Quatre jours plus tard.
Je ne pus m'empêcher de soupirer quand j'entendis la poignée de la porte de ma chambre s'abaisser.Quand allaient-ils comprendre que je voulais être seule ? Mes yeux étaient tellement habitués à l'obscurité de la pièce que je me retins de pousser un gémissement quand la lumière venant de l'embrasure de la porte m'aveugla. Je clignais plusieurs fois des yeux, mais je n'eus pas le temps de plus m'habituer que la silhouette qui s'était infiltré dans la pièce s'était déjà dirigée vers les volets et les avaient ouverts en quelques secondes.
- June bordel, m'exclamai-je. Qu'est-ce-que tu fais ?
- Je comprends que tu sois triste, mais tu ne peux pas rester dans ton lit, soupira-t-elle avant de s'asseoir à côté de moi sur le lit. Pas aujourd'hui.
Il me fallut quelques secondes pour réaliser de quoi elle parlait et ce ne fût qu'à cet instant que mon cerveau embrumé décida de réagir. Dès que l'information fût comprise par celui-ci, des larmes me montèrent aux yeux, qui se posèrent sur mon amie.
- C'est déjà aujourd'hui ? Murmurai-je, la gorge serrée.
Elle se contenta de hocher la tête. La pitié que je pouvais lire dans son regard ne m'aidait absolument pas, mais je me voyais mal le lui dire, alors je me mordis simplement la lèvre inférieure, avant de laisser les larmes couler sur mes joues.
- Quand ? Demandai-je alors d'une petite voix.
- Antoine m'a dit que ça commencerait à quatorze heure, donc il viendra nous chercher un peu avant, m'expliqua-t-elle
Je tournai ma tête vers mon réveil électronique. Il n'était que dix heures du matin. En temps normal, j'aurais trouvé ça insultant d'être réveillé depuis déjà plusieurs heures, mais ces derniers jours, je ne différenciais plus vraiment le jour de la nuit. Je lâchai un soupir, et je me rallongeais dans ma position initiale, roulée en boule sur le côté.Je sentis June s'allonger dans mon dos et enrouler ses bras autour de moi. C'était presque étrange d'avoir de la compagnie après avoir passé quatre jours presque entièrement toute seule, si l'on oubliait les brèves fois où ma mère rentrait dans ma chambre, juste pourvoir si j'étais encore là. Si je respirais encore.
Elle avait tenté de me faire cracher le morceau, mais j'étais resté silencieuse, et j'avais demandé à June et à Chiara de ne rien lui dire. Je savais que cela ne ferait que lui rappeler la mort de sa propre moitié. D'ailleurs, ma sœur avait voulu prendre l'avion pour Paris dès qu'elle avait appris la nouvelle. Pour être là pour moi. J'avais catégoriquement refusé, et le destin avait semblé d'accord avec moi puisque l'avion qu'elle avait voulu prendre avait été annulé au dernier moment.
C'était étrange, parce que la seule personne à qui j'avais envie de parler de la mort de l'homme que j'aimais, était elle aussi morte. Jamais mon père ne m'avait manquer autant que ces derniers jours, et le manque que son absence me faisait ressentir ne faisait que s'ajouter au néant qu'était devenu mon cœur, à l'instant où un camion était rentré dans la voiture de Sneaz.
Je l'avais attendu devant ce square. Je l'avais attendu plus d'une heure dans le froid d'une nuit du mois de mars, en lui trouvant des excuses. Des dizaines d'excuses. Je m'étais dis qu'il avait été retenu. Qu'il était tombé dans un embouteillage. J'étais loin d'imaginer la vérité, du moins, jusqu'à ce qu'Antoine m'appelle, me demandant où j'étais. J'avais compris à sa voix qu'il était paniqué, alors je le lui avais indiqué, oubliant pendant un moment Sneaz, pensant que mon ami avait un problème avec sa copine. Quand il était arrivé devant le square en trombe, et qu'il m'avait annoncé en pleurant que le garçon que j'aimais venait d'avoir un accident, j'avais d'abord pensé à une blague, ou bien à un rêve. Ce n'était que quand mon regard avait croisé le sien, totalement au bord du gouffre, que la réalité m'était revenu en pleine face, et que je m'étais effondrée.
Bordel. Qu'est-ce-que j'aurais aimé que ça ne soit qu'un rêve... Mais ça ne l'était pas, et la constante vague de douleur qui ravageait mon cœur à chaque fois que je tentai de reprendre mon souffle était là pour me le rappeler. J'avais essayé de penser à autre chose, mais je n'arrivais pas à poser les yeux sur quelque chose qui ne me rappelait pas sa présence, ou plutôt, son absence. Je ne comprenais pas pourquoi les gens parlaient de cœur brisé. C'était partout que j'avais mal, et le cœur n'était qu'un organe de plus qui me faisait souffrir à chaque battement.
Je n'avais pas vu passer ces derniers jours, pourtant, rien ne m'avait jamais paru si longs. A croire que la Terre tournait bien plus lentement à présent qu'il ne marchait plus dessus. Pour être honnête, même les heures qui suivirent, je ne les vis pas passer.
Après avoir passé deux heures couchée à mes côtés, June m'avait finalement tiré du lit, et m'avait poussé sous la douche. J'avais l'impression d'être moi-même un cadavre. Je n'avais pas de force, probablement parce que je n'avais presque rien avalé depuis quelques jours. Ce fût en sortant de la cabine de douche, que je me fis le plus peur. Mon teint était cadavérique, ma peau sèche à cause de toutes les larmes que j'avais versé, mes yeux étaient gonflés, et sous ceux-ci, des cernes violettes finissaient d'achever mon look de zombie. Je soupirai, ne prenant même pas la peine de me maquiller, et je rejoignis ma cousine dans ma chambre.
Elle avait déjà sorti ma tenue et l'avait étalé sur mon lit. J'enfilais la robe-pull noire, les collants, et la paire de bottines qu'elle me tendait sans même réfléchir. Je n'en avais pas la force. J'avais longtemps jeter des coups d'œil à un pull à capuche noir, traînant au sol dans un coin de ma chambre, en espérant pouvoir le mettre, mais le regard de la petite brune m'interdisait clairement de l'approcher. Elle insista pour me coiffer, me faisant une tresse avec un effet assez bordélique, que j'aurais probablement trouvé jolie si ça avait été dans d'autres circonstances. Qu'est ce que j'aurais aimé, que ça soit dans d'autres circonstances...
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All of the Stars
FanfictionNora, une jeune femme de dix-neuf ans, passionnée par les livres et la poésie, ne s'est jamais remise du décès de son père. Quand elle débarque chez sa sœur pour prendre des vacances loin de son quotidien parisien, elle ne sait pas encore qu'elle va...