. Avec un air concentré, il joint ses mains devant lui, en forme de coquillage. Il s'incline et souffle à l'intérieur.
Me demandant sur ce qu'il est en train de faire, j'observe son profil. Le reflet de l'eau éclaire le vert nénuphar de ses yeux. Ses mèches rebelles ont bien poussé depuis notre première rencontre et sont attachées négligemment en un chignon désordonné. Même sa boucle d'oreille pendante n'altère en rien sa masculinité.
— Tiens, me dit-il, me faisant sursauter.
Dirigeant ses mains fermées vers moi, il les sépare doucement, paumes vers le ciel. Mes yeux tombent avec étonnement sur une fleur de lotus éclatante. Sa particularité ? Elle est en sable et scintille de milliers de grains, à tel point qu'elle ressemble à un diamant pur.
— Elle est somptueuse, je souffle en l'admirant.
Je suis ébahie de l'aisance avec laquelle il a perfectionné son pouvoir. Comme si cela avait toujours fait partie de lui.
— La fleur de lotus est une plante qui est née dans la boue, déclare-t-il, et qui a poussé du fond de l'eau pour crever la surface afin de se placer à la vue de tous. Par sa croissance vaillante et sa beauté vertueuse, on la surnomme l'Épouse du soleil. Enracinée dans la souffrance, elle s'est élevée d'elle-même pour s'épanouir. Pour cela, vous avez beaucoup de similarités, cette fleur et toi.
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À Ta Place
FantasyCapturée pour servir de jouet aux princes de Septorä, Zilpa, esclave à la seconde chance, se retrouve face à Hakan, un jeune noble insouciant qui défie les traditions sans en mesurer les conséquences. Mais lorsque leurs chemins s'entrelacent, Hakan...