- Quoi ? s'étonna Chiara. Mais je pensais qu'on passerait cette soirée ensemble.
Je sentais la déception dans sa voix, et je me sentais coupable de lui mentir ainsi, mais je n'y pouvais rien. Si je lui disais la réelle raison de mon absence ce soir, je savais qu'elle m'en voudrait encore plus, et qu'elle ne m'autoriserait d'ailleurs probablement pas à sortir.
- Je te promets que je me rattraperai, fis-je en lui faisant une moue adorable. Sneaz m'avait proposé avant, et j'avais complètement oublié. Tu m'en veux pas ?C'était petit de ma part, de me servir de l'excuse d'un rencard avec Sneaz pour pouvoir sortir ce soir-là, mais je savais qu'elle accepterait ainsi plus facilement, ou du moins, qu'elle m'en voudrait un peu moins, puisqu'elle m'avait souvent lâché durant son adolescence pour aller rejoindre son petit ami de l'époque. Elle soupira, déçue, mais finit par hausser les épaules.
- Tant pis alors, me répondit-elle en me faisant un petit sourire. Tu as intérêt de bien profiter de ton rencard au moins.
Je m'empressai de la prendre dans mes bras et de lui faire un petit bisou sur le front, comme elle le faisait avec moi quelques années plus tôt, quand les rôles étaient totalement inversés. Elle soupira à nouveau, et se concentra sur la télé-réalité stupide qui passait à la télé. J'en profitai pour me réfugier dans ma chambre, et je m'affalais sur mon lit. Ça n'avait pas été une mince affaire, de mentir à ma sœur. Elle était l'une des personnes qui me connaissait le mieux, pourtant, j'avais réussis à faire comme si de rien n'était. Comme si ça allait. Pourtant, ça n'allait pas.
Je ne pouvais même pas lui en vouloir de ne pas le voir, puisque je savais qu'elle aussi avait mal. Cette journée était spéciale, pour elle comme pour moi, puisque, aujourd'hui, cela faisait précisément trois ans, jour pour jour, que mon père nous avait quitté. C'était un jour douloureux pour nous, et, nous avions chacune notre façon de laisser sortir la peine. Alors qu'elle souhaitait s'empiffrer de trucs bien caloriques devant un film triste, moi, je ne souhaitais qu'une chose : être seule. Et lui mentir en lui disant que j'avais un rendez-vous avec Sneaz, - avec lequel elle était persuadée que j'avais une relation secrète, ce qui était totalement faux - avait été le seul moyen que j'avais trouvé pour pouvoir m'isoler un peu sans la vexer totalement.
Pourtant, j'avais menti. Je n'avais pas rendez-vous avec Sneaz. D'ailleurs, depuis la soirée, presque une semaine plus tôt, où j'avais eu ma mère au téléphone, en pleine crise de psychose, je n'avais plus de nouvelles. Non. C'était faux. Je mentais. Pour être honnête, c'était moi qui ne lui en donnais plus. Je ne répondais que rarement, voire presque jamais à ses messages, et je refusai toutes ses invitations à sortir en groupe avec les garçons. Je m'en voulais d'être si distante, mais j'étais perturbée. Totalement. Ce n'était qu'en rentrant chez moi après la crise de larme que j'avais eu, que je m'étais rendue compte que je lui avais parlé de mes démons personnels les plus intimes, sans même m'en rendre compte. Qu'est-ce qui m'avait pris bordel ? Je ne m'étais jamais confié ainsi à une personne, à part à Chiara et à June, et j'avais encore du mal à croire que je l'avais fais avec un garçon que je ne connaissais que depuis deux semaines.
Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander s'il faisait cet effet à beaucoup de monde, ou si c'était juste à moi. J'avais l'impression de pouvoir me confier à lui, si facilement, que c'en était trop beau pour être réel. Or, j'avais assez lu de livres à ce sujet pour savoir que ce genre de personnes étaient souvent celles dont on devait se méfier. Je secouai la tête. Je n'avais pas envie de penser à ça maintenant.
En tournant ma tête vers ma table de chevet, mes yeux se posèrent sur cadre en bois brut, celui que j'avais ramené de Paris. Celui qui ne me quittait jamais. Celui dans lequel on pouvait voir une photo de mon père et de moi, quand je devais avoir quatre ou cinq ans. La photo en elle même n'avait rien d'exceptionnelle. La qualité était même plutôt ridicule. A l'époque, j'étais énormément joufflue, et mes cheveux étaient bien plus clairs qu'ils ne l'étaient aujourd'hui. Une frange cachait d'ailleurs mon front. Je ne regardais même pas l'objectif. Je regardai mon père, sur lequel j'étais assise. Lui, avait un large sourire. Le genre de sourire qui devait faire tomber les femme comme des mouches à l'époque où il était jeune. Je n'avais pas de mal à comprendre pourquoi ma mère en était tombée folle amoureuse. Ses yeux taquins - de la même couleur que les miens - , ses cheveux châtains qui partaient sans cesse dans tous les sens, son nez aquilin, ses lèvres pincées. Il avait toujours eu beaucoup de charme. Ce qui m'interpellait le plus dans cette photo, c'était ma manière de le regarder, comme la huitième merveille du monde. A mon avis, je l'avais probablement toujours regarder ainsi.
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All of the Stars
Fiksi PenggemarNora, une jeune femme de dix-neuf ans, passionnée par les livres et la poésie, ne s'est jamais remise du décès de son père. Quand elle débarque chez sa sœur pour prendre des vacances loin de son quotidien parisien, elle ne sait pas encore qu'elle va...