Chapitre 34

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Le cœur au bord des lèvres, et un tremblement nerveux parcourant mon être, je suivis Anor dans la nuit. Je respirai l'air frais, comme pour le goûter une dernière fois. Les larmes que je tentais vainement de repousser menacèrent d'envahir mes yeux, et je ne le voulais pas. Je voulais me montrer forte, dans mes derniers instants - s'ils étaient les derniers.
Nous étions arrivés devant le musée avant que j'aie pu m'en rendre compte. Je sautai presque sur celui que j'aimais pour le dévorer de baisers mais il me repoussa gentiment.
- Chaque minute compte à présent. Nous auront tout le loisir de faire cela plus tard, expliqua-t-il d'un ton mort.
Mais, à la lumière faible d'un lampadaire, je pus voir ses yeux briller un peu plus. J'hochai simplement de la tête et nous arrivâmes devant la porte.
- On va passer par la porte des employés, comme prévu.
Nous contournâmes donc le bâtiment, en faisant tout pour ne pas paraître suspect et, devant la porte, j'usai mes dons pour la déverrouiller. Le déclic caractéristique se fit et nous pénétrâmes dans un vestibule que nous traversâmes rapidement. Anor parvint à se retrouver dans tous ses dédales de couloirs des employés, et nous débouchâmes dans l'immense salle. Nous courûmes jusqu'à la pierre, Anor me précédant de quelques mètres. Ma respiration était affolée, et ce n'était pas à cause de la petite course. Mon estomac s'était noué d'avantage. Anor s'occupa de déloger la pierre du socle, à l'aide d'un petit pied de biche qu'il gardait apparemment pour notre mission. Soudain, un claquement sec se fit entendre et résonna contre les murs. Je frémis, en observant par-dessus l'épaule de mon ami. Il tenait Valdëa dans sa main en souriant.
- Finalement, ce n'était  pas si compliqué que ça ! chuchota-t-il en glissant la pierre dans sa poche. Plus qu'à ressortir.

Malheureusement, c'était justement bien trop facile. Toutes les lumières s'allumèrent soudainement et je dus cligner plusieurs fois des yeux pour y voir clair.

- Vous pensiez vraiment la dérober comme cela ? fit une voix grave à ma gauche.

Je fus surprise, car ce n'était pas la voix de Coru. Elle était plus rocailleuse, moins suave. Je me retournai pour tomber sur un employé, aux cheveux poivre et sel, et à la mine dure. Je fus presque soulagée, et m'apprêtai à l'assommer avec un des objets qui nous entouraient. Mais avant même que je ne puisse me concentrer pour effectuer la moindre manoeuvre, je sentis mon Don se bloquer, et me vis dans l'incapacité de l'utiliser.
- Pas de ça ici les jeunes, fit simplement l'homme. Je me retournai vers Anor pour l'interroger du regard. Il avait la bouche entrouverte et une peur se lisait dans ses yeux écarquillés.

- Vous êtes un Ithron, parvint-il à articuler.
- Bien sûr que j'en suis un ! Il faut bien un gardien pour surveiller cette maudite pierre, sinon, cela ferait des lustres qu'elle aurait été dérobée ! s'écria-t-il.

Je ne comprenais rien à cette histoire. Je fronçai les sourcils et demandai :

- Attendez, vous voulez dire que vous êtes surveillant de Valdëa ?
- Exactement. Et je ne vous laisserais pas partir avec ! s'écria l'homme.
- Mais... Jamais il n'a été question d'un protecteur, risqua Anor.
- Dans les légendes, non, bien sûr ! Mais en réalité, depuis le début, Valdëa a son propre protecteur. Chaque gardien nomme son prochain, et ça va continuer ainsi !

- Mais alors... la prophétie est-elle vraie ? fis-je timidement.
- Peut-être pour plus tard, mais jusqu'à présent, la pierrre n'a jamais été perdue. Il n'est donc pas question de la retrouver ! expliqua le Protecteur en secouant la tête.

Mon cœur frémit et je ne pus m'empêcher de sauter dans les bras d'Anor. Il me serra contre lui, et j'éclatai en sanglots. Des sanglots de délivrance. Si ce que l'homme disait était vrai, je n'allais pas mourir, et j'allais pouvoir rester à ses côtés.

- Ça doit être la cinquième fois que je vis cette scène et je la trouve toujours aussi émouvante, fit la voix derrière moi.
Quand je me détachai de mon amour, je vis que l'homme avait un sourire attendri sur son visage, ce qui plissait deux rides aux coins de ses lèvres.
- Il y en a eu d'autres, avant nous ? demanda curieusement Anor.
- Plus que vous ne pouvez l'imaginez ! Enfin, cinq mais c'est déjà assez. Chaque fois, l'un deux est persuadé qu'il va mourir, et c'est soulagement quand ils apprennent la vérité.

Je souris faiblement.

- Bon, eh bien c'était sympa mais moi, j'ai des considérations administratives à régler, donc les jeunes ; bye- bye !

Il s'apprêtait à s'en aller mais je l'en empêchais d'un cri :
- Non !
Il se retourna, un air décontenancé sur son visage mûr et me regarda durement. Je pris une grande inspiration avant de m'expliquer.

- Nous avons des raisons de penser que nous ne sommes pas les seuls à convoiter cette pierre, soufflai-je. Et ces personnes n'ont pas des desseins très purs.

Anor m'interrompit :

- La bande de Argen.

L'homme pâlit à l'entente de ce nom.
- Vous les avez emmené ici ? murmura-t-il, horrifié.
- Malheureusement, nous ne savions pas qu'un gardien était à la charge de Valdëa, alors nous avons fait la course du plus rapide, sans s'occuper des précautions, répondit Anor, penaud.

Je baissai les yeux, désolée moi aussi. Mais j'eus vite une idée.

- Ils ne savent pas non plus que vous êtes le gardien de Valdëa. Ils ne savent pas l'existence d'un gardien ! Si vous fuyez maintenant avec la pierre, et que nous restons en faisant mine de l'avoir, nous pourrons vous faire gagner du temps !

- Mais vous risqueriez vos vies...

- Tant pis. Mieux vos deux vies perdues que sept milliards, dis-je en tentant de me persuader moi-même.

Anor hocha la tête et tendit la pierre au vieil homme.

- Tenez et partez vite et loin.

- Merci. Les Ithryn protecteurs se souviendront de votre sacrifice, si sacrifice il y a.
Il partit, en courant, emportant avec lui la pierre. Il dût passer par quelques autres passages inconnus de notre connaissance car nous ne le revîmes plus.

Anor me prit dans ses bras, et me baisa le front.

- Je suis heureux que tu ne soies pas obligée de mourir, petite lune, chuchota-t-il dans un souffle chaud.
- Moi aussi. Mais rien n'est sûr, répondis-je avec lenteur, savourant ce petit moment d'intimité.
- Si, une chose l'est ; mon amour pour toi.

J'allais l'embrasser, mais une voix connue nous interrompit :

- Oh les amoureux ! Évitez de laisser vos traces partout, et de laisser la porte ouverte derrière vous. Vous enlevez tout le fun de la traque.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 23, 2017 ⏰

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