Chapitre 6

90 18 75
                                    


Les derniers sons se propagèrent dans mon âme, avant de s'éteindre. Je rouvris mes paupières alourdies et clignai des yeux plusieurs fois. La clarté du ciel m'éblouissait et je regrettai de ne pas pouvoir passer ma journée dehors. Je calculai qu'il me restait exactement 25 minutes et 32 secondes avant la sonnerie du prochain cours.

J'ouvris donc la fenêtre et j'escaladai la rambarde. Je ne voulais pas passer devant mes amies et devant Coru. Je voulais juste sortir. Maintenant que j'y repense, je me dis que c'était totalement stupide mais sur le moment, j'étais portée par mes sentiments.

Je m'accrochai fermement à la bordure de la fenêtre et je regardai en bas. Le sol s'étalait deux mètres en dessous de moi. J'avais toujours été forte en gymnastique, de toutes façons. Et sautai d'une manière que j'aurai voulu gracieuse, mais le sort en décida autrement. Je m'écrasai pitoyablement sur l'herbe. Ma cheville émit un craquement peu rassurant et une douleur me vrilla la jambe. Retenant mes larmes, je tentai de me relever et m'écroulai honteusement. Ma cheville me faisait trop mal. Mais je ne voulais pas abandonner.

Une nouvelle aventure pour la lourdaude Ithillia De Laroche. Après son incroyable sauvetage dans la forêt, la voilà qui se relevai ! Hourra !

Je fit taire la voix cynique de ma conscience et je grimaçai en me levant. Appuyée sur un bâton que je venais de trouver par miracle, je clopinai dans la terre. Mon jean était foutu, ma cheville sûrement foulée mais je voulais atteindre mon but. C'était peut-être l'une de mes qualités. Je ne baissais rarement les bras.

J'atteins le petit chemin de terre qui serpentait dans le parc et l'empruntai soigneusement.

Le parc était divisé en plusieurs partie. L'une était les bâtiments, l'autre le jardin potager, mais il y avait aussi la partie sport, et la partie calme. Cette dernière était au milieu de toute. C'était ainsi que l'on appelait l'étendue d'herbe verte sur laquelle quelques arbres avaient été plantés. C'était là où les élèves passaient le plus clair de leur temps.

Mais moi, c'était dans la dernière division. La forêt.

J'étais l'une des seules à m'y aventurer. Je connaissais tous les coins, la clairière, le moulin, l'arbre centenaire...
Mais mon endroit préféré était situé au milieu. C'était l'ancien pavillon.
Son centre circulaire et ses colonnes me servaient souvent de repère de méditation. J'y allai dès que mes pensées s'embrouillaient. Personne ne s'aventurait là-bas, alors je l'avais pour moi seule. Clopin-clopant, j'y arrivai enfin, après avoir traversé une partie de la forêt. Normalement, j'y arrivais en quelques minutes, mais ce trajet là m'avait pris de beaucoup plus de temps.

J'escaladai les trois marchés et me retrouvai devant un homme de dos. Je reconnus aussitôt les cheveux noirs et la carrure de mon ami.

- Hey, dis-je timidement.

- Salut, qu'est-ce que tu fais là.

Je répondis lentement :

- J'étais venu me changer les idée et toi ?

- Rien d'important, me dit-il évasivement.

À côté de lui était couché un livre et les mains de mon ami tremblaient quelque peu. Voilà encore une de mes caractéristiques. Je voyais les moindres détails, mais j'avais plus de peine à les analyser.

- Je suis désolée pour ce qui s'est passé avec Coru. Je sais pas ce qui m'a pris. C'était tellement étrange, m'excusai-je.

Il balaya l'air de sa main.

- Qu'importe, je sais ce que c'est. Mais ne t'inquiète pas, je ne suis pas fâché. J'ai juste besoin de m'aérer l'esprit.

Je compris le sous-entendu et je soufflai :

- Oh. Je comprend. À tout l'heure.

Et je retournai sur mes pas, boitillant à cause de ma cheville gonflée.

***


Le reste de la journée se passa plus vite que prévu. Lorsque mon ami revint, il avait à nouveau le sourire et les plaisanteries en bouche.

Je ne prêtais guère attention à Coru, ce dernier trop occupé à jouer au "Bad Boy", chose que je détestais au plus haut point. Je ne reparlai pas non plus à Rajani et Elena. Elles m'inspiraient un sentiment de dégoût quand je les voyais se pâmer devant leur idole.

Après les cours, pendant les quelques heures de libre que nous avions, Anor me proposa d'aller me promener dans le parc avec lui. Bien sûr, j'acceptai avec énergie.

Ces heures, je les passais normalement avec mes amies mais vu les circonstances...

Nous étions au milieu de l'étendue herbeuse quand Anor me proposa de nous coucher là.
Je m'étalai sur le sol moelleux et contemplai les nuages.
Anor s'éclaircit la gorge et me dit :

- Tu sais, je ne les laisserais pas tomber à ta place...

- Qui ? Ah elles...

Il parlait bien entendu des filles.

- Elles réaliseront bientôt oh combien elles ont été stupide. Coru est le genre de mec à blesser ses conquêtes.

Je me redressai vivement.

- Qu'en sais-tu ? m'énervai-je légèrement.

- Ça se voit...

- Mouais, concédai-je lentement.

- Bref, tu as la chance d'avoir de merveilleuses amies, ne les laisse pas tomber comme ça.

- J'ai aussi la chance d'avoir un ami extraordinaire, lui fis-je sincèrement.

Il rougit légèrement et baissa la tête.

- C'est vraiment gentil de ta part.

Nous nous regardâmes longuement. Ses yeux verts semblaient m'analyser, ainsi que toutes les parties de mon âme. Soudain, il détourna la tête et regarda un groupe d'ami se passer un Frisbee.

- Je... Je n'ai jamais eu de vrais amis. Juste des copains, ou des connaissances. Je ne suis pas très fort pour tout ça, avoua-t-il péniblement.

- Non, tu te débrouilles très bien !

Je ne savais pas quoi lui répondre. Il me confiait une partie de sa vie et tout ce que j'arrivais à faire c'était restée plantée là, en lui répondant des choses stupides. Ma vie était catastrophique.

Je le regardai dans les yeux et lui dis sincèrement :

- Tu es le meilleur ami que j'ai jamais eu. Jamais, de ma vie de mortel, je n'ai rencontré une personne comme toi. Je remercie le ciel te t'avoir à mes côtés. Bien qu'on ne se connaisse que depuis quelques mois, je ressens pour toi ce que je n'ai jamais ressenti avant. Je ressens ce que c'est d'être amis et c'est le plus cadeau que tu puisses me faire.

Il eut un sourire. Ce sourire capable de faire fondre n'importe qui. J'étais n'importe qui.

[ARCHIVES] La quête de Valdëa Où les histoires vivent. Découvrez maintenant