chapitre 10

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- Intéressant, ce choix de phrase, se contenta-t-il de répondre.


- Pourquoi ? demandai-je en tournant ma tête dans sa direction.

Il s'était positionné de manière à pouvoir me faire façon, étant donc de travers sur le siège de sa balançoire, et je me finis par me mettre dans la même position que lui pour pouvoir lui faire face, et donc voir les expressions qui s'affichaient sur son visage, en même temps qu'il prononçait ses paroles.

- C'est vraiment l'image de l'amour que tu as ? fit Sneaz les sourcils froncés.

- Non, enfin, je ne sais pas, soupirai-je en haussant les épaules. C'est l'image que j'ai de l'amour d'aujourd'hui. C'est pas le cas ?

Le brun parût réfléchir quelques instants à ma question.

- D'une certaine manière, un peu, se contenta-t-il de répondre, comme si mes paroles l'avaient plus interpellées qu'elles ne l'auraient dû.

Après ça, nous restâmes plongés dans un silence doux, un silence agréable. Le genre de silence qui aurait pu durer toute une vie, que ça nous aurait été totalement égal. Mes yeux se posaient en particulier sur le ciel étoilé, ou bien sur lui, tout dépendait des moments. Impossible de savoir ce que mon regard recherchait, pourtant, j'étais persuadée qu'il recherchait quelque chose. J'étais surprise de voir comment cette soirée avait évoluée. Alors que j'étais bien partie pour la passer seule sur une crique, je me retrouvais maintenant dans un vieux square abandonné avec Sneaz. Que de changements. D'un côté, je ne m'en plaignais pas. Il m'avait changé les idées, je ne pouvais clairement pas le nier, mais d'un autre côté, je m'en voulais quand même un peu toujours en repensant à ma mère. J'hésitais même à l'appeler, mais, en vérité, je savais qu'une fois qu'elle aurait décroché, j'aurais peur d'entendre ce qu'elle me dirait. J'aurais peur de l'entendre lors d'une de ses nouvelles crises, ou que sais-je. N'était-ce pas encore pire de l'entendre parler comme si tout allait bien, comme si rien de cela n'était arrivé. Comme si mon père n'était pas mort. Comme si ma mère n'avait jamais perdu l'esprit. Comme si notre vie n'était pas devenu un sacré chaos en trois ans.
Le brun assit en face de moi, qui regardait les étoiles depuis une bonne dizaine de minutes, finit par reposer les yeux sur moi. Il dût comprendre que je repensai à quelques chose qui me rendait triste, parce qu'il reprit soudainement la parole, et me proposa alors de faire la course en remontant le toboggan à l'envers. Mon premier réflexe fût de le traiter de gamin, mais un sourire en coin apparut sur mon visage et nous réagîmes tous les deux en même temps.
Je fus fière de gagner, étant plus petite que lui donc plus rapide. J'avais faillis risquer ma vie plusieurs fois, puisque les semelles de mes chaussures ne cessaient de glisser sur la surface lisse du jeu, mais je réussis tout de même à arriver une fraction de seconde avant Sneaz. Nous nous aventurâmes alors dans la petite cabane dont le toit était si bas que même moi je n'avais aucun mal à le toucher. Le jeune homme, lui était obligé de se tenir courbé s'il ne voulait pas se cogner. Sur les planches en bois constituant le petit abris, on pouvait voir plusieurs mots écrits au stylo, ou bien carrément gravés ; des déclarations, des dates, des prénoms, des surnoms... Certains étaient presque entièrement effacés, et je ne pouvais pas m'empêcher de me demander depuis combien de temps ils étaient là. Je me demandai aussi ce que ces personnes étaient devenus, si elles revenaient de temps en temps ici, pour revoir les marques qu'elles avaient laissés des années en arrière.
Nous finîmes par redescendre, et, après un tour de tourniquet qui fût bien vite écourté parce que je faillis finir la figure dans les graviers plusieurs fois, pour le plus grand bonheur du jeune homme, nous décidâmes de partir. Cette fois-ci, nous passâmes par la route, évitant, Dieu merci, le passage à travers les haies et l'escalade du grillage que nous avions pris à l'allée.

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