Partie 67

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George Pompidou. L'hôpital qui accueille les blessés grave...

Tout le monde nous regarde, certains avec pitié, d'autre avec curiosité, mais peu importe. Le regard des autres est la dernière chose qui m'importe à cet instant. Ce qui m'importe c'est Salim, seulement lui. Deux heures et demi que nous sommes sur ces chaises inconfortables, à attendre que l'on nous annonce que Salim va mieux et qu'il est réveillé ou du moins qu'il ne va pas tarder à se réveiller. Je veux juste l'avoir près de moi, même s'il a des séquelles, même s'il est handicapé, peu importe ce qu'il a, je veux seulement faire ma vie avec lui et aucun autre homme.

Nous sommes tous ultra silencieux. Ce sont nos pleurs et nos douaas (prières) qui animent la sale d'attente.

Le médecin se dirige enfin vers nous, après des heures d'attente. Il retire ses lunettes, son masque et me mate de haut en bas avec une mine super triste, en comprenant que j'étais sur le point de me marier aujourd'hui.

Lui: Je peux parler aux parents de monsieur Aït Lahcen ?

Khali: Oui je suis son père, comment va t-il ?

Il regarde mon beau-père en grattant sa barbe, puis il me regarde moi et baisse la tête.

Moi: S'il vous plaît dites nous que son état est stable et qu'il n'est pas dans le coma...

Lui: Je...Enfin, bafoue t-il alors qu'il est perdu.

Jamela: Monsieur ? *pleurs*

Lui: Je suis vraiment désolé. En treize ans de carrière, je n'ai jamais eu autant de mal à l'annoncer, dit-il avec difficulté. Nous avons fait tout ce que l'on pouvait, mais son cœur s'est arrêté sur la table d'opération. Sa pression artérielle était beaucoup trop basse, je suis vraiment navré. Les chances étaient minuscules, car il a perdu une trop grande quantité de sang lors de l'accident.

Moi: Nan...Non...Sauvez-le je vous en supplie... Faites quelque-chose... *pleurs*

Médecin: Je suis navré madame. Nous ne pouvons plus rien faire.

Je me laisse tomber sur les genoux, ma robe amorti le choc pour mes genoux mais n'amorti en rien le choc pour mon cœur. Moi qui avais l'habitude d'annoncer la mort d'enfants dans l'hôpital dans lequel je travaille, j'avais oublié la douleur lorsque l'on apprend qu'une personne qui nous est chère décède. Après la mort de mes parents adoptifs, je me suis promise de ne m'attacher à personne durant ma vie, pour ne plus avoir à souffrir. Mais j'en suis là, à pleurer la mort de mon défunt mari. Je suis veuve alors que mon mariage n'a même pas eu le temps de démarrer.

Le bonheur ? Je crois bien que cette chose n'est pas faire pour moi, je suis officiellement allergique au bonheur. Comment être heureuse si toutes les personnes qui me tiennent le plus à cœur me quittent une à une en me laissant seule face à ce monde cruel ? Je me sent vide. Je pense à sa doux visage et je me dis que je ne le reverrai plus jamais, que je n'aurais jamais plus l'occasion de lui dire que je l'aime, mais c'est horrible. Ce creux dans mon cœur me fait horriblement mal.

Et dire que nous étions prêts à bâtir notre vie ensembles, à nous aimer à la folie, à nous haïr pendant les moments dur, puis à nous consoler mutuellement. J'étais prête à apprendre à devenir la meilleure des femmes pour lui, mais il est parti avant même que je puisse connaître les hauts et les bas d'une vie de jeunes mariés.
Je vais devoir accepter le fait de vieillir sans lui à mes côtés, avec cette douleur en moi, qui contrairement à moi, ne vieillira pas.

On avait déjà tout prévu, tout sauf ça. Comme si c'était impossible que l'un de nous meurt et pourtant c'est arrivé. Dans la vie, on joue tous les aveugles. On choisit l'amour, l'amitié, la santé et la richesse, en revanche c'est la mort qui nous choisit. Si nous voulons vivre pleinement la vie, nous devons d'abord accepter la mort.

Jamela: Inalillah wa inali raji'ûn.

«À Allah nous appartenons et à lui nous retournerons»

Je pleure silencieusement dans mon coin. J'essaie d'arrêter de pleurer, mais à chaque fois que je repense au fait que je n'aurais plus l'occasion de le revoir, mes larmes persistent. J'imagine son corps dans la tombe, il est seul à présent, plus personne ne peut l'aider, il n'a plus rien. Il a juste sa foi et j'espère de tout mon cœur qu'il va répondre correctement aux questions des anges et qu'il aura une vaste tombe. 

Ma maman chérie vient me prendre dans ses bras pour me réconforter.

Moi: Ce creux dans mon cœur, que j'ai réussi à combler après la mort de mes parents adoptifs. Je ne pourrais plus jamais le combler, c'est certain. *pleurs*

Je sent ma mère trembler à cause des pleurs.

Moi: Quand il était en prison, je savais qu'il me serait rendu, je n'avais pas ce vide en moi. Il s'est rendu à ma place aux forces de l'ordre. Mais moi je ne peux pas me rendre à sa place devant la vraie force, le vrai juge. Je ne peux pas duper Allah comme lui a dupé la justice. Je dois seulement patienter, dis-je en fixant un point invisible.

Mama: Sobr. *pleurs*

Moi: Sobr... (patience)

Mama: Faut que tu reste forte ma chérie.

Moi: À quoi bon ? Je n'ai plus aucune raison de rester forte.

Mama: Biensûr que si, il va aller au Paradis et toi tu devra te battre pour le rejoindre mon cœur. Tu dois t'en remettre, rester forte.

Moi: Rester forte... *pleurs*

Karim le frère de Salim vient près de moi et me prend dans ses bras. C'est la première fois qu'il me montre un signe d'affection.

Karim: J'ai jamais été proche de toi, je t'ai jamais calculé parce-que je suis comme ça. Mais tu fais partie de la famille maintenant, on est tous là Faïza.

Moi: Et moi je suis là pour chacun de vous.

Jamela vient près de nous et on se fait un câlin tous les trois. Nos pleurs suffisent pour décrire notre souffrance.

Nous voilà tous les trois par terre, Jamela dans sa robe de soirée, Karim dans son smoking et moi dans ma robe de mariée. Dans cette robe de mariée dans laquelle il a dit qu'il me trouvait sublime et qui est désormais toute sale. J'aurais dû être en train de lui dire "oui" devant tout nos proches et nos connaissances, mais ce n'était pas écrit. La seule chose que je peux lui dire à présent, c'est Allah y rahmo.

J'espère seulement qu'il est mort en sachant que je l'ai aimé plus que n'importe quel homme, à part mon père. Qu'Anouar n'était même pas une concurrence et qu'il ne l'a jamais vraiment été.

Allah y Rahmo 💞

À suivre...

Les fins heureuses n'existent pas [1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant